Les rues détruites de Gaza ne résonnent plus du fracas des attaques israéliennes. Mais désormais, ce sont des tirs entre Palestiniens qui empêchent le territoire de retrouver le calme. Le Hamas se bat pour conserver un pouvoir autrefois incontesté, et le sang continue de couler.
Exécutions publiques
Depuis le cessez-le-feu avec Israël, le Hamas tente de réaffirmer son autorité sur les ruines de la ville. Dans plusieurs quartiers, des combattants armés et des «policiers» patrouillent, cherchant à restaurer un semblant d’ordre par la peur. Lundi, le mouvement a mobilisé environ 7000 hommes pour «nettoyer» la bande de Gaza. Selon des canaux Telegram proches du Hamas, des «collaborateurs et traîtres» seraient visés. Des affrontements et des exécutions ont déjà eu lieu, et de nouvelles sont annoncées pour les jours à venir.
Le portail d’information Visegrád 24 rapporte sur X que «le Hamas annonce l’exécution demain dans le centre de la bande de Gaza de nouveaux 'agents' présumés travaillant pour Israël». Sur les réseaux sociaux, des vidéos d’exécutions publiques circulent, montrant sept hommes agenouillés, les mains liées, face à des fusils du Hamas, tandis que la foule filme et scande «Allahu akbar» («Dieu est grand»). Ces images, confirmées par le «Times of Israel», datent de lundi.
Dans le même temps, le ministère de l’Intérieur autoproclamé du Hamas appelle les milices et clans adverses à la reddition en leur promettant l’amnistie. Le mouvement cherche aussi à renouer un dialogue politique et se dit prêt à «ouvrir un nouveau chapitre» avec l’Autorité palestinienne, selon Al Arabiya. Un représentant du Hamas aurait affirmé ne pas vouloir de confrontation directe et minimisé la question du désarmement: «Le désarmement est un sujet complexe, mais nous trouverons une solution. Nous ne possédons que des armes simples.»
Lutte pour le contrôle
Le Hamas est aujourd’hui fragilisé. Une lutte de pouvoir l’oppose au puissant clan Doghmush dans la ville de Gaza. De violents combats ont éclaté depuis l’annonce du cessez-le-feu, faisant plusieurs dizaines de morts. Le Hamas évoque 32 membres d’un «gang familial» tués et six combattants de son camp tombés au combat.
Ces affrontements se concentrent dans des quartiers déjà instables, où le contrôle du Hamas était précaire. Le clan Doghmush dénonce une attaque contre son autonomie, tandis que le Hamas voit en lui une menace directe à son autorité.
Parmi les victimes figure Saleh Aljafarawi, 28 ans, connu en ligne sous le pseudonyme «Mr. Fafo» («Fuck around and find out»). Considéré par Israël comme un influenceur du Hamas et par d'autres comme un journaliste, il a été rendu célèbre pour sa documentation de Gaza. Son corps a été retrouvé à l’arrière d’un camion après un échange de tirs entre factions rivales, rapporte Al Jazeera. Son gilet pare-balles portant la mention «presse» n’a pas suffi à le protéger. La mort du jeune homme illustre un constat amer: si les armes israéliennes se taisent, les Gazaouis continuent de mourir sous les balles de leurs propres factions.
Un mouvement isolé
Le pouvoir du Hamas, désormais fondé sur la peur plutôt que sur l’adhésion, s’effrite. Des clans, des milices et des groupes armés locaux défient son autorité. Les exécutions publiques et les démonstrations de force révèlent un mouvement de plus en plus divisé et isolé.
«Croyez-moi, tout le monde dans la rue est maintenant contre le Hamas», confie Marwan Tarazi, homme d’affaires et président du Gaza College, au «Times of Israel». «Si vous demandez à n’importe qui à Gaza, vous constaterez que tout le monde est contre le Hamas. Ce n’est pas dans notre tradition de faire ce qui s’est passé le 7 octobre. Nous devons vivre en paix avec Israël et les Juifs.»
Inquiétude internationale
Le président français Emmanuel Macron a exprimé ses craintes quant à la persistance de la menace du Hamas, même après le cessez-le-feu. «On ne démantèle pas du jour au lendemain un groupe terroriste avec des milliers de combattants, des tunnels et un tel armement», a-t-il déclaré depuis Charm el-Cheikh, appelant à une surveillance internationale renforcée.
En Allemagne, le ministre des Affaires étrangères Johann Wadephul a lui aussi insisté sur la nécessité pour les Palestiniens de tourner la page du Hamas. Une organisation qu’il a décrite comme étant de la «terreur pure».