Elu le 6 novembre 2024
Comment Trump a révolutionné la Maison-Blanche

A la Maison-Blanche, où il construit une salle de bal, Donald Trump a tout révolutionné depuis sa victoire dans les urnes, le 6 novembre 2024. «L'Illustré» a plongé dans l'intimité du 47e président des Etats-Unis, au 1600 Pennsylvania Avenue.
Publié: 06:10 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Et si ce chantier avait valeur de symbole?. Ce mercredi 22 octobre, alors que Donald Trump (79) achève de recevoir Mark Rutte, le patron de l’OTAN, Susie Wiles s’est mise à redouter le pire. Restera-t-elle dans l’histoire de la Maison Blanche comme la cheffe de cabinet qui a couvert l’horreur: à savoir la construction d’une salle de bal de mauvais goût, pleine de dorures et de stucs comme à Mar-a-Lago, le golf de son boss, à Palm Beach, en Floride?

La principale collaboratrice du 47e président des Etats-Unis a de quoi s'inquiéter. Dès sa sortie du bureau ovale, elle a pris connaissance de l’appel lancé par plusieurs architectes réputés de Washington contre la démolition d'une partie de l'aile Est du complexe présidentiel Elle sait que les médias épient chaque mouvement des bulldozers et des pelleteuses. Susie se prend la tête entre les mains face à l'amas de gravats. La garde nationale, déployée dans la capitale fédérale depuis plusieurs semaines, soit disant pour y ramener l'ordre, ne la protègera pas du discrédit. Et si Donald J. Trump, ce 47e président réélu le 6 novembre 2024, était devenu fou?

Il y a tout juste un an

Retour en arrière. Il y a tout juste un an. En Floride, l’Etat où elle s’est installée au milieu des années 80, en pleine présidence Reagan, Susie Wiles passe ses dernières journées comme directrice de la campagne Trump 2024, à éplucher les sondages avec le conseiller «opinion» de son équipe, Chris La Civita. Pas de doute selon eux: l’attentat raté contre leur candidat à Butler, en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024, a tout fait basculer. «Ce jour-là, Trump est devenu le martyr de l’Amérique explique la journaliste Salena Zito qui y a consacré un livre. Il n’est plus, après ce coup de feu et sa fameuse photo poing levé, le candidat du retour impossible à la Maison Blanche. Il est l’envoyé de Dieu pour sauver les Etats-Unis du déclin et de la folie «woke»». 

Emissaire divin

Emissaire divin. Combattant d’une cause au nom de laquelle il peut tout se permettre. Tel est le portrait que la plupart des journalistes habitués à le suivre sur Air Force One, l’avion présidentiel américain (bientôt remplacé par un nouvel appareil offert par le Qatar), dressent souvent de POTUS, l'acronyme de «President of the United States». Trump I, vainqueur inattendu du scrutin de 2016 par 304 grands électeurs contre 227 – il avait en revanche perdu le vote populaire contre Hillary Clinton, à deux millions de voix – était un milliardaire de l’immobilier à la fois fasciné et terrassé par l’exercice du pouvoir suprême. Changement radical onze ans plus tard.

Depuis son investiture le 20 janvier 2025, Donald Trump semble n’avoir plus de limites, comme lorsqu’il poste une vidéo parodique le montrant en pilote d’un avion qui déverse des déjections humaines sur les sept millions de manifestants du mouvement «No King», le 18 octobre. Trump est sans filtre. Prêt à tout.

Donald Trump a fêté sa réélection avec ses partisans, à Palm Beach.
Photo: AFP

Une autre femme est le témoin privilégié de cette métamorphose. Melania Trump est, depuis le 22 janvier 2005, la troisième épouse de Donald Trump. Or depuis le 6 novembre 2024 et son apparition, aux côtés de son mari, au centre de Congrès de West Palm Beach pour y féter la victoire, Mélania fait profil bas. Une seule cause la pousse à se mettre en scène: celle des enfants ukrainiens kidnappés par les Russes au début de la guerre en Ukraine. Travis Gettys écrit pour Raw Story, un site «people» américain: «Elle est sans doute, à la Maison-Blanche, l'opposante N°1 à Vladimir Poutine. C'est dire...» expliquait-il dans un entretien récent.

Mélania, à distance

Le 20 janvier 2025, les caméras du monde entier avaient filmé son chapeau à large bord, empêchant son mari de l’embrasser. Depuis, la glace de l'ex-mannequin slovène n’a pas fondu. Pire, elle maugrée: la voilà en effet, ces jours-ci, priée d’évacuer ses bureaux de l’aile est, remplaçée par la future «salle de bal».

