Faillite à 40 milliards
Ce roi de la crypto écope de 15 ans de prison pour une fraude de masse

Le fondateur de Terra, une cryptomonnaie qui s'est effondrée en 2022, a été jugé pour avoir trompé les investisseurs. Do Kwon, arrêté au Monténégro après avoir fui la Corée du Sud, risque également une peine de prison dans son pays d'origine.
Entrepreneur à succès devenu paria de la finance, le magnat sud-coréen des cryptomonnaies Do Kwon écope de 15 ans de prison.
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AFP Agence France-Presse

Entrepreneur à succès devenu paria de la finance, le magnat sud-coréen des cryptomonnaies Do Kwon, à l'origine d'une faillite frauduleuse de plus de 40 milliards de dollars en 2022, a été condamné jeudi à 15 ans de prison à New York. Agé de 34 ans, l'ancien cofondateur et patron de Terraform Labs, entreprise spécialisée dans la blockchain et les cryptomonnaies, avait plaidé coupable de complot en vue de fraude et fraude électronique.

Les procureurs exigeaient contre lui une peine qui ne soit pas inférieure à 12 ans de prison, estimant qu'il avait trompé et provoqué la faillite de milliers de victimes, sa défense en espérait cinq. Après avoir fui la Corée du Sud et Singapour, où était basée sa société, Do Kwon avait été arrêté au Monténégro, où il pensait avoir trouvé refuge, avec son directeur financier. Réclamé à la fois par les autorités américaines et coréennes, il avait finalement été extradé vers les Etats-Unis en fin d'année dernière.

Succès fulgurant

Diplômé de la prestigieuse université de Stanford, passé par Apple et Microsoft, l'entrepreneur avait connu un succès rapide, attirant des milliards d'investissements en lançant en 2020 le Terra, présenté comme un «stablecoin», c'est-à-dire une devise numérique dont le cours était théoriquement arrimé à une devise classique, en l'occurrence le dollar.

Mais à la différence d'autres monnaies électroniques de ce type, comme le Tether ou l'USDC, le produit de la vente de Terra n'a pas été placé dans des actifs sûrs, comme du numéraire ou des obligations d'Etat, susceptibles d'être récupérés rapidement en cas de problème. Terraform Labs, l'entreprise fondée par Do Kwon, faisait reposer la valeur du Terra sur un algorithme.

Blanchiment d'activités

Au printemps 2022, après la dégringolade de l'autre cryptomonnaie créée par Terraform Labs, le Luna, le Terra a fait l'objet de ventes massives par des investisseurs devenus suspicieux. La valeur du Terra est descendue au-dessous d'un dollar, ce qui a poussé Terraform Labs à utiliser la presque totalité de ses réserves pour soutenir Luna et Terra, en vain.

Au total, l'effondrement des deux cryptomonnaies a réduit de plus de 40 milliards de dollars la valeur des avoirs de leurs détenteurs, en quelque 48 heures. «Do Kwon a mis au point des stratagèmes élaborés pour tromper les investisseurs et gonfler la valeur des cryptomonnaies de Terraform à son propre bénéfice», a déclaré le procureur fédéral Jay Clayton jeudi dans un communiqué.

«Lorsque ses crimes l'ont rattrapé, Kwon s'est lancé dans une campagne de relations publiques trompeuse pour dissimuler sa fraude, a blanchi les produits de ses activités illégales et a cherché à acheter une protection politique dans des pays étrangers afin d'échapper à des poursuites pénales», a-t-il ajouté.

Petits investisseurs ruinés

Lors de l'audience à New York, le juge en charge de l'affaire a fait lire de nombreux témoignages de victimes, souvent de petits investisseurs ayant énormément perdu dans cette fraude.

«J'ai investi environ 10'000 dollars» en Terra «pensant qu'il s'agissait d'un actif stable et digne de confiance. Après (son) effondrement, la valeur de mon investissement est tombée à moins de 100 dollars, entraînant une perte financière grave et totalement inattendue», a écrit l'un d'eux, Alessandro Zuccaro, dans un document rendu public. «Le choc, le stress et le sentiment d'impuissance causés par cette perte ont contribué à une période de dépression, durant laquelle j'ai eu du mal à faire face sur le plan émotionnel et mental. Cette situation a fini par affecter ma capacité à travailler, et j'ai finalement perdu mon emploi», raconte-t-il.

Do Kwon risque également une peine de prison en Corée du Sud, où une procédure contre lui est en cours. Le ministère américain de la Justice, dans un document au tribunal, a récemment estimé possible un transfert en Corée du Sud pour y effectuer la peine à laquelle il vient d'être condamnée aux Etats-Unis à condition qu'au moins 50% de celle-ci ait été faite aux Etats-Unis.

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