Tout commence par des maux de tête. Marie*, alors âgée de 15 ans, ne veut plus aller à l'école et se montre de plus en plus agressive envers sa mère. La jeune fille porte des vêtements amples pour cacher des bleus sur ses bras. Il lui arrive de faire de l'hyperventilation dès le réveil. Ses notes chutent. Sa mère, Sarah F., lui demande des explications, la console, l'encourage, mais sa fille ne va pas mieux. Ce n'est que bien plus tard que sa mère apprendra que Marie a des envies suicidaires.
Marie va à l'école dans la commune bernoise de Wiedlisbach. C'est là-bas qu'elle est harcelée. Plusieurs semaines après le début de ses maux de tête, elle s'ouvre à sa mère. «C'est comme si elle était sortie de son corps, raconte Sarah F. En pleurant, elle m'a raconté que ses camarades de classe la frappaient, la poussaient contre les armoires, la menaçaient.»
La mère réagit rapidement. Elle envoie sa fille suivre un coaching contre le harcèlement et prend contact avec la direction de l'école. La réaction de cette dernière l'horrifie: «On a mis ma fille en congé pendant un mois. Alors que l'agresseur principal a pu continuer à aller en cours!»
«Ils ont laissé Marie se faire battre»
Le conseil de l'association du centre de l'école secondaire de Wiedlisbach s'explique auprès de Blick: «Dans le cas présent, des mesures contre le harcèlement ont été appliquées: intervention par les enseignants de la classe, coaching par le travailleur social scolaire et intervention contre le harcèlement par un prestataire de services externe.» De plus, le travail social scolaire travaille systématiquement et avec toutes les classes sur le thème du harcèlement et de la prévention de la violence, dit-on.
Un sac d'école rempli de déchets et des traumatismes
Mais pour Sarah F., il est clair que l'école a manqué à son devoir. «C'est elle qui n'a pas aidé ma fille à un stade précoce. Elle a laissé Marie se faire discriminer et battre jusqu'à ce qu'elle envisage de mettre fin à ses jours.» Cette douloureuse période remonte maintenant trois ans. Depuis, la famille a déménagé. Et dans les écoles de Wiedlisbach, rien n'a changé.
Marie n'est pas la seule à subir du harcèlement: «Hier, mon fils est rentré à la maison en pleurant. Son cartable était rempli de déchets», raconte Pamela E., la mère d'Andri*. Le jeune garçon est un élève de deuxième année à l'école primaire de la commune bernoise. Il est constamment harcelé par ses camarades de classe – tout comme sa grande sœur Emilia*, qui est en 3e année: «Elle a toujours des bleus», raconte sa maman. Lorsqu'elle a confronté la direction de l'école, on lui a répondu qu'Emilia a certainement dû se blesser en tombant. «Comment aurait-elle pu se blesser au ventre et aux bras?», se demande la mère dévastée.
Mathilda*, la fille de Claudia P., est une camarade de classe d'Emilia. «Elle raconte qu'un camarade de classe a donné plusieurs coups de poing dans le ventre de Mathilda et lui a fait mal à la jambe», explique la mère de la jeune fille. Lorsque là encore, Claudia P. s'est adressée à la direction, on lui a sorti des réponses bateau: «Lorsque des personnes sont réunies en groupe, des conflits apparaissent», disait-on par exemple.
Pas de harcèlement, mais des «disputes»
Sollicitée, la directrice de l'école primaire, Beatrice Fischer répond à Blick: «Nous faisons face à des disputes, mais nous n'avons pas connaissance de cas de harcèlement. Le service d'accueil du travail social scolaire est mobilisé. De là, nous avons le feed-back que les problèmes se situent dans une mesure tout à fait normale.»
Les disputes sont prises au sérieux et le dialogue est toujours recherché avec les parents, précise l'intéressée. «Nous avons l'impression que notre démarche est soutenue par la plupart des parents», ajoute la direction de l'école. En outre, deux élèves sont élus chaque année dans chaque classe comme «pacificateurs»: «Nous formons les pacificateurs à résoudre les conflits. Ils apprennent à faire de la médiation et peuvent être appelés en cas de litige.»
Le fait que l'école ne reconnaisse pas la violence envers ses enfants blesse Claudia P. «J'ai parlé à plusieurs reprises avec l'enseignante, j'ai essayé d'attirer l'attention de la direction de l'école sur les problèmes, j'ai écrit à l'inspecteur scolaire, à la commission de l'éducation. Rien ne s'est passé.» Face à elle-même, Pamela E. s'est rendue à la police: «Malheureusement, nous ne pouvons pas prouver l'origine des blessures et ne pouvons donc pas porter plainte», explique la mère.
Un élève s'en est pris à une enseignante
Un incident résonne particulièrement dans la tête des mères de ces enfants: un élève, qui s'est souvent fait remarquer pour son comportement agressif, se serait même montré violent envers un enseignant. «Il a commencé à jeter des chaises partout et a blessé une enseignante», raconte l'une des mamans. L'enfant aurait été suspendu pendant quelques jours à la suite de cet événement.
La directrice de l'école Beatrice Fischer confirme qu'il y a eu un incident avec un élève «au cours duquel l'enseignante, puis d'autres enseignants, ont dû intervenir pour exclure toute mise en danger de soi ou d'autrui». L'événement a été traité avec des spécialistes internes et externes ainsi qu'avec toutes les personnes concernées.
«Il faut mettre fin au harcèlement le plus tôt possible»
Sur mandat du canton, la fondation Santé bernoise aide les écoles à gérer le harcèlement. La responsable régionale Claudia Paiano ne peut pas s'exprimer sur la situation à Wiedlisbach. Mais: «Si un cas de harcèlement survient, il est décisif de le reconnaître et d'y mettre fin le plus tôt possible.»
Dans le canton de Berne, il n'existe pas de procédure prescrite ou d'obligation de signaler le harcèlement. «Mais comme en cas d'incendie, les procédures et les responsabilités doivent être clairement définies en cas de harcèlement», explique Claudia Paiano. Si nécessaire, les écoles sont épaulés pour élaborer de tels concepts.
Le harcèlement, un fléau mortel chez les jeunes
Entre-temps, Sarah F. a pris un avocat après la suspension de sa fille Marie. «Tout à coup, l'auteur principal a été transféré dans la classe parallèle», raconte-t-elle. Marie a aujourd'hui terminé sa scolarité, mais elle continue de souffrir: «Depuis, ma fille a du mal à faire confiance aux autres et à se faire des amis», se désole sa mère.
Marie n'a fort heureusement jamais franchi le pas du suicide et a reçu un soutien en temps voulu. Mais tous les jeunes ne connaissent pas cette fin. A Spreitenbach (AG), en 2017, une jeune 13 ans s'était suicidée parce que ses camarades de classe la harcelaient et lui faisaient du chantage avec des images intimes.
Selon une étude de 2011, les enfants victimes de harcèlement moral font jusqu'à trois fois plus de tentatives de suicide que leurs camarades du même âge. Pour Emilia, Mathilda et Andri, la palette de solutions est restreinte. Pour leurs parents aussi: «La seule chose que nous pouvons encore faire, c'est déménager, admet Pamela E. Mais ce n'est pas ce que voulons.»
*Les noms ont été modifiés