Elisabeth Baume-Schneider, ministre de l'Intérieur
«Je suis ouverte à une interdiction des réseaux sociaux pour les jeunes»

En Australie, les réseaux sociaux sont désormais interdits aux moins de 16 ans. Elisabeth Baume-Schneider se dit «ouverte» à l'instauration d'une telle mesure en Suisse. Pour Blick, elle se confie également sur l'AVS et sur l'accord de la pharma avec Trump. Interview.
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L'Australie a interdit les réseaux sociaux aux enfants de moins de 16 ans.
Photo: KEYSTONE/CHRISTIAN BEUTLER
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Raphael Rauch

Elisabeth Baume-Schneider, Donald Trump a contraint Roche et Novartis à conclure un accord. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour la Suisse?
Il s'agit d'un accord entre le gouvernement américain et des entreprises privées. Comme tous les détails du deal ne sont pas encore connus, il n'est pas possible de procéder à une évaluation définitive. Ce qui est clair, c'est que la Suisse continuera à fixer de manière autonome le prix de ses médicaments, et elle réexaminera ce processus au besoin.

Roche et Novartis vont investir des milliards aux Etats-Unis. La Suisse sera-t-elle laissée pour compte à l'avenir?
J'ai eu beaucoup de contacts avec Roche et Novartis cette année. Tous deux connaissent et apprécient les atouts de la Suisse ainsi que son attractivité pour les entreprises. J'ai confiance que le secteur pharmaceutique restera un pilier de notre économie à l'avenir.

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Les payeurs de primes en Suisse ne peuvent pas et ne doivent pas financer des baisses de prix aux Etats-Unis avec leurs primes-maladie
Elisabeth Baume-Schneider
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Le prix des médicaments s'apprête à baisser aux Etats-Unis. Roche et Novartis vont dès lors essayer d'augmenter les prix ailleurs. Allez-vous empêcher cela en Suisse?
Les payeurs de primes en Suisse ne peuvent pas et ne doivent pas financer des baisses de prix aux Etats-Unis avec leurs primes-maladie. Le Conseil fédéral travaille avec le secteur pharmaceutique pour continuer d'améliorer les conditions- cadre en Suisse, notamment à travers un meilleur accès au marché, la promotion de recherche clinique, ainsi que par une meilleure réglementation de nos relations avec l'UE.

Que se passera-t-il si Roche et Novartis ne commercialisent pas de nouveaux médicaments en Suisse, par égard pour la politique américaine en matière de prix?
Il ne s'agit pas seulement des Etats-Unis. Actuellement, la situation évolue fortement pour l'industrie pharmaceutique partout autour du globe. Mais la Suisse, comme marché national, reste attractive pour Roche et Novartis.

Parlons de quelque chose de plus joyeux: votre anniversaire est le 24 décembre. A quelle heure êtes-vous venu au monde?
A 22h45.

Donc presque comme l'enfant Jésus! Quand vous étiez enfant, cela vous dérangeait d'avoir votre anniversaire à Noël?
D'un côté, c'était une bonne chose: personne n'oubliait mon anniversaire. D'un autre côté, il n'y avait qu'un seul cadeau, vu que mon anniversaire et Noël coïncidaient. Et je ne pouvais pas inviter mes amies le soir de Noël, car elles étaient déjà en famille ou en vacances. J'aurais préféré fêter mon anniversaire en mars, comme celui de ma soeur.

Qu'est-ce que Noël signifie pour vous?
Noël, c'est le temps que l'on passe en famille et entre amis. C'est le temps de la solidarité. Nous avons la chance de vivre en Suisse, nous devrions être solidaires et aider les gens qui ne vont pas bien.

Qu'est-ce que vous mangez à Noël?
Nous cuisinons des vol-au-vent selon une recette de ma mère, ainsi que de la tresse. Je confectionne les tresses comme le faisait ma mère: avec quatre branches de pâte et non trois. Vous vous y connaissez en pâtisserie?

Non, pas du tout.
Il faut être attentif: toutes les tresses différentes. Elles changent d'aspect selon le boulanger ou la boulangère.

