Parade militaire à Pékin
Xi Jinping vient de le prouver, il est le vrai «shérif» du monde

«Il y a un nouveau shérif en ville»: cette expression, jusque-là, désignait Donald Trump, présumé être le dirigeant le plus puissant du monde. Avec sa démonstration de force à Pékin ce mercredi 3 septembre, Xi Jinping vient de lui confisquer son étoile.
Publié: 10:23 heures
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La République populaire de Chine aura 100 ans en 2059. Tout démontre qu'elle sera sans doute, alors, la première puissance mondiale.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il n’a pas besoin que ses collaborateurs le flattent en public. Il ne convoque pas des conférences de presse en permanence. Et en matière de slogans, Xi Jinping peut compter sur le savoir-faire du parti communiste chinois pour rivaliser avec le «Make America Great Again» de Donald Trump!

A regarder ce qui se passe ces jours-ci en Chine, et à bien observer la parade militaire de ce mercredi 3 septembre sur la place Tian'anmen (là où fut écrasée par l’armée la révolution étudiante de juin 1989), la réalité est évidente: le nouveau «shérif» du monde n’est pas le locataire de la Maison Blanche, mais le suzerain de Zhongnanhai, la nouvelle Cité interdite des dirigeants chinois, à quelques pas de l’ancien palais de l’Empereur du milieu.

Une leçon de stratégie

C’est en effet une leçon de stratégie, de puissance et aussi de gouvernance que Xi Jinping, 72 ans, donne au monde entier depuis l’arrivée lundi à Tianjin d’une vingtaine de dirigeants étrangers pour le sommet de l’Organisation de la coopération de Shanghai, puis sa longue rencontre mardi avec Vladimir Poutine, et le défilé militaire géant de ce mercredi 3 septembre, pour le 80e anniversaire de la victoire sur le Japon.

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Tout a été chorégraphié pour ignorer l’Occident, et la première puissance mondiale que sont les Etats-Unis. Tout a été fait pour démontrer que le cœur du monde bat maintenant en Asie, où le régime communiste chinois totalitaire règne en maître malgré les difficultés de son économie dominée par l’Etat et tirée par les exportations massives. Et cela, sans aucune invective «à la Trump». Au contraire: à Tianjin, le président chinois a défendu le multilatéralisme, c’est-à-dire des règles internationales respectées, et il a dénoncé la «mentalité de guerre froide» sans citer Washington.

La vraie démarche du shérif

Une vraie démarche de shérif qui consiste à redire à tous les pays du monde que personne n’a intérêt à une jungle mondialisée. Personne? Sous entendu: sauf Donald Trump bien sûr avec lequel le gouvernement chinois a jusqu’au début novembre pour négocier un «deal» sur les tarifs douaniers.

L’autre attribut du shérif que Xi Jinping vient d’arborer à Pékin est la puissance de feu. L’armée chinoise, forte de deux millions de soldats, était la reine de cette journée de commémoration, scandée par des chants patriotiques dans lesquels excellent la propre épouse du président: la chanteuse Peng Liyuan. Les derniers équipements militaires de Pékin ont évidemment été mis en valeur, comme les missiles Dong Feng-31, les nouveaux avions supposés furtifs J-20, les robots quadrupèdes. Même si, sur le plan des chiffres, l’étoile chinoise continue de moins briller que celle de son grand rival avec un budget militaire annuel de 245 milliards de dollars, contre 900 pour les Etats-Unis.

Pourchasser les hors-la-loi

La qualité première d’un shérif, dans les westerns américains, est de ramener l’ordre dans sa ville et de pourchasser les hors-la-loi. C’est là, bien sûr, que le bât blesse pour Xi Jinping, dont le régime communiste n’a jamais exclu le recours à la force pour reprendre le contrôle de l’île de Taïwan. Sauf qu’en la matière, la loi est floue puisque tous les pays qui entretiennent des relations diplomatiques avec la Chine, à commencer par les Etats-Unis, reconnaissent que l’ex-Formose lui appartient! Pour le reste, le shérif chinois agit en défenseur d’un ordre asiatique qui convient au nouvel empire du milieu. Il défend la stabilité des gouvernements en place, même s’il s’agit de dictatures militaires féroces comme en Birmanie. L’ordre doit prévaloir, pour que le commerce fonctionne et que la prospérité règne.

Dans «L’ours et le dragon» (Ed. Tallandier) son livre passionnant consacré aux relations entre la Chine et la Russie, l’ambassadrice française Sylvie Bermann explique comment le shérif chinois, contrairement à Donald Trump, se garde bien d’humilier ses alliés. Xi Jinping a le plus gros revolver, doublé de moyens de coercition économiques importants, mais il ne le met pas sur la table des négociations en permanence, contrairement à Trump.

Russie-Chine: l’axe qui fait mal

Résultat: l’alliance Russie-Chine se renforce alors que la volonté des Etats-Unis est justement de dissocier ces deux pays: «Ce n’est pas une alliance, c’est un partenariat, de longue durée, parce que c’est leur intérêt, poursuit la diplomate. A partir du moment où les Etats-Unis ont déclaré une sorte de guerre froide à la Chine, les Etats-Unis ont peur de la puissance montante, je pense que ce partenariat ne peut que se renforcer, et dans tous les domaines, puisqu’il y a eu des exercices militaires conjoints.»

Un shérif face à l’autre. Dans les westerns – Xi Jinping, dit-on, préfère les films américains sur la Seconde Guerre mondiale – cela finit souvent en duel. Mais là aussi, attention car la suite pourrait réserver des surprises. Logique: le scénario ne s’écrit plus dans les studios de Hollywood. Il s’écrit à Pékin.

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