Adrien Michel, météorologue de MétéoSuisse
«Un tel épisode de neige, c'est tous les siècles par endroits en Valais»

Des précipitations record ont frappé le Valais, avec des quantités de pluie et de neige exceptionnelles, sans risque de gel. Un météorologue de MétéoSuisse explique que cet épisode, comparable à celui d'avril 1976, a une période de retour de 30 à 100 ans en Valais.
Publié: 17.04.2025 à 19:20 heures
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Dernière mise à jour: 22.04.2025 à 07:19 heures
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De telles chutes de neige record dans certains coins du canton en avril: l'épisode ne se répète qu'à plusieurs décennies d'écart.
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Léo MichoudJournaliste Blick

Des enfants à la maison avant le début des vacances, des routes bloquées, des arbres brisés et des touristes invités à décaler leurs vacances: la neige tombée en abondance en Valais en plein mois d'avril, dans la nuit du mercredi 16 au jeudi 17, en a amusé certains, mais en a inquiété d'autres.

Blick a mis le nez dans la poudreuse en posant trois questions brûlantes à un météorologue. Adrien Michel, de MétéoSuisse, évoque cet épisode climatique «rare mais pas trop», bien différent des intempéries dévastatrices de l'an dernier – du moins en Suisse – et lors duquel la neige a paradoxalement protégé les plantes du gel.

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Comparable à la pluie dévastatrice de juillet 2024?

Ce matin, devant les intempéries «exceptionnelles» en Valais, certains ont peut-être eu la désagréable sensation de se retrouver projetés en juillet 2024. Entre les laves torrentielles, les crues et les éboulements, les dégâts avaient été beaucoup plus importants qu'en ce mois d'avril.

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Les intempéries de juillet dernier étaient d'une autre nature, car elles sont restées très courtes, orageuses et plus localisées
Adrien Michel, météorologue de MétéoSuisse
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«Les intempéries de juillet dernier étaient d'une autre nature, car elles sont restées très courtes, orageuses et plus localisées, explique Adrien Michel. Il y avait eu beaucoup de neige au printemps, et cette pluie estivale a accéléré sa fonte.» L'an dernier, les chutes de neiges précédentes ont donc été le «facteur aggravant» de l'événement climatique dévastateur – et cher – qu'a vécu le Valais.

Mais dans le cas de ce mois d'avril, les précipitations s'étendent sur une période plus longue. «Il pleut depuis mardi après-midi, rappelle le météorologue. Les records de précipitations ont été battus dans plusieurs stations de mesure, comme à Orsières qui a battu son record absolu sur 24 heures.»

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Un tel événement est-il rare ou de plus en plus fréquent?

Pour l'employé de MétéoSuisse, «il serait imprécis de dire que des événements comme celui-ci se répètent tous les ans». Pour prouver son point, il évoque la notion de «période de retour», soit la durée statistique entre deux événements climatiques comparables, par exemple par la quantité de précipitations tombées sur une certaine durée.

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On peut attendre ce genre de pluie presque tous les 100 ans à la station de Sierre, mais tous les 10 à 20 ans au col du Simplon
Adrien Michel, météorologue de MétéoSuisse
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«La période de retour de cette quantité de précipitation est de l'ordre du siècle par endroits, rassure Adrien Michel. On peut attendre ce genre de pluie presque tous les 100 ans à la station de Sierre, mais tous les 10 à 20 ans au col du Simplon.» Mais alors de quand date la dernière occurrence d'une telle neige jusqu'en plaine et aussi printanière? «A son échelle, cet événement est éventuellement comparable à un épisode survenu le 23 avril 1976, il y a presque 50 ans», rigole l'expert au téléphone.

Sur LinkedIn, une journaliste du «Nouvelliste» a d'ailleurs retrouvé l'article du journal valaisan à ce sujet, daté du 26 avril. Il était alors question de Dalida bloquée dans un tunnel du Valais et, déjà, des «pauvres arbres» qui ployaient sous le poids de la neige.

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La neige, une chance plutôt qu'un cataclysme?

La neige a entrainé des accidents, des retards (au boulot comme aux vacances) et augmente le risque d'avalanches. Mais elle n'est peut-être pas si pire, notamment pour les stations encore ouvertes qui pourraient profiter de cet or-blanc pour vivre un sursaut de fin de saison.

Pour Adrien Michel, la neige a peut-être même sauvé des vies et réduit le nombre de dégâts. «Il y a d'abord eu de la pluie, puis c'est devenu de la neige, rappelle le météorologue au sujet de la nuit de mercredi à jeudi. Et on a eu de la chance d'avoir ce moitié-moitié. En effet, il n'a pas plu assez pour qu'il y ait d'énormes glissements de terrain comme en juillet 2024. Et il n'a pas assez neigé pour que de grosses avalanches ne déclenchent spontanément.»

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Toute cette neige est stockée et devrait fondre petit à petit, à moins qu'il y ait de grosses précipitations en pluie plus tard dans l'année
Adrien Michel, météorologue de MétéoSuisse
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Donc le fait qu'il neige a empêché la pluie de faire trop de dégâts. «Toute cette neige est stockée et devrait fondre petit à petit, à moins qu'il y ait de grosses précipitations en pluie plus tard dans l'année», envisage toutefois le spécialiste.

Plus au sud des Alpes, la région du Piémont en Italie n'a pas eu cette chance. Avec les températures plus élevées, il n'a fait que pleuvoir, ce qui a entraîné de grosses crues et inondations. Une coulée de boue près de Turin a même fait un mort.

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Un risque pour les arbres fruitiers et vos plantes naissantes?

Mais puisqu'il a neigé, il a fait froid. La température n'a-t-elle pas fait le malheur des arbres fruitiers et de leurs propriétaires? «C'est l'avantage paradoxal de la neige, lorsqu'elle survient par isothermie», répond le météorologue, avant d'expliquer cette notion de «neige par isothermie».

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La fonte des flocons refroidit l'air, mais seulement jusqu'à la limite pluie-neige, et pas en dessous de 0 degrés
Adrien Michel, météorologue de MétéoSuisse
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«C'est la fonte des flocons qui refroidit l'air, mais seulement jusqu'à la limite pluie-neige, et pas en dessous de 0 degrés, détaille Adrien Michel. Il n'y a donc pas de risque de gel pour les cultures en plaine.» En effet, à Sion, la température minimale n'a atteint que 0,2 degré.

Ainsi, vos plantons et plantes de jardin – ou de balcon – naissantes ne risquent rien et devraient avoir survécu à cet épisode neigeux. Outre le gel, les arbres fruitiers ont par contre vraiment souffert du poids de la neige et des branches cassées. Et attention encore aux Saints de glaces, cet épisode de gel printanier qui pourrait survenir autour de la mi-mai.

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