Des filles, leurs parents et des amis se sont réunis samedi matin autour d’un terrain de foot, mais la joie n’était pas de la partie. Ce 16 août sur les hauts de Lausanne, le match des juniores féminines (moins de 17 ans) entre le FC Concordia et le FC Collombey-Muraz avait le goût âpre du deuil.
Ou plutôt celui de l’hommage pour la jeune Camila, décédée à 14 ans des suites d’un accident de scooter survenu non loin de là. Entre Plaines-du-Loup et Blécherette, le 30 juin dernier, un policier a tenté d'interpeller celle qui est trop jeune pour avoir le permis.
Un mois et demi après le drame, c’est le premier match de l’équipe de la jeune fille. L’entraîneur de Concordia a transformé la rencontre amicale, organisée depuis longtemps, en un moment de recueillement. Toutes les joueuses portent un brassard noir. Forcément, l’avant et le début du match ont été très émotionnels.
Plusieurs dizaines de personnes sont venues assister à la rencontre et soutenir les parents, le frère et les proches de la jeune fille, d’origine portugaise. «S’il vous plaît, n’oubliez jamais Camila», répète la maman, dévastée, aux amies de sa fille, qui la serrent dans leurs bras. Les plus touchés portent un maillot noir au nom de l’enfant. Une psychologue qui vient en aide au couple est également présente.
Les parents, entre tristesse et colère
Pour la première fois, le couple Da Silva a dépassé la «douleur immense» qui les frappe à l’idée de revenir dans ce quartier. A une centaine de mètres de là, près du stade du Lausanne-Sport, leur fille a perdu le contrôle du scooter qu’elle conduisait sans casque, de peur de se faire interpeller par un policier qui la poursuivait.
«D’abord, je ne voulais pas venir, je n’avais pas le courage, lâche la maman. Mais son entraîneur et son équipe ont tellement fait pour elle, que je devais faire cet effort.» Elle se souvient du dernier voyage d’équipe à Europa-Park, le week-end avant l’accident: «Elle n’avait fait que rigoler, c’était un peu son au revoir à ses copines.»
Les deux parents ne veulent pas entendre parler de ce que la police nomme «rodéo urbain». Ils insistent: leur fille, qu’ils avaient «éduquée dans l’amour», n’était pas une délinquante. Ces derniers jours, un jeune garçon de son école est venu leur rendre visite. A la récréation, Camila était comme sa grande sœur, qui le protégeait du harcèlement dont il est victime.
Sur le terre-plein, les traces de sa violente chute ont laissé leur place à des photos, des fleurs et des bougies. «On ne passera plus jamais par là-bas, affirme la maman. Moi, je voulais enlever les fleurs et la photo. Mais mon fils ne veut pas, pas encore.» Après l’accident, qui soulève des questions, les parents ont reçu beaucoup de soutien. Deux cérémonies funéraires ont été organisées: une en Suisse, et une au Portugal.
Minute de silence forte en émotions
Retour au match. Juste avant le coup d’envoi, une minute de silence réunit joueuses, staff et spectateurs en cercle au centre du terrain, devant les crampons de l’ex-joueuse et son maillot, floqué du numéro 7. A la fin de cette minute, le papa déchire le silence, les yeux vers le ciel, criant le nom de sa fille. Tout le monde fond en larmes.
Le coach adverse, qui n’est autre que le cousin du père endeuillé, trouve les mots pour motiver ses joueuses, malgré les circonstances: «Rendez-lui honneur! Ce qu’elle aurait voulu, c’est prendre du plaisir sur un terrain de foot.» L’arbitre donne le premier coup de sifflet. Rapidement, les anciennes coéquipières de Camila prennent le dessus et marquent.
Nul doute que la polyvalente milieu de terrain, qui même blessée venait voir les matches de son équipe, aurait apprécié. Ses parents, eux, apprécient voir à quel point leur petite était aimée. Lundi, pour la rentrée des classes, une cellule de soutien psychologique sera mise en place dans le collège de Camila. Ses camarades de classe pourront trouver à qui parler, si besoin.