On l’a compris plusieurs heures après le décollage de Donald Trump de la base aérienne Elmendorf, en Alaska. Le président des Etats-Unis ne défend plus l’idée d’un cessez-le-feu préalable à l’ouverture de négociations de paix en Ukraine, comme le réclament le gouvernement de Kiev et ses alliés européens. C’est une négociation sans arrêt préalable des combats, et sans proposition claire sur la table pour le moment, que préconise Donald Trump, convaincu par Vladimir Poutine lors de leur rencontre.
Le résultat? Un président ukrainien plus que jamais le dos au mur lorsqu’il pénétrera, lundi 18 août, dans le Bureau ovale où il fut humilié par Trump le 28 février. Volodymyr Zelensky sera accompagné par plusieurs dirigeants européens. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz et le chef de l'Otan Mark Rutte ont notamment confirmé leur présence ce dimanche. Mais ces derniers sont aussi sous pression. Va-t-on vers l’heure du grand abandon de l’Ukraine?
Trump veut aller vite
Trois facteurs font redouter cette hypothèse.
Le premier est la volonté de Trump d’aller vite. Le président des Etats-Unis veut embrayer sur les accords de paix qu’il affirme avoir négociés avec succès (Inde-Pakistan, Congo-Rwanda, Arménie-Azerbaïdjan). Trump veut aussi se rendre à Moscou où l’a invité Poutine lors de leur sommet en Alaska. En redoutable adepte du rapport de force, l’ancien promoteur immobilier sait enfin que l’armée ukrainienne subit, ces jours-ci, de sévères coups de boutoirs russes. La rentrée va également être compliquée dans plusieurs pays, dont la France en crise politique et budgétaire chronique. C’est, pour lui, le moment d’avancer façon bulldozer.
Le second facteur est l’absence d’alternative européenne. La bonne nouvelle, pour les dirigeants européens qui se retrouvent ce dimanche en visioconférence, est que Trump n’a pas entamé des négociations de paix sur l’Ukraine en Alaska. Il a même abrégé la rencontre et reconnu «qu’il n’y a pas d’accord sans accord». Poutine demeure donc dans l’incertitude. Mais toutes les informations diffusées depuis leur rencontre prouvent que Washington a accepté l’offre russe d’une négociation de paix sans préalable.
Annexion du Donbass
On parle aussi d’une proposition de Poutine d’annexion du Donbass en échange d’un gel de la ligne de front actuelle, qui laisse aux Ukrainiens environ un tiers des provinces de Kherson et Zaporija. Cela signerait la défaite de l’Ukraine et de ses alliés. Lesquels, pour l’heure, n’ont rien d’autre à proposer qu’une force de «réassurance» en cas d’arrêt des combats. A condition que les Etats-Unis apportent leur soutien.
Le troisième facteur est le cynisme de Trump. C’est acquis: le président des Etats-Unis reste le chef de l’OTAN, l’alliance militaire la plus puissante du monde, mais il la voit d’abord comme une source de revenus pour vendre des armes aux 31 pays alliés des Etats-Unis. Soit pour leur propre sécurité, soit pour la défense de l’Ukraine. Et ça marche! Trump a plusieurs fois cité les milliards de dollars payés par les Européens. Alors, pourquoi arrêter une pression qui rapporte?
Le dos au mur
Les Européens, pour leur part, sont face à un mur.
Soit ils disent non aux propositions de Donald Trump, et ils apparaîtront comme des «faiseurs de guerre», même si la Russie est l’agresseur, l’Ukraine la victime, et si le combat de celle-ci pour sa liberté et sa souveraineté est parfaitement légitime. Trump fanfaronnera sur ce thème et il alourdira à chaque fois la facture que devront payer les Européens, en interrompant son aide à ce pays assiégé.
Soit ils réclament de nouveau un cessez-le-feu préalable au risque de se heurter au mur americano-russe. C’est cela que le sommet en Alaska a changé, même s’il a fallu attendre pour le comprendre: Trump est maintenant sur la même ligne que Poutine sur la meilleure façon de sortir de ce conflit. Il veut négocier maintenant. Il est prêt à rencontrer les deux hommes. Le faire reculer sera très difficile.
Garanties de sécurité
Soit les Européens acceptent la nouvelle logique de Trump et ils risquent de perdre la main. Ils pourront réclamer des «garanties de sécurité» effectives pour l’Ukraine, qu’ils seront largement responsables de mettre en œuvre. Ils répéteront que l’Ukraine a vocation à intégrer l’Union européenne. Mais Trump ne les veut pas, à ce stade, à la table de négociations. Ce sera Poutine face à Zelensky. Et l’on sait que le président des Etats-Unis veut mettre fin à cette guerre.
Lâcher Zelensky ce lundi à Washington? Non, pas possible. Affronter Trump chez lui, à la Maison Blanche? Impossible. Faire durer la guerre que les Ukrainiens sont en train de perdre? Très compliqué. Payer sans compter pour l’Ukraine? Les opinions publiques n’y sont pas favorables. Toute l’équation de la guerre repose sur l’alliance entre Etats-Unis et Européens. Si elle n’existe plus que sur le papier, Volodymyr Zelensky en fera les frais, maintenant ou demain.