Plus en forme que jamais
Jennifer Aniston, la revanche d’une blonde

La mythique Rachel Green de «Friends» revient dans la quatrième saison de «The Morning Show», plus en forme que jamais. Un pied de nez aux années de galère, entre vie privée largement instrumentalisée et carrière au point mort.
Publié: 10:59 heures
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Dernière mise à jour: il y a 41 minutes
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Jennifer Aniston présente la 4e saison de «The Morning Show» sur AppleTV+.
Photo: IMAGO/Cover-Images
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Margaux BaralonJournaliste Blick

«Elle est perçue comme riche et puissante, maintenant. Ce qui faisait sa magie, c’était d’incarner 'la fille d’à côté'.» Dans la première saison de la série «The Morning Show», ces phrases sont prononcées par le patron d’une grande chaîne de télévision, à propos d’Alex Levy, présentatrice de l’émission matinale dont il est question dans le titre. Ils auraient tout aussi bien pu s’appliquer à l’interprète du personnage d’Alex Levy, Jennifer Aniston. L’actrice américaine fut pendant longtemps Rachel Green, la «girl-next-door» au brushing certes parfait mais à la beauté somme toute accessible de la série «Friends».

Aujourd’hui, 31 ans après la fin de la sitcom ultra-populaire, et alors que «The Morning Show» fait son retour pour une saison 4 sur la plateforme AppleTV+, Jennifer Aniston a changé d’image. Et de dimension. À l’instar, encore une fois, de son alter ego de fiction, qui a pris du galon, elle n’est plus seulement une actrice mais aussi productrice exécutive, en pleine maîtrise du projet. Comme un pied de nez à celles et ceux qui ont observé son passage compliqué du petit écran au cinéma dans les années 2000 et l’ont jugée incapable de faire autre chose que de la comédie. Comme un air de revanche, aussi, sur des années de rumeurs et de médiatisation sexiste, centrées sur un divorce malheureux avec Brad Pitt et un triangle amoureux monté de toutes pièces. À 56 ans, Jennifer Aniston tient sa revanche.

La fille de sa mère

Le terme est d’ailleurs peut-être mal choisi pour une femme qui, de l’avis de ses proches, ne s’est jamais blindée malgré les années. Et les épreuves venues très tôt. Fille de l’acteur John Aniston et de la mannequin et comédienne Nancy Dow, elle a neuf ans lorsque le premier abandonne la seconde. La petite Jennifer, née en 1969 près de Los Angeles mais qui déménage très jeune parce que son père joue dans un soap opera à New York, rentre de la fête d’anniversaire d’une camarade de classe et retrouve l’appartement familial sans lui. «Ça n’a pas traîné», dira-t-elle en 2004 à la journaliste Diane Sawyer lors d’une interview qui apparaît, aujourd’hui, extrêmement violente.

Le ton est blagueur. Il faut toujours donner le change à la télévision. Mais la conversation reste douloureuse. Pendant un an, Jennifer Aniston ne voit pas son père, parti avec une autre femme. Restée seule avec sa fille, Nancy Dow lui explique que son nez est trop gros, ses yeux trop rapprochés. «Elle me donnait des conseils beauté», évacue l’actrice de «Friends», juste après avoir raconté dans le plus grand des calmes son addiction aux régimes. Cette relation toxique atteint son point culminant lorsqu’en 1999, sans la consulter, sa mère publie un livre dans lequel elle dévoile leur vie privée – livre que Diane Sawyer agite d’ailleurs sous les yeux de la comédienne alors qu’elle a dit avoir refusé de le lire et de voir les photos d’elle enfant publiées à l’intérieur.

De la «honte» à la gloire

De ses parents, Jennifer Aniston tire tout de même quelque chose de positif: l’envie de jouer la comédie. Elle s’y adonne dès l’âge de 13 ans lorsque son père lui propose de faire de la figuration dans sa série. «Je n’ai jamais eu d’ambition dévorante», confie-t-elle à «Esquire» en 2007. «Oui, je veux prouver que je peux le faire. Mais j’ai honte de le vouloir.» Ses débuts se font sur les planches et en toute discrétion, dans les productions «off-Broadway» des petites salles new-yorkaises. Les gains sont maigres et la jeune femme travaille aussi comme téléopératrice ou serveuse pour boucler ses fins de mois. À 19 ans, elle abandonne New-York pour tenter sa chance à Los Angeles. «J’ai joué dans environ 700 séries qui n’ont pas marché», glisse-t-elle toujours à «Esquire». «Je n’avais aucune raison de penser que ce serait différent pour 'Friends'.»

Ce sera pourtant très différent et la suite, tout le monde la connaît. La série est un carton immédiat. Le personnage de Rachel Green devient immédiatement ultra-populaire, alors même que Jennifer Aniston avait auditionné au départ pour celui de Monica Geller. L’actrice devient rapidement l’une de ces «petites fiancées» que l’Amérique adore avoir, sa chevelure blonde et lisse donne du fil à retordre à tous les coiffeurs américains, son corps sculpté envahit les unes des magazines. Mais bien souvent, les «petites fiancées» ont droit à un retour de bâton.