Avec son large chapeau, Melania Trump espérait peut-être tenir son mari à distance lors de son investiture.
Photo: AFP

La première année de la seconde présidence Trump s’est déroulée en mode TV réalité. L’ancien promoteur immobilier new-yorkais a brisé tous les codes. Chacune de ses rencontres officielles – à de rares exceptions prés, comme son dernier rendez-vous orageux à huis clos avec Volodymyr Zelensky le 20 octobre – se transforme en conférence de presse inopinée. Chacun de ses vols sur Air Force One est l’occasion de ferrailler contre ses opposants, voire de les insulter.

Aucun des rencontres entre Trump et Zelensky ne se passe jamais comme prévu.
Photo: AFP

Studio de télévision aérien

Le Boeing 747 présidentiel est un studio de télévision volant. Pourquoi? Parce que Trump redoute le temps qui passe. Or il veut tout casser. «Il ne fait aucun doute que notre histoire même et les principes fondamentaux de notre démocratie sont mis à l’épreuve par ce président, par ce qu’il a déclaré vouloir faire et par ce qu’il fait actuellement argumente Carl Bernstein, l’un des deux journalistes qui révéla le scandale du Watergate, fatal au président Richard Nixon en 1974. Nous verrons dans les jours, les semaines et les mois à venir comment nos institutions et nos citoyens vont réagir à cette épreuve.»

L'obsession de l'âge

Ce temps qui passe l’obsède d’abord en raison de son âge. Trump aura 80 ans le 14 juin 2026, quatre mois avant les élections législatives cruciales de mi-mandat (midterms) qui pourraient voir son Parti républicain perdre le contrôle des deux chambres du Congrès. Or même si son dernier bulletin médial, publié le 11 octobre, le présente «en exceptionnelle santé, avec de bonnes performances cardiovasculaires, pulmonaires, neurologiques et physiques», le compteur tourne. Les images désastreuses de son prédécesseur démocrate Joe Biden (son aîné de quatre ans), affaibli et désorienté, ne cessent de le hanter.

Chaque attaque contre celui qu’il dénonce, au choix comme stupide, sénile ou corrompu, fait remonter à la surface, chez Trump, l’horreur du vieillissement. Un Lui qui, dans les années 90 à New York, recouru à la chirurgie esthétique, adore se mettre en scène avec des catcheurs ou des combattants de MMA. Lui qui continue de complimenter les femmes politiques pour leur «beauté physique» et leur «jeunesse» - il l’a encore fait avec Giorgia Meloni, la Première ministre italienne, le 14 octobre - joue encore les séducteurs.

Révolution familiale

Une autre révolution est à l'oeuvre à la Maison Blanche: celle du passage de relais familial. Son gendre Jared Kushner et sa fille Ivanka. omniprésents durant son premier mandat, ont disparu des couloirs du 1600 Pennsylvania Avenue. «Jared» ne garde un rôle que pour les affaires du Proche orient, dans l’espoir de boucler les fameux «accords d’Abraham» avec Israël, le Qatar et l’Arabie saoudite. Or personne n’a remplacé le couple. Barron, le dernier fils de Donald Trump, est surprotégé par sa mère Melania, qui le tient à distance à New York, dans leur penthouse à trois étages, avec vue sur Central Park, de la Trump Tower. Eric Trump, son second fils, s’occupe de promouvoir son livre sur «Under Siege: My Family’s Fight to Save Our Nation». Donald J. Trump est seul.

Le clan Trump au grand complet durant la convention nationale du parti républicain en 2024.
Photo: KEYSTONE

Son isolement de la Maison Blanche, contribue-t-il à son «narcissisme malfaisant» diagnostiqué en 2017 par le psychiatre John Gartner? «Nous, spécialistes de la santé mentale, croyons que Donald Trump est atteint d’un trouble qui le rend psychologiquement inapte à exercer ses devoirs de président des Etats-Unis. Il reste un individu impulsif, irritable et agressif» avait alors écrit ce praticien réputé. 

Réels succès

Vrai? Faux? La réalité est en tout cas que Trump a, dès son élection, engrangé les succès. Le 47e président des Etats-Unis a forçé ses partenaires commerciaux à accepter une hausse des tarifs douaniers (la Chine négocie encore, l’Union européenne a capitulé, la Suisse a été giflée). Il impose à chaque sommet de l'OTAN des commandes records de matériel militaire américain à ses alliés. Il a arraché un cessez-le-feu à Gaza, et jure d'avoir réglé huit guerres. Le tout, sur fond de promesses d'investissements massifs: 600 milliards de dollars promis par Riyad, 700 milliards par l'Union européenne, 550 milliards par le Japon, 100 milliards par Taiwan...

Le 6 novembre 2024, alors qu'il venait de remporter les sept «Swing States» (Arizona, Georgie, Michigan, Nevada, Caroline du Nord, Pennsylvanie et Wisconsin), Trump promettait la lune à son entourage et à ses supporters, dans la nuit de West Palm Beach. La paix en Ukraine en 24 heures, un désendettement express de son pays, des expulsions massives de migrants, des profits boursiers record...ses supporters.