Le Parlement s'est violemment disputé pour obtenir plus d'argent contre la violence faite aux femmes. Pour la sphère politique, la protection des moutons semble plus importante que celle des femmes.
Le sujet a été discuté au Parlement avec beaucoup d'émotions. C'est compréhensible. Nous devons maintenant aller de l'avant, mettre en œuvre la décision et améliorer la protection des femmes et des hommes dans notre pays.

La conseillère nationale du Parti libéral-radical (PLR) Bettina Balmer a évoqué un «viol mental» en référence à l'avalanche de courriels envoyés par des militantes de gauche aux membres du Conseil des Etats. Un tel langage ne banalise-t-il pas les violences sexistes et sexuelles?
Je ne sais pas dans quel contexte cette citation a été prononcée. Pour moi, c'est le résultat qui prime. Grâce à des voix de gauche comme de droite, plus d'argent est alloué à la prévention, et c'est une bonne chose..

Pourquoi vous exprimer de manière si diplomatique? Ce genre de communication violente peut être toxique
Je devrais alors critiquer beaucoup de choses.

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Nous n'en ferons jamais assez dans le domaine de la violence faite aux femmes! Il est inacceptable que des femmes ne soient pas en sécurité chez elles, à la maison
Elisabeth Baume-Schneider
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Votre parti, le Parti socialiste (PS), veut mettre encore davantage l'accent sur le thème de la violence faite aux femmes. Cela signifie-t-il que vous n'en faites pas assez?
Nous n'en ferons jamais assez dans ce domaine! Il est inacceptable que des femmes ne soient pas en sécurité chez elles, à la maison.

Le politicien du Centre Reto Nause estime que l'argent supplémentaire serait mieux placé dans les maisons d'accueil pour femmes et dans l'aide aux victimes sur place que chez vous à la Confédération.
Il est important d'en faire davantage à tous les niveaux. Les campagnes de prévention au niveau national contribuent à garantir le recours effectif aux offres de soutien, et facilitent ainsi l'accès à l'aide. La violence envers les femmes est un problème systémique – toute la société doit y répondre. Une hausse des places dans les foyers pour femmes et une meilleure aide aux victimes font définitivement partie des réponses à apporter. Nous ne devons pas non plus oublier les enfants: eux aussi sont victimes de la violence domestique et souffrent quand leurs parents se disputent.

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Si les parents veulent interdire le smartphone à leurs enfants, mais qu'ils sont eux-mêmes tout le temps accrochés à leur propre téléphone, cela ne sert à rien
Elisabeth Baume-Schneider
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Jetons un coup d'œil vers l'Australie: les réseaux sociaux y sont depuis peu interdits aux enfants et aux jeunes de moins de 16 ans. Un smartphone est-il un bon cadeau de Noël?
Tout dépend de l'âge. Les smartphones ne conviennent pas aux enfants, mais sont souvent indispensables pour les adolescents. Ce qui est décisif, c'est la manière dont les parents accompagnent leurs enfants dans l'utilisation mais aussi dans la relation qu'ils entretiennent eux-même avec leur téléphone portable. Si les parents veulent interdire le smartphone à leurs enfants, mais qu'ils sont eux-mêmes tout le temps accrochés à leur propre téléphone, cela ne sert à rien.

Les smartphones n'existaient pas encore quand vos fils étaient petits. En êtes-vous heureuse?
Oui, ils n'ont reçu leur premier téléphone portable qu'à la fin de l'école secondaire. Mais c'était il y a 20 ans, l'usage du portable était différent. Aujourd'hui, un smartphone donne accès à de nombreux contenus nuisibles et les algorithmes en renforcent encore bien souvent les effets négatifs: troubles alimentaires, apologie de la violence, pornographie infantile. Je ne veux toutefois pas diaboliser les smartphones: ce n'est pas l'appareil en tant que tel qui pose problème, mais la manière dont nous l'utilisons. Les téléphones portables peuvent aussi aider à organiser la vie de famille et, en tant que jeune, à s'informer, à s'orienter.

