Harcèlement scolaire en Suisse
«Chaque jour, on me crachait dessus et on me souhaitait la mort»

Jesina Amweg et Fabian Egger ont été harcelés à l'école pendant des années, alors que leurs agresseurs étaient leurs amis. Les chiffres le prouvent: ces affaires sont plus fréquentes qu'on ne le pense.
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Jesina Amweg témoigne pour briser le silence.
Photo: DR
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Qendresa Llugiqi

Le harcèlement scolaire colle à la peau de la Suisse. En octobre, une affaire à Dottikon (AG) a fait grand bruit après qu'un élève a brutalement battu un camarade dans le bus. Le harcèlement est un triste quotidien pour de nombreux écoliers suisses. Les affaires médiatisées sont loin d'être des cas isolés: «Selon la dernière étude Pisa, un élève sur cinq est victime de harcèlement à l'école», déclare Bettina Dénervaud, experte au service d'aide au harcèlement.

Mais pourquoi ce harcèlement se produit-il à l'école? «Les jeunes y passent la plupart de leur temps», explique Bettina Dénervaud. «Mais le harcèlement peut se propager dans d'autres sphères et atteindre la victime dans ses activités de loisirs, voire en ligne.»

Il s'agit là d'un phénomène courant: «Au lieu de clarifier la situation, de nombreuses écoles continuent – souvent sans le vouloir – de mettre de l'huile sur le feu», explique Bettina Dénervaud. «Ils ne savent pas faire autrement. La haute école pédagogique ne mentionne pas une seule fois le harcèlement scolaire en quatre ans de formation!» Les deux influenceurs Jesina Amweg et Fabian Egger ont vécu une expérience similaire: leur école était totalement dépassée par le harcèlement scolaire. Ils partagent leur vécu avec Blick.

«Chaque jour, on me souhaitait la mort»

Jesina Amweg a été harcelée à l'école dès la deuxième année et les moqueries, lancées par sa meilleure amie, ont rapidement dégénéré: «Nous étions un groupe de copines. Elle a fini par monter tout le monde contre moi.» Cette toile de harcèlement a fini par impliquer d'autres enfants, dissuadés de fréquenter Jesina. Pendant toute sa scolarité à Bremgarten (BE), elle a vécu l'enfer: «On me crachait dessus, on me poussait. Et chaque jour, on me souhaitait la mort.»

A cause de ce harcèlement, les notes de Jesina ont dégringolé. «Soudain, même les enseignants s'y sont mis! Par exemple, ils annonçaient mes mauvaises notes devant toute la classe.» Les enseignants lui disaient: «Tu ne seras jamais bonne à rien!» L'un d'eux lui a même dit un jour: «Ce n'est pas de ma faute si tes camarades te détestent, mais je les comprends.»

Aujourd'hui, Jesina pense que ce harcèlement a été déclenché par la jalousie. «Je suis une personne extravertie et pleine de vie. Très tôt, j'ai parlé à tout le monde de mon désir de devenir actrice. En plus, nos parents nous ont permis, à mes frères et sœurs et à moi, de faire de nombreux voyages. Cette chance a sans doute dérangé certaines personnes.»

L'école était au courant de la situation, mais n'a pas pu – ou voulu – l'aider. «Ma famille m'a soutenue, je parlais beaucoup avec mes parents. Et puis j'avais des amis en dehors de l'école, par exemple aux cours de théâtre. Mais ce qui m'a vraiment aidé, c'est de quitter l'école», témoigne Jesina. Elle a partagé son histoire sur TikTok début juin, sa vidéo est devenue virale et elle a reçu de nombreux témoignages. «J'espère avoir pu donner du courage et de la force à d'autres personnes.»

«L'impression que tout m'échappe»

En ce qui concerne Fabian Egger, ses amis ont commencé à le harceler dès la quatrième année dans le quartier 10 de Zurich (Höngg). «Mais en fait, ça a commencé avec un seul garçon avec qui j'étais très proche auparavant.» D'un jour à l'autre, Fabian a soudain été ignoré et exclu. «Tout semblait très organisé», se souvient-il. «Si je m'approchais d'eux, ils me regardaient avec mépris.» Ils l'attendaient ensuite au détour d'un couloir pour lui faire un croche-pied. «Ils essayaient toujours de m'intimider.»

Depuis, le cerveau de Fabian a tout effacé de sa mémoire. «Je ne me souviens que de la fois où j'ai eu l'impression que tout me glissait des mains et que je cherchais ce que j'avais fait de mal.» Mais il a rapidement ouvert les yeux: «Ils ont agi par jalousie. Ils me considéraient comme une menace.» Car Fabian était un bon élève et ses rêves de mini-entrepreneur amusaient déjà la galerie. 

«Je me suis accroché à l'école et j'ai cherché des amis en dehors, par exemple dans un club d'athlétisme. Mes parents m'ont aussi énormément soutenu.» Son école aussi a essayé d'agir, mais sans succès. «Ce n'est que lorsque j'ai eu une amie – populaire à l'école – que je suis soudain redevenu cool», sourit-il. Le harcèlement s'est vraiment arrêté quand Fabian est arrivé au gymnase. Lui aussi a publié sur les réseaux sociaux son témoignage en vidéo. «Mais plus pour l'assimiler moi-même.»

Bettina Dénervaud trouve extrêmement courageux que Jesina et Fabian aient témoigné publiquement: «Aujourd'hui encore, les victimes de harcèlement ont honte de leur situation. De nombreuses victimes se rejettent la faute. Mais de tels témoignages peuvent aider les victimes, notamment pour qu'elles brisent le silence et demandent de l'aide!»

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