L'économie résiliente

Au final? L'économie américaine va mieux que prévu. ICE, l'agence chargée de l'immigration, arrête et déporte à tour de bras les clandestins, y compris vers des pays dont ils ne sont pas ressortissants, le «shutdown budgétaire» menace d'éteindre le gouvernement fédéral, après les coupes initialées du DOGE, le Département de l'efficacité gouvernementale dirigé pendant six mois par le milliardaire Elon Musk. Le prix Nobel de la paix, il en est persuadé, viendra s'il boucle une paix en Ukraine. «Trump privilégie les aspects spectaculaires de la gouvernance, signant des dizaines de décrets note le Finsbury Institute britannique. Or les mesures exécutives sont temporaires. Elles peuvent être annulées par la prochaine administration. Les héritages les plus durables se construisent par le biais de la législation».

Triomphe électoral

Trump II est une tornade. Il ébranle. Il détruit. Il sature les médias. Certains redoutent, demain, de le voir déstabiliser le Venezuela, dont il convoite les ressources pétrolières. Il a plusieurs fois demandé le chiffrage d'éventuelles sanctions contre la Russie de Poutine. «Son drame est qu’il ne croit ni dans la politique, ni dans son administration. Il ne fait confiance qu'à ses interlocuteurs les plus fortunés» juge l’ancien Commissaire européen Thierry Breton, qui batailla, avec son Digital Act, contre les magnats de Silicon Valley.

Trump a défiguré la Maison Blanche pour y construire une salle de bal.
Photo: keystone-sda.ch

A la Maison Blanche, la nouvelle salle de bal sera son temple. Beaucoup redoutent d'y entendre le son de YMCA des Village People, la chanson fétiche du candidat. Il a promis d'y installer les portraits des deux prédécesseurs qu'il apprécie le plus: James Polk (1844-1849) et William Mc Kinley (1897-1901). Tous deux agrandirent le territoire des Etats-Unis aux dépens du Mexique. Trump a aussi prévu d'y organiser, pour les célébrations du 250e anniversaire de l’indépendance des Etats-Unis, le 4 juillet 2026, un combat de MMA.

Présider les Etats-Unis en 2025, version Donald J. Trump, n'est-ce pas d'abord cogner?

Trump, année 1: un cauchemar européen

C'est la thèse de notre journaliste Richard Werly (auteur de cet article) qui vient de publier «Cette Amérique qui nous déteste» (Ed. Nevicata). «Longtemps, je n’ai pas voulu le croire écrit-il en introduction. Je ne pensais pas que Donald Trump et son mouvement MAGA avaient transformé à ce point les États-Unis. Et puis j’ai dû me rendre à l’évidence. De Chicago à Mar-a-Lago, parti à la rencontre des Américains pour Blick, j’ai compris que l’Amérique qui nous déteste existe. 

Nous, Européens, sommes devenus ses boucs-émissaires favoris. Bons pour payer et pour nous agenouiller. Si possible en disant Thank you for the deal. J’ai enquêté. J’ai interrogé. Pourquoi nous, les Européens, sommes-nous tant déconsidérés, marginalisés et parfois ridiculisés ?» Une enquête de terrain qui pose les questions les plus douloureuses pour nous, Européens. Et pour nous les Suisses frappés par 39% de tarifs douaniers...

A lire : «Cette Amérique qui nous déteste» de Richard Werly (Ed. Nevicata). L'auteur sera le 7 novembre à 18 heures à Payot Genève et le 8 novembre à 11h à Payot Lausanne. Venez nombreux !

C'est la thèse de notre journaliste Richard Werly (auteur de cet article) qui vient de publier «Cette Amérique qui nous déteste» (Ed. Nevicata). «Longtemps, je n’ai pas voulu le croire écrit-il en introduction. Je ne pensais pas que Donald Trump et son mouvement MAGA avaient transformé à ce point les États-Unis. Et puis j’ai dû me rendre à l’évidence. De Chicago à Mar-a-Lago, parti à la rencontre des Américains pour Blick, j’ai compris que l’Amérique qui nous déteste existe. 

Nous, Européens, sommes devenus ses boucs-émissaires favoris. Bons pour payer et pour nous agenouiller. Si possible en disant Thank you for the deal. J’ai enquêté. J’ai interrogé. Pourquoi nous, les Européens, sommes-nous tant déconsidérés, marginalisés et parfois ridiculisés ?» Une enquête de terrain qui pose les questions les plus douloureuses pour nous, Européens. Et pour nous les Suisses frappés par 39% de tarifs douaniers...

A lire : «Cette Amérique qui nous déteste» de Richard Werly (Ed. Nevicata). L'auteur sera le 7 novembre à 18 heures à Payot Genève et le 8 novembre à 11h à Payot Lausanne. Venez nombreux !

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