L’ours russe n’a pas dévoré la fragile Moldavie. Avec plus de 50% des suffrages et l’assurance d’une majorité absolue de 52 à 53 sièges sur les 101 du parlement, le parti Action et Solidarité de la présidente Maia Sandu a résisté ce dimanche 28 septembre aux ingérences avérées de Moscou dans la campagne législative.
Pour Vladimir Poutine, un succès du Bloc patriotique, favorable à une neutralité permanente de ce petit pays de 2,5 millions d’habitants adossé au flanc sud de l’Ukraine, aurait constitué un succès géopolitique incontestable. La Transnistrie, cette enclave pro-russe sécessionniste, coincée entre la Moldavie et l’Ukraine, aurait fait des émules.
Victoire pour l’Union européenne
Echec sur toute la ligne. Et victoire pour l’Union européenne qui jouait gros dans ce scrutin marqué par le vote de l’importante diaspora moldave dans les pays de l’UE, soit environ 500'000 électeurs expatriés. A deux jours d’un sommet européen extraordinaire à Copenhague (Danemark) des dirigeants des 27 pays de l’UE, une victoire du parti pro-russe aurait constitué un défi militaire et politique de plus, au moment où les incursions de drone non identifiés au-dessus d’infrastructures aéroportuaires et énergétiques inquiètent. La Moldavie contrôle l’accès routier à la ville portuaire ukrainienne d’Odessa, clé de la mer Noire, où une attaque massive de drones a de nouveau eu lieu ce dimanche, comme dans la plupart des villes du Pays.
Les 3 raisons de la défaite russe
Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il raté son pari, alors que Moscou aurait, selon des organisations spécialisées, investi plus de 350 millions d’euros dans la campagne, pour soutenir le bloc patriotique de l’ancien président moldave Igor Dodon? Au moins trois raisons expliquent cette défaite politique. La première est la popularité de l’actuelle cheffe de l’Etat Maia Sandu, 53 ans, réélue le 3 novembre 2024 et avocate fervente de l’intégration de son pays à l’Union européenne.
La seconde est l’avancée de cette intégration, depuis que la Moldavie a reçu son statut de candidat en juin 2022, et l’ouverture des négociations d’adhésion le 14 décembre 2023. Troisième motif enfin: la riposte sévère aux présumées ingérences russes. Deux partis politiques, dont la formation «Cœur de la Moldavie» favorable à un rapprochement avec Moscou et une amitié «éternelle» avec la Russie, ont été exclus des urnes à quelques jours du scrutin. Un milliardaire moldave proche de la Russie, Vladimir Plahotniuc a par ailleurs été extradé de Grèce juste avant le vote.
Interférences de Moscou
La Russie, comme à chaque fois, a nié toute interférence dans la campagne des législatives moldaves et toute volonté de voir ce petit pays devenir une sorte de grande Transnistrie, pour désigner cette enclave pro-russe de 475 000 habitants, où la nostalgie de l’Union soviétique est présente partout. Mais ce résultat des élections moldaves intervient à un moment compliqué pour le pouvoir au Kremlin.
Premier point inquiétant: l’état de l’économie russe. Faute de perspectives sur une fin proche de la guerre en Ukraine, le déficit public, les taux d’intérêt, la croissance, les revenus des exportations, sont tous en berne et pourraient priver Vladimir Poutine de ses moyens financiers pour poursuivre le conflit. Second point problématique pour Moscou: la probable riposte de l’OTAN aux incursions de drones qui ont, pour l’heure, déstabilisé l’Alliance atlantique. le projet d’un «mur anti drones européen» est sur la table du sommet européen de Copenhague ce mercredi 1er octobre.
L’enjeu de la mer Noire
Dernière défaite pour Poutine: ce succès proeuropéen en Moldavie conforte l’emprise de l’UE sur le flanc occidental de la mer Noire. Même si le pays, issu de l’ancienne Bessarabie roumaine, n’a pas d’accès à la mer, son maintien sur la route de l’intégration à l’UE permet à Bruxelles de déployer équipes et programmes de coopération, y compris sur le plan technologique. La petite Moldavie aurait constitué une faille si elle avait basculé dans le giron de Moscou. Elle consolide, avec ce résultat électoral, l’enceinte politique proeuropéenne autour de l’Ukraine en guerre.