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Je suis ouvert à une interdiction des réseaux sociaux. Nous devons mieux protéger nos enfants
Elisabeth Baume-Schneider
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La Suisse doit-elle interdire les réseaux sociaux aux enfants et aux adolescents?
Le débat en Australie et dans l'Union européenne est important. Il doit également être mené en Suisse. Je suis ouverte à une interdiction des réseaux sociaux. Nous devons mieux protéger nos enfants. Mais que devons-nous interdire? L'utilisation par les enfants? La diffusion de contenus dangereux? Les algorithmes qui ciblent la vulnérabilité des jeunes? Nous en discuterons intensivement au cours de la nouvelle année et sommes en train de rédiger un rapport. Et il ne faut pas oublier les sociétés qui hébergent ces réseaux sociaux: elles doivent assumer leurs responsabilités pour les produits qu'elles diffusent, et qui seront ensuite consommés par les enfants et par les jeunes!

Mais les groupes qui détiennent les réseaux sociaux en Californie ou en Chine font ce qu'ils veulent!
La loi fédérale sur les plateformes de communication est actuellement en consultation. Le Conseil fédéral veut renforcer la réglementation.

Votre collègue Albert Rösti prend des pincettes avec les plateformes qui hébergent les réseaux sociaux, car il ne veut pas fâcher Trump.
Le projet de loi est une étape importante. La consultation montrera si des ajustements sont encore nécessaires. Mais une chose est sûre: nous sommes responsables de la protection de nos enfants, pas les plateformes. Ce que veulent la Californie ou Washington n'a aucune importance.

Steve Jobs, le directeur d'Apple, a interdit à ses enfants d'utiliser des iPads. Son successeur Tim Cook en a fait de même avec son neveu. Devons-nous être plus prudents?
Oui. Déjà lorsque j'étais responsable de la formation dans le Canton du Jura, des études ont montré que le vocabulaire des enfants diminuait parce qu'on leur racontait moins d'histoires à la maison. Ceci étant dit, il ne faut pas paniquer non plus. Les tablettes ne rendent pas nos enfants plus stupides, elles peuvent même être utiles dans le processus d'apprentissage. A condition d'être utilisées convenablement en fonction de leur âge.

Parlons encore de l'AVS. Vous aurez 62 ans la semaine prochaine. Si vous voulez être présidente de la Confédération en 2029, vous devrez travailler jusqu'à 66 ans. Cela est-il concevable à vos yeux?
Je me réjouis des tâches qui m'attendent dans la nouvelle année. Je ne me préoccupe pas du reste.

En décembre 2026, la 13e AVS sera versée pour la première fois. Comment comptez-vous la financer?
Le Conseil fédéral l'a dit dès le début: la 13e AVS a un prix. Nous devons maintenant la financer. Pour cela, le Conseil fédéral veut augmenter modérément la TVA. J'espère vivement que le Parlement prendra désormais ses responsabilités et qu'il permettra au peuple de se prononcer rapidement. Sinon, l'AVS fera bientôt des déficits et ses réserves diminueront. Seule une AVS financièrement saine est une AVS forte.

Pourquoi vous opposez-vous à un relèvement de l'âge de la retraite, comme le demandent l'Union patronale suisse et le PLR?
La population ne veut pas d'un relèvement de l'âge de la retraite. Le Conseil fédéral veut passer par des incitations pour que les gens restent plus longtemps actifs sur le marché du travail.

Pourquoi vouloir rendre l'accès à la retraite anticipée plus difficile?
Aujourd'hui, il y a grosso modo deux groupes qui prennent une retraite anticipée. Le premier compte des personnes exerçant des métiers physiquement exigeants, comme dans le bâtiment. Une partie d'entre eux a droit à une retraite anticipée dès 60 ans grâce aux conventions collectives de travail ; le Conseil fédéral ne veut pas toucher aux retraites anticipées de ces travailleurs. Le deuxième groupe est constitué de personnes plutôt aisées, par exemple celles qui travaillent dans le secteur financier ou celles qui possèdent un patrimoine. Ces personnes prennent une retraite anticipée parce que des incitations existes, mais aussi parce qu'elles peuvent se le permettre.. Le Conseil fédéral souhaite réduire quelque peu ces incitations. En tant que société, nous avons tout intérêt à ce que les gens restent actifs sur le marché du travail jusqu'à 65 ans.

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