Un «accord boiteux» pour Kiev
Pourquoi Moscou fanfaronne après les discussions de Genève

Les pourparlers pour aboutir à un accord de paix entre l'Ukraine et la Russie ont avancé après les discussions menées ce week-end à Genève. Mais certains points restent en suspens. Blick fait le point.
Publié: 20:03 heures
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Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio était satisfait de l'avancée des négociations, ce week-end au bout du lac.
Photo: AP
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Chiara Schlenz

Washington et Kiev ont affirmé dimanche, après les discussions menées ce week-end à Genève, avoir fait «de nets progrès» en vue d'un accord de paix entre la Russie et l'Ukraine. Mais qu'en est-il vraiment? Alors que Volodymyr Zelensky est mis sous pression par Donald Trump, ce projet de plan en 28 points fait surtout le bonheur de Vladimir Poutine. Blick répond aux questions les plus importantes sur le «fiasco» de ce plan de paix.

Quelle est la situation après les pourparlers à Genève?

Le ministre américain des Affaires étrangères Marco Rubio a déclaré que dimanche avait été «la journée la plus productive» de tout le processus de négociation. Avec Andriy Yermak, chef de cabinet du président ukrainien, il a présenté un projet révisé visant à garantir explicitement la souveraineté de l'Ukraine. Cette clarification fait suite aux vives critiques formulées à l'encontre du document initial en 28 points, dont les passages prorusses avaient suscité l'indignation. Cependant, de nombreux points restent encore flous. Si plusieurs dispositions ont été assouplies dans leur formulation, leur contenu n'a pas été redéfini.

Quelle est la position de l'Ukraine?

Le président Volodymyr Zelensky se présente comme résolument coopératif. A-t-il vraiment le choix? Il est parfaitement conscient de la dépendance de son pays vis-à-vis du soutien des États-Unis, surtout après que le président américain Donald Trump l'a une fois de plus qualifié d'ingrat. Parallèlement, Kiev affirme en interne qu'une cession de territoire forcée ou un affaiblissement des forces armées ukrainiennes ne seraient pas acceptables.

Qui détermine réellement la ligne à suivre à Washington?

Aux Etats-Unis, un débat fait rage. Afin de récolter tous les lauriers, Donald Trump insiste pour accélérer les pourparlers et espère pouvoir présenter la conclusion d'un accord de paix au plus vite, idéalement avant Thanksgiving. A l'opposé, des sénateurs influents tels que Lindsey Graham et Mitch McConnell expriment leur scepticisme avec beaucoup de virulence. Ils considèrent ce projet de paix comme naïf, voire comme un accord qui pourrait être l'œuvre de Moscou plutôt que de Washington. Ces signaux contradictoires affaiblissent considérablement la position américaine dans les négociations.

Comment l'Europe se positionne-t-elle ?

L'Europe présente un front étonnamment uni. Le chancelier allemand Friedrich Merz, le président français Emmanuel Macron et le président polonais Donald Tusk plaident conjointement pour des ajustements substantiels à la proposition américaine. Le contre-projet européen, présenté en parallèle à Genève, insiste fortement sur la nécessité de garantir la sécurité de l'Ukraine. Par exemple, l'effectif de l'armée ukrainienne ne serait pas limité à 600'000 soldats, mais fixé à 800'000. De plus, l'Europe rejette toute forme de reconnaissance des gains territoriaux russes. En coulisses, le ton est encore plus ferme: l'objectif est d'empêcher que l'Ukraine ne soit contrainte d'accepter un «accord boiteux».

Quels sont les principaux points de désaccord?

Malgré les avancées diplomatiques, d'importantes lignes de fracture subsistent. La question de savoir si la ligne de front actuelle doit servir de base à de futures négociations est extrêmement controversée. Pour l'Ukraine, cela reviendrait de facto à reconnaître le statu quo actuel, dont la Russie tire profit. La question du traitement des crimes de guerre russes reste également en suspens, les Etats-Unis, notamment, n'ayant pas totalement exclu une amnistie générale.

Pourquoi Moscou fanfaronne?

Les désaccords entre les Etats-Unis et l'Europe permettent au président russe Vladimir Poutine de maintenir ses exigences maximales, tout en intensifiant la pression militaire. L'attaque meurtrière de drone contre Kharkiv, qui a coûté la vie à au moins quatre personnes dimanche, illustre comment la Russie accompagne les négociations: par la force. Montrer les muscles lui permet d'affaiblir la position de l'Ukraine. Un conflit gelé sur la ligne de front actuelle constituerait une situation stratégique idéale pour le Kremlin.

Que va-t-il se passer cette semaine?

Les négociations ne sont pas terminées. L'échéance initialement fixée par Trump – délibérément placée quelques jours avant Thanksgiving afin de s'assurer une place de choix dans les médias en tant que «président de la paix» – ne semble plus être un ultimatum. La question cruciale est maintenant de savoir si les Etats-Unis, l'Ukraine et l'Europe peuvent trouver un terrain d'entente pour ne pas aboutir à un accord de façade. Si ce n'est pas le cas, la Russie pourra continuer d'exploiter l'ambiguïté occidentale et utiliser sans entrave ses leviers militaires et politiques.

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