Une victoire de façade
Trump fanfaronne, mais il est loin d'avoir obtenu la paix à Gaza

Donald Trump célèbre sa «victoire» au Moyen-Orient après l’accord de cessez-le-feu à Gaza. Entre triomphe diplomatique autoproclamé et réalité explosive sur le terrain, l’ancien président américain confond communication et véritable paix.
Publié: 17:56 heures
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Dernière mise à jour: 18:22 heures
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Donald Trump a martelé que la guerre entre Israël et le Hamas est terminé. Mais la réalité est plus compliquée.
Photo: keystone-sda.ch
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Solène MonneyJournaliste Blick

Donald Trump s’est offert une tournée triomphale en Israël et en Egypte, savourant l’accueil chaleureux des dirigeants et des foules. A Jérusalem comme à Sharm el-Sheikh, il s’est affiché en artisan d’un «tournant historique» après la conclusion du cessez-le-feu et de l’échange d’otages et prisonniers.

Triomphant, il s’est posé en héros de la paix, reléguant les autres dirigeants au rang de figurants. A l’écouter, la guerre est terminée. Mais la réalité est tout autre. Certes, sans sa pression sur Benjamin Netanyahu, l’accord entré en vigueur le 10 octobre n’aurait sans doute jamais vu le jour. Le Premier ministre israélien a dû accepter des conditions qu’il rejetait jusque-là. En coulisses toutefois, le Qatar, la Turquie et l’Egypte ont joué un rôle crucial en convainquant le Hamas d’accepter la trêve.

Mais il est important de rappeler qu’il ne s’agit pas d’un traité de paix, mais d’une trêve fragile et temporaire. Le «plan Trump» prévoit à terme une Gaza démilitarisée, dirigée par un comité palestinien sous supervision d’un «Conseil de la paix» présidé par lui-même. Mais ce projet est encore flou et loin d’être réalisable.

Une trêve fragile

Tout d’abord, il n’existe aucune preuve d’une volonté politique de conclure véritablement un accord de paix, rappelle la BBC. Si la guerre de Gaza est réellement terminée, comme l’affirme Trump, elle s’achève plus par lassitude des belligérants plutôt que par accord durable. L’autre issue possible est l’écrasement total d’une des deux parties, permettant au vainqueur de dicter ses règles.

Et justement, Netanyahu, encore récemment, visait une victoire totale sur le Hamas pour imposer les règles du futur de Gaza. A la veille de la libération des otages, il affirmait encore que «la lutte n’est pas terminée».

De plus, rapidement, le cessez-le-feu a montré ses faiblesses, après l’euphorie du retour des otages et détenus. Selon l’accord, le Hamas devait restituer tous les otages à Israël dans un délai de 72 heures, c’est-à-dire lundi matin 13 octobre. Or, si les otages vivants ont bien été libérés, seulement huit dépouilles sur les 28 retenus dans la bande de Gaza avaient été remises mardi soir.

Itamar Ben-Gvir, ministre de la Sécurité intérieure israélienne d’extrême droite, avait demandé à Netanyahu la suspension complète de l’aide humanitaire destinée à Gaza. Selon la radio publique, Israël s’apprêterait toutefois à rouvrir le point de passage de Rafah.

Tsahal tire, le Hamas reprend le pouvoir

Sur le terrain, la tension reste extrême. Tsahal occupe encore 53% de la bande de Gaza. Mardi, six Palestiniens ont été tués par des soldats israéliens, relate la Défense civile de Gaza. L’armée, de son côté, affirme qu’ils s’approchaient trop de ses positions. Les soldats suivraient encore les anciennes règles d’engagement: deux «lignes imaginaires» autour de leurs bases, la première entraînant des tirs de semonce, la seconde des tirs pour tuer. Mais le problème majeur est que les Palestiniens ignorent où se situent ces limites.

Dans le même temps, le Hamas refait surface. Ses hommes armés reprennent la rue et exécutent publiquement des «collaborateurs» présumés. Le message est clair: à Gaza, le Hamas reste le maître. Et le mouvement islamiste veut que le monde sache qu’il a survécu au conflit.

Et la suite?

Le «plan Trump» prévoit la création d’une «Force internationale de stabilisation» censée intervenir rapidement à Gaza, en coordination avec les partenaires arabes et internationaux. Mais sans cessez-le-feu solide, cette idée relève du vœu pieux. Trump promet aussi une amnistie pour les membres du Hamas prêts à déposer les armes et à accepter la coexistence. Les autres seraient poussés à l’exil.

Le Hamas a laissé entendre qu’il pourrait céder certaines armes lourdes, mais refuse de se désarmer complètement. Se priver de ses armes reviendrait à perdre toute capacité de résistance face à Israël et à s’exposer à la vengeance de ses rivaux palestiniens.

De son côté, Netanyahou prévient: si personne ne désarme le Hamas, Israël s’en chargera. Et Trump a renchéri depuis Washington, promettant que le désarmement interviendra «vite, et peut-être violemment».

Le président américain se voit déjà faiseur de paix, convaincu que son accord met fin à des décennies de conflit. Mais cette illusion se heurte à la réalité: la paix ne se décrète pas. Elle se construit, patiemment, par le dialogue, la diplomatie et des concessions douloureuses. Comme tous ceux qui l’ont précédé, Trump risque de découvrir qu’aucune victoire n’est définitive et qu’aucune paix n’est simple.

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