Un document secret inquiète
Les vrais objectifs de Trump derrière le possible retrait de quatre pays de l'UE

Afin d'affaiblir l'Union européenne, le président américain Donald Trump souhaiterait que l'Italie, la Hongrie, la Pologne et l'Autriche quittent l'UE. Blick a demandé à des experts ce qui se cachait derrière cette manoeuvre.
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En octobre dernier, Donald Trump a tenté de draguer la Première ministre italienne Giorgia Meloni.
Photo: POOL/AFP via Getty Images
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Johannes Hillig

«Notre objectif devrait être d'aider l'Europe à corriger sa trajectoire actuelle.» Telle est la nouvelle stratégie de sécurité de l’administration Trump. Ce que signifie concrètement cette idée est devenu plus clair cette semaine. Sous le slogan «Make Europe Great Again», les Etats-Unis veulent «faire sortir» quatre pays européens de l'UE afin de coopérer plus étroitement avec. «Leur indépendance et leurs modes de vie européens traditionnels» doivent être préservés. 

C'est en tout cas ce qui ressort d'un document secret. Il s'agit de l'Autriche, de l'Italie, de la Hongrie et de la Pologne. Mais pourquoi ces pays? Quels sont les projets de Donald Trump? Aperçu des principales questions et réponses.

Quel est l'objectif de Washington?

«D’un point de vue neutre, il s’agit de l’approche classique d’une tentative de changement de régime. Dans ce cas précis, cependant, l’objectif n’est pas nécessairement d’opérer un changement dans les pays concernés, mais plutôt de les instrumentaliser afin de réorienter l’UE ou de l’affaiblir considérablement», explique à Blick Klemens Fischer, professeur de géopolitique à l’Université de Cologne. En d'autres termes, Donald Trump souhaite saper l’unité européenne et, par conséquent, restreindre la capacité d’action de l’UE.

Pour Remo Reginold, président du Swiss Institute for Global Affairs (SIGA), il s'agit de la dernière tentative en date pour présenter les Etats-Unis comme une nation puissante. «Pendant longtemps, la Chine a dominé le discours géopolitique, et l'on ne parlait que de sa puissance. Avec les droits de douane, avec le Venezuela, et maintenant avec la proposition controversée concernant l'UE, l'Amérique de Trump veut s'accaparer le devant de la scène politique mondiale», estime l'expert en géopolitique, interrogé par Blick. En même temps, c'est un test pour voir jusqu'où Donald Trump peut aller.

Pourquoi ces quatre pays?

Klemens Fischer: «A première vue, le choix de ces pays semble surprendre. Mais, à y regarder de plus près, la Hongrie se justifie d'une part par les liens étroits du gouvernement Orbán avec l'administration Trump. Et, d'autre part, par les difficultés de Budapest avec Bruxelles. Ce qui en fait un très bon candidat.»

La Pologne dépend certes des fonds européens, mais sa protection contre la Russie est actuellement assurée par l'armée américaine. L'Italie, en revanche, ne correspond pas vraiment à ce schéma. Selon Klemens Fischer, la relation entre Donald Trump et la Première ministre italienne Giorgia Meloni est largement surestimée, même si le président américain l'avait draguée lors d'un sommet sur Gaza. Le spécialiste ajoute: «L'Italie est bien trop consciente de sa position géostratégique en Europe pour renoncer à cette intégration. D'ailleurs, Meloni ne franchirait pas ce pas non plus.»

Parmi les quatre pays mentionnés, c'est l'Autriche qui surprend le plus le professeur de géopolitique. «Elle n'est pas connue pour être particulièrement favorable aux Etats-Unis. C'est plutôt la neutralité autrichienne qui prime. Vienne ne joue pas non plus un rôle suffisamment important en matière de politique de sécurité qu'elle pourrait quitter l'UE face aux sirènes américaines.»

Pourtant, ces quatre pays ont un point commun: «Ils sont réputés pour ne pas être favorables à l’accueil des migrants.» Un point qu’ils partagent avec l’administration Trump. Et Klemens Fischer de poursuivre: «De plus, tous ces pays comptent des partis politiques d’extrême droite importants, même si aucun d'entre eux n’est actuellement au pouvoir en Pologne et en Autriche.»

Ces quatre pays peuvent-ils quitter l'UE?

Le président de SIGA, Remo Reginold, juge improbable un retrait complet de l'UE. «Mais la formation de groupes informels soutenant l'hégémonie américaine et adoptant une approche plus pragmatique sur la scène internationale est tout à fait envisageable.» La Chine a déjà tenté une telle expérience et, avec son format de «coopération 16+1», a intensifié ses relations commerciales avec les pays d'Europe de l'Est. 

Trump peut-il encore affaiblir l'UE?

Le simple fait que l'on parle de l'idée des Etats-Unis peut déjà être perçu comme un succès pour l'administration Trump, estime Remo Reginold. Il s'agit de «normaliser de telles questions. Avec ces propos, les gens se mettent à réfléchir à un départ. Cela pourrait créer un précédent dans ces pays, avec des conséquences incertaines à long terme, comme on l'a vu au Royaume-Uni».

Klemens Fischer ajoute: «La richesse des Etats membres de l’UE diminue et les mesures d’austérité sont inévitables. Le conflit ukrainien représente un fardeau financier considérable et, bien que la majorité de la population soutienne toujours Kiev, le soutien s'effrite également.» La confiance envers ses propres gouvernements n’est plus aussi forte qu’auparavant. En Allemagne, aucun chancelier n’a jamais connu un taux d’approbation aussi bas. «Les partis populistes d'extrême droite, qui attirent de plus en plus d'électeurs, contribuent à ce sentiment d’insécurité.»

Néanmoins, il est peu probable que les Etats-Unis parviennent à inciter ces quatre pays à quitter l'Union européenne. «Ni Donald Trump ni Elon Musk ne jouissent d’une confiance et d’une popularité suffisantes en Europe pour influencer durablement et significativement les élections, explique Klemens Fischer. Et tant que des élections libres seront organisées en Europe, c'est la seule façon de provoquer un changement de régime.»

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