Volodymyr Zelensky évoque soudain l’organisation d’élections et de référendums. Non pas à la suite d’un cessez-le-feu ou d’une victoire. Mais en pleine guerre, alors que les missiles pleuvent et que les pourparlers de paix se jouent à huis clos.
Ce qui semble au premier abord contradictoire est en réalité une manœuvre politique menée sous la pression écrasante du temps. Car le président ukrainien ne se bat plus seulement contre la Russie, mais aussi pour obtenir le soutien et conserver sa crédibilité auprès de l’Occident. Nous vous expliquons pourquoi Zelensky opère précisément maintenant ce revirement électoral.
La pression de Washington s’intensifie
A Washington, l’impatience monte. Le président américain Donald Trump remet ouvertement en question la légitimité démocratique de Zelensky. Son mandat présidentiel aurait dû prendre fin en 2024, mais la loi martiale ukrainienne empêche la tenue de nouvelles élections. Un argument qu’utilise Moscou depuis des mois à des fins de propagande. Le fait que Trump invoque à son tour cette question présente un risque important pour Kiev. Car sans l’aide des Etats-Unis, l’Ukraine ne peut guère poursuivre la guerre.
Parallèlement, d’intenses discussions sont en cours sur un éventuel accord de paix. La région du Donbass est au centre des négociations. La Russie exige le retrait des troupes ukrainiennes des zones qu’elle ne contrôle pas entièrement sur le plan militaire. Les Etats-Unis se montrent pour leur part ouverts à la création de zones spéciales, de zones démilitarisées ou à un gel des lignes de front. Pour le président ukrainien, il s’agit là de scénarios à haut risque. Des concessions territoriales pourraient avoir des conséquences politiques explosives au sein du pays et lui nuire durablement.
Les élections comme moyen de pression politique
Et c’est précisément sur ce point qu’intervient Zelensky. A la surprise générale, il s’est déclaré prêt à organiser des élections, même en temps de guerre, mais seulement à condition d’obtenir en échange un cessez-le-feu, la sécurité et des garanties occidentales. Il évoque aussi, en parallèle, la possibilité d’organiser un référendum sur les questions territoriales.
Actuellement, ces deux options sont pourtant difficilement réalisables d’un point de vue juridique. Des millions d’Ukrainiens vivent à l’étranger ou dans des territoires occupés, une partie des infrastructures publiques est détruite et les attaques quotidiennes rendent pratiquement impossible le déroulement normal d’élections. Zelensky est conscient de ces difficultés. Et il les utilise délibérément pour mettre l’accent sur ses préoccupations.
Avec sa rhétorique électorale, il riposte à l’accusation de «dictature». Il renverse l’argumentation: ce n’est pas lui qui bloque la démocratie, mais la guerre. Et ce n’est pas Kiev qui empêche les élections, mais la Russie qui refuse un cessez-le-feu. Ceux qui exigent de Zelensky qu’il mette en place des processus démocratiques doivent d’abord garantir la sécurité. Il déplace ainsi la pression de Kiev sur Moscou, ainsi que vers Washington.
Le référendum comme bouclier
Cette stratégie est encore plus habile en ce qui concerne le référendum. En déclarant que seul le peuple pourra trancher sur les questions territoriales, Zelensky met là aussi en place un paratonnerre: si de douloureux compromis venaient être faits, ceux-ci seraient légitimes au regard de la démocratie. Mais si le peuple refusait la concession, Zelensky disposerait alors d’un mandat clair face aux pressions russes et occidentales. Dans les deux cas, le président se prémunit de toute accusation de «lâcher» son pays lors des négociations à huis clos.
En matière de politique étrangère, Volodymyr Zelensky met ainsi toutes les cartes de son côté. Les signaux en provenance des Etats-Unis sont clairs: sans progrès vers la paix, leur soutien risque de s’effondrer. Pour le président ukrainien, cette tentative pourrait être sa dernière occasion de se présenter comme un partenaire démocratiquement légitime et prêt à négocier – avant que d’autres ne décident à sa place de l’avenir de l’Ukraine.
Un risque pour la politique intérieure
Concernant la politique intérieure ukrainienne, il s’agit également là d’un pari risqué. Les scandales liés à la corruption ainsi que la lassitude croissante face à la guerre ont laissé des traces, même si Zelensky reste l’homme politique le plus populaire d’Ukraine, selon Reuters. Un référendum pourrait unifier la société, tout comme elle pourrait la diviser. Mais les alternatives se font rares. Les potentiels opposants, notamment issus de l’armée, se montrent volontairement discrets.
Sur le plan juridique, tout cela reste fragile. Les élections ne sont certes pas interdites en soi par la loi martiale, mais elles le sont par certaines lois. Il est possible de les modifier, contrairement à la Constitution, mais cela reste compliqué. L’initiative de Volodymyr Zelensky n’est donc pas vraiment un plan d’action, mais plutôt un signal politique. A Trump, pour lui montrer que la légitimité ne peut pas être imposée. A la Russie, pour indiquer qu’il est prêt à négocier, mais que chez lui, c’est le peuple qui a le dernier mot. Et enfin à sa propre population, pour affirmer que le président ne décidera pas seul de l’avenir du pays et des conditions nécessaires à l’obtention de la paix.