La pratique du bouclier fiscal a été non-conforme à la loi entre 2009 et 2021 dans le canton de Vaud. Un rapport très attendu le montre, sans toutefois pouvoir chiffrer les pertes fiscales et éclaircir les véritables responsabilités.
Le bouclier fiscal vaudois, qui vise à ce que l'impôt ne devienne pas confiscatoire pour les contribuables fortunés, est entré en vigueur en 2009. Or dès son introduction et jusqu'à une réforme en 2021, son application n'a pas été correcte, avec «des écarts» entre la loi et la manière de taxer, a remarqué François Paychère, expert indépendant chargé de faire la lumière sur l'utilisation du bouclier fiscal, mardi devant la presse.
La «routine informatique» pour calculer ce bouclier fiscal a produit «des résultats erronés» pour certaines catégories de contribuables. Selon les années, entre 1000 et 4000 contribuables ont été concernés par le bouclier fiscal. Combien ont-ils bénéficié de cette pratique non-conforme? Et surtout, qu'elles ont été les pertes fiscales?
Selon l'expert, elles sont «impossibles à chiffrer» au vu du nombre d'éléments qu'il faudrait prendre en compte pour effectuer un tel calcul. Avec une autre pratique du bouclier, on ne pourrait par exemple garantir que des contribuables soient partis du canton, ou que d'autres soient venus s'y installer.
«Inadmissible»
François Paychère a, en revanche, pu établir que des collaborateurs de l'Administration cantonale des impôts (ACI) ont rapidement remarqué cette mauvaise application et averti leur hiérarchie en 2011 puis en 2015. Aucune mesure n'a toutefois été prise pour corriger cette situation.
«C'est inadmissible. Un tel dysfonctionnement n'aurait pas dû se produire et le statu quo n'était pas une option», a réagi Christelle Luisier, présidente du Conseil d'Etat, accompagnée devant la presse par ses collègues Nuria Gorrite et Frédéric Borloz.
Si la direction générale de la fiscalité vaudoise a été informée, le rapport Paychère indique que la communication n'est pas remontée jusqu'au Conseil d'Etat. Même Pascal Broulis, qui a longtemps tenu les finances du canton, a affirmé n'avoir été informé qu'en 2019, avant d'entreprendre la refonte du bouclier fiscal.
«Les responsabilités sont difficiles à établir», a reconnu Christelle Luisier. Et de relever que la directrice de la fiscalité, Marinette Kellenberger, n'avait «plus de souvenir» de la note lui signalant des problèmes avec le bouclier fiscal. Une directrice qui, également épinglée dans l'affaire Dittli, partira de toute façon à la retraite anticipée en fin d'année.
Audits multiples
Le Conseil d'Etat a annoncé diverses mesures pour améliorer la situation au sein de la Direction générale de la fiscalité (DGF), que cela soit son organisation, son fonctionnement ou sa façon de procéder à des contrôles internes.
Un audit sera notamment lancé pour s'assurer de «la conformité des routines de taxation» aux dispositions légales. Un tel audit, qui n'a encore jamais été réalisé, sera mené soit par le Contrôle cantonal des finances (CCF), soit par un expert externe, a expliqué Christelle Luisier.
Le CCF sera également chargé de mener un autre audit sur le système de contrôle interne de la DGF. Il s'agira aussi de «fluidifier» les échanges d'informations entre la DGF et les autorités politiques.
Ces mesures doivent être lancées «rapidement». Une partie d'entre elles devront être mises en oeuvre par la personne qui sera prochainement désignée à la tête de la DGF, a ajouté la ministre des finances.
Opposé à une CEP
Pour le Conseil d'Etat, il n'est pas nécessaire d'aller plus loin dans cette affaire avec la mise sur pied d'une Commission d'enquête parlementaire (CEP), comme le demande une motion du Grand Conseil. Le gouvernement juge notamment qu'une CEP ne pourra pas amener d'autres éléments factuels que ceux établis dans le rapport Paychère.
Même si le Conseil d'Etat est opposé, c'est bien le Grand Conseil qui aura le dernier mot sur l'instauration ou non d'une CEP.