«Nyet Yet» (traduction: «rien pour l'instant»): c'est ainsi que le journal préféré de Donald Trump, le «New York Post», a jugé les progrès vers la fin de la guerre en Ukraine au lendemain du sommet entre les Etats-Unis et la Russie en Alaska. Une semaine après la rencontre entre Trump et le chef du Kremlin Vladimir Poutine, le constat n'a pas changé: toujours «nyet yet».
Au lieu de faire des concessions, le Kremlin continue de s'accrocher à sa vision brutale de l'Ukraine. Moscou ne semble prêt à négocier que sur deux points. Au contraire même, un expert met en garde contre un nouveau piège que Poutine tend depuis quelques jours à l'Ukraine et à un Occident assoiffé de paix.
Il devient de plus en plus clair que la réception en grande pompe en Alaska, y compris les avions de combat américains alignés, le tapis rouge et les applaudissements présidentiels, n'a pas particulièrement impressionné Poutine. Il n'a fait aucun pas concret vers la fin de la guerre. Dans la seule nuit de mercredi à jeudi, il a de nouveau fait pleuvoir plus de 500 drones et 40 missiles sur des Ukrainiens endormis.
Des conditions immuables
En réaction au sommet sur l'Ukraine entre Trump, Volodymyr Zelensky et plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement européens, Vladimir Poutine a fait aboyer dans les micros son chien de garde des affaires étrangère, Sergueï Lavrov, pour déclarer que Poutine ne rencontrerait certainement pas Zelensky avant que l'Ukraine n'accepte les conditions russes.
Ces conditions n'ont pas changé depuis plus de trois ans: abandon de l'ensemble du Donbass, pas d'adhésion à l'OTAN et aucune troupe occidentale dans le pays. Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a en outre souligné que la Russie n'accepterait d'éventuelles garanties de sécurité (c'est-à-dire la promesse d'autres pays d'intervenir dans la guerre aux côtés de l'Ukraine en cas de nouvelle attaque russe) que si elles avaient été préalablement approuvées par Moscou. La Russie approuverait par exemple des garanties de sécurité de la part de la Chine, qui continue de lui fournir des composants pour ses systèmes d'armes. Une affirmation qui frise l’absurde!
Poutine prêt à faire deux (mini) concessions
Selon Reuters, le belliciste Poutine serait toutefois prêt à faire deux petits pas. Si l'Ukraine venait effectivement à évacuer volontairement les territoires encore contrôlés dans le Donbass (y compris les grandes villes massivement fortifiées de Sloviansk et Kramatorsk), Poutine accepterait un gel de la ligne de front dans les régions méridionales de Kherson et Zaporijia. Selon la Constitution russe, ces deux régions font partie de la Russie depuis l'automne 2022.
D'autre part, Moscou serait prêt à restituer les territoires conquis dans les régions de Soumy, Kharkiv et Dnipro (près de 400 kilomètres carrés au total) si l'Ukraine cède aux Russes les quelque 6600 kilomètres carrés du Donbass que les troupes de Poutine n'ont pas encore conquis. Vladimir Poutine ne pourrait guère proposer un pire marché à Zelensky. Le président ukrainien a clairement fait savoir qu'il n'accepterait pas.
Le nouveau piège tendu par Poutine
En gros, Poutine propose deux fois de donner presque rien. Et c'est même pire que ça. Selon Klemens Fischer, professeur de relations internationales et de géopolitique à l'Université de Cologne, «Poutine a établi une nouvelle base de dialogue entre lui et Trump, élargissant ainsi massivement sa marge de manœuvre.»
Selon lui, les Ukrainiens et les Européens ne sont désormais plus les seuls à pouvoir discuter directement avec Trump, sans passer par des détours fastidieux via des envoyés spéciaux. «Ce faisant, Poutine s'est offert une nouvelle possibilité de jouer la montre.»
En bref, la prétendue volonté de dialogue de Poutine, symbolisée par son voyage en Alaska, n'est rien d'autre qu'un nouveau piège, un mauvais coup dans sa tactique de retardement, qui lui permet de reporter indéfiniment la fin de l'horreur en Ukraine.
Soudain, un nouveau ton de la part de Trump
Selon l'expert Klemens Fischer, il s'agit d'un exemple typique de la tactique russe consistant à viser une chose en apparence et à faire exactement le contraire en coulisses. La Russie reste le maître incontesté de la tactique de la Maskirovka, ou l'art de la désinformation militaire russe, qui porte le nom d'un prince russe du Moyen-Âge. Le prince en question a tendu une embuscade à l'armée mongole devant Moscou en 1380 et a écrasé son adversaire surpuissant.
Une embuscade similaire menace également l'Ukraine si le président américain Trump tombe dans le piège de son «cher Vladimir» (comme il l'a appelé durant la conférence de presse en Alaska). Mais récemment, Trump semble ne plus être aussi sûr de pouvoir faire confiance à son voisin russe (l'Alaska n'est qu'à 3,8 kilomètres de la Russie au point le plus proche).
L'Ukraine doit réagir de manière «offensive» si elle veut gagner la guerre contre «l'agresseur», a conseillé Trump à Zelensky sur sa plateforme Truth Social. Des «temps passionnants» s'annoncent, a prophétisé Trump. Un point sur lequel il paraît difficile de se tromper.