Backlash

Pour Jennifer Aniston, celui-ci viendra surtout au moment de sa rupture avec Brad Pitt. Coïncidence, elle tombe juste après l’arrêt programmé de «Friends». Les efforts de la trentenaire pour passer de la série au cinéma, à une époque où les frontières sont bien plus importantes entre les deux écrans qu’aujourd’hui, sont regardés de haut depuis les colonnes des tabloïds. Mais c’est bien la fin de son couple ultra-glamour qui alimente la plupart des articles.

Partout, on cherche à expliquer comment les deux célébrités, qui se sont rencontrées en 1998 grâce à des conseillers matrimoniaux spécialisés dans les stars (sacré métier!) et marié deux ans plus tard, en sont arrivées à jeter l’éponge début 2005. Et rapidement, une petite musique se fait entendre: Brad Pitt serait fatigué d’attendre que Jennifer Aniston veuille bien faire un enfant, elle, la carriériste qui préfèrerait, ô suprême affront, sa carrière au rôle de mère.

«Un homme qui divorce ne serait jamais accusé de choisir sa carrière au détriment d’enfants», s’énerve Jennifer Aniston dans une interview à «Vanity Fair» en 2005 – là encore très pénible à lire vingt ans plus tard tant l’actrice s’y livre à nu, encore visiblement traumatisée par sa séparation, tandis que la journaliste enchaîne les commentaires sexistes sur Angelina Jolie, nouvelle compagne de Brad Pitt.

La morsure des tabloïds est d’autant plus douloureuse que Jennifer Aniston confiera bien plus tard avoir tout essayé pour tomber enceinte, des FIV aux remèdes de grand-mère, en vain. «C’était très blessant, méchant», analyse l’actrice en 2021, auprès du «Hollywood Reporter». En 2025, cette fois auprès de «Vanity Fair», elle réitère: «Le public en redemandait. Quand les gens étaient à court de soap opera, il leur restait la presse people. Et croyez-moi, je l’ai pris personnellement. On vous portait aux nues pour mieux vous détruire ensuite.»

Une carrière balbutiante au cinéma

Côté professionnel, le cinéma ne fait que lui entrouvrir la porte. Certes, il y a bien eu des succès publics, comme «La Rupture», avec Vince Vaughn, en 2006 ou «Marley et moi», dans lequel elle donne la réplique à Owen Wilson. Mais s’aventurer hors des comédies romantiques ou des comédies tout court est une gageure. «Je ne décrochais pas les rôles qui m’intéressaient parce que l’industrie n’a pas suffisamment confiance pour dire 'ok, on essaye'», explique-t-elle au «Hollywood Reporter». «Les gens choisissent les acteurs qu’ils savent capables de jouer des grands rôles dramatiques.»

En 2011 pourtant, un second rôle hilarant de dentiste infernale dans «Comment tuer son boss» lui permet d’affirmer son talent comique hors des sentiers battus. Trois ans plus tard, le drame «Cake» lui octroie une nomination aux Golden Globes. Ce n’est pas assez pour Jennifer Aniston, qui comprend alors que pour arriver à ses fins, il va falloir s’offrir ses propres opportunités. Et devenir, comme sa grande amie Reese Witherspoon, une productrice insatiable.

Prendre les choses en main

Surtout, l’actrice décide de revenir à ses premières amours: la série. Dans «The Morning Show», elle tient un rôle en or, avec des dialogues acérés. Comme lorsque son personnage déclame, dans la saison 2, qu’elle «ignorait, en faisant ce choix [celui de devenir présentatrice télé], que l’aspect le plus divertissant pour les gens ne serait pas mon métier, que je fais bien, dans lequel j’atteins les plus hautes marches» mais «de me malmener comme une piñata en me posant des questions sur ma vie sexuelle». Un monologue sur-mesure pour une star qui a tout de même appris, au fil du temps, à se montrer moins généreuse avec les médias.

Elle partage le succès populaire et critique de «The Morning Show» avec sa co-star, Reese Witherspoon.
Photo: IMAGO/Cover-Images

Désormais, ceux qui passent sa porte, comme «Vanity Fair» ou «The Hollywood Reporter», tombent sur un intérieur digne d’un spa et une comédienne toute en maîtrise qui prépare des boissons au collagène. Il y a vingt ans, c’était une femme en larmes qui accueillait leurs journalistes. Jennifer Aniston clame haut et fort être plus heureuse que jamais, ayant désormais passé l’âge qu’on lui pose des questions déplacées sur une potentielle maternité.

Les horizons s’ouvrent pour celle qui décide: la production d’une comédie sur les fractures générationnelles, le rôle d’une mère toxique et même, peut-être, objectif ultime pour la petite new-yorkaise d’adoption qu’elle fut, une pièce à Broadway. «S’il y a bien un domaine dans ma vie où je n’ai pas peur, c’est celui-là», explique-t-elle à «Vanity Fair». «Je sais faire comprendre aux gens ce que je veux. Pas de manière brutale ou agressive. Je connais simplement ma valeur.»

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