Combattre ou disparaître
Contre la paix et contre Trump, le Hamas joue sa survie

Le mouvement palestinien et son allié le Jihad Islamique sont dos au mur face au plan de paix de Donald Trump. S’ils l’acceptent, ils seraient évincés de l’enclave — tandis que le Premier ministre israélien a promis de tous les éliminer.
Publié: 11:47 heures
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Dernière mise à jour: 11:54 heures
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Combien de combattants du Hamas sont-ils encore prêts à mourir dans les tunnels de Gaza?
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Combien sont-ils encore à être prêts à mourir les armes à la main face aux soldats israéliens, dans les tunnels de la bande de Gaza? Pour la plupart des experts, le Hamas et son allié le Jihad islamique conservent une force d’environ 8000 combattants, disséminés au sein des deux millions de Palestiniens captifs dans l’enclave assiégée. 

Le commandement politique du mouvement islamiste et terroriste, qui a plongé le territoire dans le chaos après son assaut du 7 octobre 2023 contre Israël (1200 personnes tuées, dont une trentaine d’enfants), opère-lui depuis le Qatar. Un pays du Golfe auquel Benjamin Netanyahu a publiquement adressé des excuses après avoir frappé, le 9 septembre, plusieurs villas de Doha abritant des dirigeants palestiniens.

Forcer la main

Combien sont-ils, surtout, à pouvoir peser sur la décision du Hamas d’accepter ou non le plan de paix en vingt points présenté par Donald Trump le lundi 29 septembre à Washington? Car dans les faits, personne ne peut dire aujourd’hui qui sera capable de faire accepter au Hamas et au Jihad Islamique leur disparition prochaine de la carte politique palestinienne.

Tel est bien en effet, noir sur blanc, ce que contient le plan Trump, sur lequel l’actuel gouvernement israélien est à la fois divisé et sceptique. Benjamin Netanyahu a plusieurs fois répété, lui, que son objectif est d’éradiquer militairement le Hamas «jusqu’à la racine» et de tuer tous les protagonistes de l’assaut du 7 octobre. Tandis que ses alliés d’extrême droite jurent de coloniser la Cisjordanie pour empêcher toute émergence future d’un Etat palestinien…

La réalité du terrain, dans le brouillard sanglant d’une guerre qui se poursuit Gaza, avec le siège en cours de la ville de Gaza City, et l’ordre donné à l’armée israélienne de continuer son avancée vers le sud de l’enclave où se retrouve massée la population, est que trois facteurs vont décider, dans les prochaines heures, de la décision du Hamas. Sans assurance, en plus, que cette décision politique se répercute aussitôt dans les tunnels de Gaza.

L’étranglement financier

Le premier facteur est l’attitude des pays arabes qui tiennent le mouvement islamiste à bout de bras financièrement, et offrent à ses dirigeants l’asile et la protection indispensables contre la vengeance d’Israël. Le Qatar est le premier d’entre eux. L’Arabie saoudite vient juste derrière. L’Egypte et la Jordanie jouent un rôle crucial, car ces deux pays détiennent la clef de l’accès aux territoires palestiniens.

Or tous sont aujourd’hui liés par leur signature, le 29 septembre, d’un communiqué affirmant «leur volonté de s’engager de manière positive et constructive avec les Etats-Unis et les parties prenantes afin de finaliser l’accord et d’assurer sa mise en œuvre». L'Arabie saoudite, l’Egypte, les Emirats arabes unis, la Jordanie, l’Indonésie, le Pakistan, le Qatar et la Turquie sont donc engagés aux côtés des Etats-Unis.

Qui commande au sein du Hamas?

Le deuxième facteur, décisif, est l’état actuel de la chaîne de commandement du mouvement palestinien. A Gaza, la guerre qui se déroule à huis clos a ses règles qui n’ont rien à voir avec les communiqués à l’ONU ou à la Maison Blanche. 

Le Hamas et le Jihad islamique détiennent encore 48 otages israéliens, ultime bouclier contre une offensive tous azimuts de l’armée israélienne dans le sud de l’enclave. La seule option, pour le Hamas, est donc d’obtenir un sauf-conduit pour ses combattants – et surtout ses chefs militaires – avant l’approbation officielle du plan de paix et l’éventuelle libération des otages ou rétrocession de leurs dépouilles.

Qui peut l’assurer? Qui peut empêcher l’armée israélienne de faire le tri, lorsque les premiers départs auront lieu, d’autant qu’elle gardera le contrôle de l’enclave? Existe-t-il encore des tunnels opérationnels entre Gaza et l’Egypte permettant aux combattants du Hamas de s’enfuir? 

Ces questions pèsent bien plus lourd que les déclarations politiques. S’y ajoute une interrogation: un mouvement qui érige ses combattants en martyrs, et capitalise sur son ultime résistance, peut-il capituler et accepter son désarmement comme l’exige le plan de paix?

L’équation palestinienne

Le troisième facteur est l’équation politique palestinienne. Et elle est double. Le premier point porte sur l’Autorité palestinienne future qui, selon le plan de paix de Trump, devra exclure le Hamas et être supervisée par une commission internationale dirigée par le président des Etats-Unis. C’est, pour le Hamas et son idéologie islamiste, une capitulation totale. 

Sans aucune assurance, en plus, que cette future autorité palestinienne ne soit pas bafouée, humiliée, instrumentalisée par Israël. Rappelons que le plan Trump passe sous silence la création d’un Etat palestinien, et que le président des Etats-Unis s’est opposé à la reconnaissance récente de ce dernier par une dizaine de pays dont la France.

Autre élément déterminant: qui seront les 250 Palestiniens condamnés à la prison à vie et 1700 Gazaouis incarcérés depuis le 7 octobre 2023 qu’Israël devra libérer? Les dirigeants exilés du Hamas veulent un avenir politique. Il est illusoire de croire, malgré les crimes du mouvement, qu’ils abandonneront la partie.

L’enjeu politique palestinien est crucial. Or quel Palestinien peut aujourd’hui faire confiance aux Etats-Unis? Lesquels, soutien inconditionnel d’Israël, ont laissé se perpétrer le massacre de Gaza, avec ses 66'000 morts, ses dizaines de milliers de blessés, ses déluges d’obus américains qui ont détruit l’enclave et un ambassadeur des Etats-Unis à Jérusalem qui reste partisan de la recolonisation de la Cisjordanie?

Plan de paix pas négocié

Ce plan de paix signé Trump n’a pas été négocié avec les Palestiniens. Il a pour but principal et avoué de faire signer les pays arabes et Israël un remake des accords d’Abraham de 2020, qui conjugue la survie de la Palestine au conditionnel. Est-il la seule issue pour en finir avec l’horreur de Gaza? Peut-être.

Est-il de nature à faire cesser la volonté de guerre et de destruction d’Israël qui, malheureusement, continue de jeter dans les combats les miliciens du Hamas? Rien n’est moins sûr après deux années de sang, de larmes et de destructions d’une ampleur inégalée.

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