Sur la petite butte d’herbe, des traces de peinture rouge marquent le lieu exact où Camila, 14 ans, a fait une chute mortelle à scooter ce lundi 1er juillet. La jeune fille est lourdement tombée sur un terre-plein à la grosse intersection entre la route des Plaines-du-Loup et celle du Châtelard. Plus tard dans la nuit, l’adolescente lausannoise d’origine portugaise est décédée au CHUV, des suites de ses blessures.
Informée de «rodéos urbains au guidon d’un motocycle», la police municipale de Lausanne a envoyé un agent à moto sur place. «Arrivé sur la route des Plaines-du-Loup, ce dernier s’est retrouvé en présence d’une motocycliste roulant sans casque, faisant demi-tour à sa vue et partant à vive allure afin de se soustraire au contrôle de police», ont communiqué les forces de l’ordre mardi. Ce dernier l’a poursuivie pour l’intercepter, mais se trouvait «à plusieurs dizaines de mètres de l’intéressée» lorsqu’elle a «perdu le contrôle», toujours selon les mots de la police municipale.
Un rodéo urbain, vraiment?
Mercredi matin, Blick s’est rendu dans le quartier des Plaines-du-Loup, où se trouve la route du même nom. A la fin de celle-ci, en face du service des autos: le lieu de l’accident. Et environ 300 mètres avant l’intersection mortelle se trouve le petit chemin du Marronnier, attenant au Collège de Bois-Gentil et à son parc public. C’est là que s’est déroulé le «rodéo urbain» évoqué par la police.
«La Centrale vaudoise de police a été appelée à deux reprises, le soir en question», précise ce jeudi Michel Gandillon, porte-parole de la police municipale. Une fois depuis la petite rue, et une autre depuis le quartier. «C’était plus des garçons que des filles, mais il y en avait quelques-unes, peut-être trois», se remémore une habitante dont la fenêtre donne sur le parc. Selon cette femme anglophone, le bruit n’était pas insoutenable, mais plutôt «inhabituel pour la Suisse après 22h».
Un autre voisin fumait sa clope du haut de son balcon entre 22h et 23h: «Je n’ai pas vu ce qu’on appelle un 'rodéo urbain' dans cette rue. Oui, il y avait des jeunes qui gueulaient, énormément de bruits de motos et de cris, mais pas non plus de wheelings (ndlr: lorsque des pilotes habiles roulent seulement sur la roue arrière). Puis un grand bruit les a fait partir dans tous les sens.» D’après d’autres habitants du coin, c’est l’arrivée de la police qui a fait déguerpir tout ce petit monde.
Pour Michel Gandillon et la police lausannoise, un rodéo urbain se définit comme «un comportement ou une utilisation inappropriée d’un véhicule, tant par sa vitesse, son bruit excessif (montée des tours, freinage, accélération) et des circuits inutiles». Conséquence de cette pratique? Une «gêne pour la population», voire une «mise en danger» de soi-même ou d’autrui.
Une visite policière par jour dans le quartier
«L’utilisation inappropriée des deux-roues affecte la population résidant dans le quartier, continue le policier chargé de la communication. La police est sollicitée en moyenne une fois par jour pour des problématiques liées aux rodéos urbains.» Pour «lutter contre ces pratiques dangereuses», il assure que «depuis plusieurs mois, la police est présente quotidiennement dans le quartier des Plaines-du-Loup, par le biais des motocyclistes».
A ce jour, plus d’une dizaine de dénonciations ont été établies. «Toutefois, il n’est pas simple de procéder à des interpellations, sachant qu’à la vue de la police, les protagonistes cessent leurs activités et quittent les lieux, regrette Michel Gandillon. Le fait d’être présent a un but avant tout préventif et dissuasif.»
Quant à savoir s’il est établi que Camila participait effectivement au rodéo urbain constaté, ou de quelle ampleur était ce rassemblement de jeunes, le porte-parole ne peut pour l’instant en dire plus: «En raison de l’enquête en cours, la police ne peut pas se prononcer».
Hommages en cascade pour l’enfant
Dès mercredi, plusieurs hommages ont été rendus à l’enfant. Un bouquet de fleurs a été déposé sur les lieux du drame, où plusieurs personnes se sont réunies avec des ballons blancs dans la soirée.
Jeudi, le club de foot lausannois de la jeune fille – le FC Concordia – a publié un communiqué officiel sur le décès de sa junior. «Camila, ton sourire, ta gentillesse, ton énergie et ta passion pour le jeu illuminaient chacun de tes entraînements, chacun de tes matchs. Tu étais plus qu’une joueuse: tu étais une amie, une coéquipière, une étoile parmi nous», s’attriste le club en adressant ses pensées à la famille.
Nos confrères de «20 minutes» ont justement obtenu le témoignage de la famille de l’adolescente, qui la décrit comme «douce, calme et bien élevée». Ses parents indiquent qu’elle n’était «pas une délinquante» et qu’une connaissance un peu plus vieille, mais également mineure, lui aurait mis ce scooter 125cc entre les mains.
Même policier que dans l’affaire Mike Ben Peter
Du côté de «24 heures» mercredi, on apprend qu’en l’état, le Ministère public vaudois n’a «pas connaissance d’éléments étayant pénalement le soupçon qu’un policier aurait provoqué, volontairement ou non, le décès». De quoi peut-être faire taire certaines rumeurs dans le quartier, qui évoquent une responsabilité directe du policier dans la chute de la jeune fille. L’enquête a donc été confiée à la division accidents de la police municipale, sous la conduite du Tribunal des mineurs, et non à la Division affaires spéciales du Ministère public central, chargé des affaires impliquant potentiellement un policier.
Ce vendredi 4 juillet, «24 heures» a également dévoilé que le policier à moto qui entendait intercepter l’ado et l’a suivie sur la route est l’un des quatre agents prévenus dans l’affaire Mike Ben Peter. C’est lui qui avait passé les menottes au Nigérian, mort à Lausanne en 2018. Cet agent et cinq autres ont été acquittés en première instance en 2023, un verdict confirmé par le Tribunal cantonal. L’affaire, qui a fait grand bruit dans les milieux antiracistes, est en attente d’une décision du Tribunal fédéral.
En plus des analyses réalisées sur place, des témoins de l’accident mortel de Camila ont été entendus dans le cadre de l’enquête, précise le quotidien vaudois. Le député Vert Ilias Panchard entend par ailleurs déposer une interpellation urgente au Conseil communal.