Négociations avec Israël
L'avenir du Hamas dépend plus que jamais des pays arabes

Le mouvement islamiste palestinien ne peut compter que sur les pays arabes pour sortir ses combattants de Gaza après la libération des otages. Mais ces derniers veulent aujourd'hui avant tout plaire à Trump.
Publié: 19:04 heures
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Environ 10'000 combattants du Hamas demeurent terrés dans les souterrains de la bande de Gaza.
Photo: Keystone
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le prince héritier d’Arabie saoudite sera-t-il le sauveur ou le cercueil du Hamas? Alors que les représentants du mouvement islamiste palestinien négocient au Caire avec ceux d’Israël, en présence des émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kuchner, la question de la survie des combattants enterrés dans les souterrains de Gaza se pose à très court terme. Ils seraient environ 10'000, dont plusieurs dizaines au moins ont participé à l’assaut terroriste du 7 octobre 2023 qui a coûté la vie à 1200 Israéliens. Qu’adviendra-t-il pour eux, lorsque les 48 otages qu’ils détiennent encore auront été libérés, si un accord est conclu?

Pourquoi pointer du doigt Mohammed ben Salmane plutôt que l’Emir du Qatar ou celui des Emirats Arabes Unis? Parce que le prince héritier d’Arabie saoudite est celui qui la plus de poids dans la balance diplomatico-militaire. Les combattants du Hamas, comme ceux du Jihad islamique, savent qu’ils ne seront jamais en sécurité s’ils sont exfiltrés vers le Qatar, où Benjamin Netanyahu n’a pas hésité à frapper le 9 septembre, pulvérisant une villa de Doha où logeaient leurs représentants.

Les excuses téléphoniques de «Bibi» à l’Emir du Qatar, exigées et obtenues par Donald Trump lors de leur rencontre à Washington le 29 septembre, ne sont qu’une façade. En 2010, les services de renseignement israéliens avaient assassiné à Dubaï l’un des chefs militaires du Hamas, Mahmoud Al-Mabhouh. Tous les cadres militaires du mouvement encore à Gaza savent donc qu’ils ont, à vie, une cible sur leur tête.

Protection des lieux saints

Le seul à pouvoir leur garantir un sursis est le prince saoudien. Pourquoi? Parce que sa signature au bas de futurs accords de paix entre Israël et les pays arabes est celle à laquelle Donald Trump accorde le plus d’importance. Frapper des combattants du Hamas en Arabie saoudite n’est, en plus, pas imaginable. Les lieux saints de l’islam protègent le royaume qui était proche de signer, le 15 septembre 2020, le même accord de normalisation que celui signé, alors à Washington, par les Emirats et Bahreïn. «Le seul bouclier qui puisse protéger le Hamas dans son incarnation future, civile et politique, est le pouvoir à Riyadh» confirme un expert. 

Pour en arriver là, un énorme obstacle existe toutefois: il faut sortir les combattants du Hamas de Gaza, cette enclave en ruines où l’armée israélienne surveille tout. Plus difficile encore: le Hamas et le Jihad islamique redoutent, une fois l’éventuel accord de paix signé, d’être dénoncés par la population palestinienne, dont une grande partie leur est hostile.

L’hypothèse de règlements de compte, dès que le Hamas sera désarmé, est souvent évoquée. D’autant que le mouvement n’a pas hésité depuis deux ans à utiliser des groupes criminels pour encadrer les distributions d’aide humanitaire: «Les cadres du Hamas ne sont en sécurité que s’ils sont armés, confirme un humanitaire qui a travaillé à Gaza. Les désarmer, c’est souvent les condamner à la vengeance de ceux qui ont perdu des enfants, des proches, leurs familles et leurs biens dans cette guerre effroyable de deux ans.»

Mesures extrêmes de protection

Preuve de cette peur, les six dirigeants du Hamas présents au Caire, dirigés par Khalil Al-Hayya, sont depuis une semaine isolés de leurs familles, sans téléphones portables. Le souvenir dévastateur de l’explosion des bipeurs du Hezbollah télécommandés par Israël, les 18 et 19 septembre dans les quartiers chiites de Beyrouth, hante le mouvement terroriste, sommé de se démanteler et d’abandonner toute velléité future de contrôle sur les territoires palestiniens. Ce que Rony Brauman, vétéran de l’action humanitaire et expert du conflit Israël-Palestine, ne croit pas possible.

«On peut démanteler des infrastructures terroristes. On peut neutraliser le Hamas sur le plan militaire explique-t-il à Blick. Et après? La neutralisation politique, elle, est illusoire. Elle n’existe pas. Et le plan Trump, avec son projet d’exfiltration des membres du mouvement hors de la bande de Gaza, ne réglera pas ce problème. Pourquoi? Parce que le désir de vengeance est désormais omniprésent dans la population palestinienne assiégée, massacrée, humiliée à Gaza. Ces deux ans de guerre ont produit, des deux côtés, en Israël comme à Gaza et en Cisjordanie, une haine démesurée que les missiles et les drones ne parviendront pas à éteindre. On n’élimine pas les idées avec les obus.»

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