Lorsqu'un accord est conclu entre Etats, une question intrigue toujours: que s'est-il réellement passé en coulisses? Une enquête du «Wall Street Journal» dévoile aujourd'hui l'origine du plan de paix en 28 points pour l’Ukraine et les véritables enjeux pour la Russie et les Etats-Unis après des mois de négociations.
Le titre de cette enquête pourrait s'intituler: «Make money not war». Autrement dit, l'élaboration de ce plan de paix ne portait pas uniquement sur la géopolitique, mais aussi et surtout sur des intérêts économiques très concrets. Voici les cinq principales conclusions de cette investigation:
La métropole américaine de Miami a été le théâtre d'une rencontre explosive fin octobre. L'envoyé spécial américain Steve Witkoff et le gendre de Trump Jared Kushner ont rencontré le négociateur du Kremlin Kirill Dimitriev.
Peu après, le plan controversé en 28 points a été mis sur pied, même s'il a depuis été modifié. Outre l'accord visant à mettre fin à la guerre en Ukraine, des plans détaillés pour une coopération économique russo-américaine ont apparemment été discutés. Le plan de paix aurait donc été conçu en premier lieu comme «une porte ouverte aux investissements», écrit le magazine.
Selon le rapport, le plan de paix se base sur des accords qui avaient déjà été discutés lors d'une rencontre entre Trump et Poutine en août en Alaska. L'accent est mis sur différents projets dans l'Arctique et des investissements de plusieurs milliards.
L'objectif de Trump semble être donc de dégager de nouvelles opportunités de profit en Russie tout en réintégrant progressivement le pays dans l'économie mondiale. Au cœur du projet se trouve :
- 300 milliards de dollars de fonds russes gelés peuvent être utilisés pour des projets d'investissement américano-russes
- L'exploitation de gisements de matières premières arctiques
- La relance potentielle de Nord Stream 2
- Une reconstruction de l'économie ukrainienne sous la baguette autoritaire des Etats-Unis
Autre signe de cette coopération économique: les services secrets européens auraient connaissance de discussions entre des entreprises américaines et des oligarques proches de Poutine, notamment sur des projets gaziers et miniers. La société Exxon Mobil aurait déjà négocié directement avec le géant russe Rosneft.
Steve Witkoff a déclaré au «Wall Street Journal» qu'un commerce global avec la Russie mènerait naturellement à la paix. Sans détailler les projets envisagés avec les Russes, il a exprimé l'espoir que la Russie, l'Ukraine et les Etats-Unis puissent un jour collaborer en bons partenaires commerciaux. «Si nous y parvenons et que chacun y trouve son compte, cela constituera automatiquement un rempart contre les conflits futurs.»
Le magazine new yorkais a demandé aux chefs de gouvernement européens ce qu'ils pensaient de cette déclaration. «Ce n'est pas la paix, c'est du business», a répondu le Premier ministre polonais Donald Tusk.
En outre, de nombreux représentants de l'UE ont rejeté le plan en 28 points dans sa version initiale et ont souligné qu'un accord de paix ne pouvait être négocié qu'avec la participation de l'Ukraine et des Etats européens. La stratégie a donc été renégociée à Genève. Il doit désormais comprendre 19 points et prendre davantage en compte les intérêts des Ukrainiens.
Et maintenant?
Interrogée par le «Wall Street Journal», la Maison Blanche a déclaré que l'administration Trump avait «impliqué les Ukrainiens et les Russes afin de développer un plan de paix qui arrête les tueries et mette fin à la guerre». «Comme l'a souligné le président, son équipe de sécurité nationale a fait de grands progrès la semaine dernière et l'accord sera affiné après de nouvelles discussions avec des collaborateurs des deux parties», a expliqué la responsable de la communication Anna Kelly.
La poursuite des négociations reste incertaine. L'envoyé américain Steve Witkoff doit rencontrer Vladimir Poutine mardi 2 décembre à Moscou, le Kremlin insistant pour que les discussions se fondent sur le plan de paix en 28 points.