Une victoire russe
Pour sauver l'Ukraine, l'Europe va encore s'endetter

Le Premier ministre belge a tenu bon face à l'Allemagne et les pays scandinaves: les avoirs russes resteront gelés. Un nouvel emprunt pour l'Ukraine a toutefois été acté lors du sommet de l'UE à Bruxelles.
1/5
Le Premier ministre belge Bart De Wever l'a emporté: les actifs russes resteront gelés, mais ils ne serviront pas de garantie à un emprunt pour l'Ukraine.
Photo: imago/Belga
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Astérix est désormais officiellement Belge. L'irréductible Gaulois a même un nom: Bart De Wever. Le Premier ministre belge a obtenu, à trois heures du matin, ce qu'il avait tant demandé, seul contre tous les dirigeants européens ou presque: la non-utilisation des quelque 200 milliards d'actifs russes gelés indéfiniment dans les institutions bancaires européennes comme garantie d'un prêt à l'Ukraine.

C'est un emprunt mutualisé, adossé au budget de l'Union, qui a finalement été acté au bout de la nuit. A trois heures du matin à Bruxelles, les 27 ont choisi cette solution pour tenir l'Ukraine à bout de bras. 90 milliards d'euros seront empruntés pour permettre au pays de faire face à la Russie, alors que les difficiles négociations de paix se poursuivent.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Bart De Wever, nationaliste flamand, avait clairement annoncé la couleur à l'ouverture de ce sommet européen crucial, qui s'est aussi conclu par le report à janvier de l'entrée en vigueur de l'accord commercial avec les pays d'Amérique latine du Mercosur: pas question d'exposer son pays, la Belgique, à une éventuelle riposte du Kremlin si les 200 milliards d'avoirs russes (dont 185 milliards déposés auprès de la caisse de compensation Euroclear, basée à Bruxelles) étaient utilisés comme garantie.

Assurance tous risques

De Wever voulait une assurance tous risques de la part des 26 autres pays de l'Union européenne. Il exigeait que ceux-ci soient aux côtés de la Belgique en cas de crise ouverte avec Moscou. La réponse n'a pas été suffisamment claire. Les besoins de l'Ukraine seront donc couverts avec de l'argent emprunté sur les marchés financiers, alors que beaucoup de pays de l'UE sont déjà trop endettés.

Ce choix d'une dette supplémentaire, mutualisée et adossée au budget de l'Union, est une défaite pour le chancelier allemand Friedrich Merz et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Tous deux, fidèles à la logique «pas d'emprunt commun supplémentaire», espéraient surmonter le veto belge en proposant un vote à la majorité qualifiée, justifié par l'urgence de la guerre en Ukraine. Raté! La Belgique, pays fondateur de la Communauté européenne, n'est pas la Hongrie du national-populiste Viktor Orbán, désormais marginalisée.

Le sommet de Bruxelles a débouché sur un plan de secours d’urgence fondé sur une dette commune de l’UE. Mais attention, les failles sont là: trois pays – la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque, tous dirigés par des gouvernements très proches de Donald Trump – n’y participeront pas.

Nouvel emprunt

Ce nouvel emprunt va permettre à l'Ukraine de tenir et de continuer de résister militairement, puisqu'une partie servira à acheter les armes américaines indispensables à sa défense. Sauf que la Russie s'en sort bien. Ses avoirs, immobilisés indéfiniment dans l'attente d'un règlement du conflit et d'un plan de reconstruction de l'Ukraine, ne seront pas indirectement saisis, comme cela aurait été le cas s'ils avaient servi de garantie d'emprunt.

«Bien sûr, certains n’aimaient pas cette option… ils voulaient punir [le président russe Vladimir] Poutine en prenant son argent», a déclaré le chef du gouvernement belge, cité par le média Politico. Mais «la politique n’est pas un métier émotionnel» et «la rationalité l’a emporté».

Le prêt pour l'Ukraine répond aux besoins financiers de ce pays pour les deux prochaines années. En concession à l’Allemagne, les dirigeants ont ouvert la voie à l’utilisation future des avoirs russes gelés pour rembourser le prêt accordé à l’Ukraine. Mais cette question devra être réglée ultérieurement.

Articles les plus lus