Le «Boracay», arraisonné au large des côtes françaises, est-il impliqué dans les vols suspects de drones au Danemark? Deux membres d'équipage sont interrogés en garde à vue jeudi par les gendarmes dans le cadre d'une enquête lancée sur ce navire appartenant à la flotte fantôme russe.
Baptisé «Pushpa» ou «Boracay», ce bâtiment de 244 mètres de long, battant actuellement pavillon du Bénin, est sous sanctions européennes pour son appartenance à la flotte utilisée par Moscou pour contourner les sanctions occidentales contre ses ventes de pétrole. Il est soupçonné d'avoir été impliqué dans les récents survols de drones qui ont perturbé le trafic aérien danois, selon le site spécialisé The Maritime Executive.
Ce dernier affirme que le navire a pu servir de «plateforme de lancement» ou comme «leurre». Selon une analyse AFP des données du site maritime spécialisé VesselFinder, le pétrolier a navigué au large des côtes danoises entre le 22 et le 25 septembre, au moment où le Danemark enregistrait des survols suspects de drones.
Militaires cagoulés à Saint-Nazires
Le navire a été «arraisonné samedi dernier», selon une source militaire française. Mercredi, des images aériennes tournées par l'AFP au large de Saint-Nazaire (ouest) ont montré des militaires cagoulés présents sur le pont du navire. Le parquet de Brest (ouest) a annoncé mercredi avoir ouvert une enquête sur le pétrolier à la suite de «délits maritimes» signalés lundi par le préfet maritime de l'Atlantique.
Ces infractions – un «défaut de justification de la nationalité du navire/pavillon» et un «refus d'obtempérer» –, sont passibles d'un an de prison. Une amende de 150'000 euros est également encourue, selon le parquet.
C'est dans le cadre de cette enquête, confiée à la gendarmerie maritime, que deux membres d'équipage, se présentant «comme le commandant du navire et son second», ont été placés en garde à vue. C'est ce qu'a annoncé mercredi le procureur de la République de Brest, Stéphane Kellenberger.
Macron évoque «une opération très importante»
La garde à vue peut durer jusqu'à 48 heures, à la suite de quoi il revient à un juge de décider d'un éventuel placement en détention. Le président Emmanuel Macron a évoqué mercredi une «opération très importante» de la marine, en marge d'un sommet européen à Copenhague. «Il y a eu des fautes très importantes qui ont été commises par cet équipage qui justifient d'ailleurs que la procédure soit judiciarisée aujourd'hui», a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron a toutefois appelé à rester «très prudent» concernant une éventuelle implication du bateau dans les survols de drones au Danemark. Le 22 septembre, un premier survol avait entraîné la fermeture de l'aéroport de Copenhague.
Les drones russes en toile de fond
De nouveaux survols de plusieurs aéroports et d'une base militaire ont eu lieu le 25 septembre. Leur origine reste jusqu'à présent inconnue. Mais les autorités danoises ont pointé du doigt la Russie, déjà accusée d'être derrière l'incursion d'une vingtaine de drones dans le ciel polonais début septembre et de trois avions de combat dans l'espace aérien estonien quelques jours plus tard.
Le «Boracay» a changé plusieurs fois de nom et a été immatriculé successivement au Gabon, aux îles Marshall ou en Mongolie, selon www.opensanctions.org. Outre l'Union européenne, le navire est sous sanctions du Canada, de la Suisse, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni.