Il sera décerné vendredi
Ces Nobel de la paix sont bien moins méritants que Trump, alors?

Donald Trump veut le prix Nobel de la paix. Il le répète sans cesse, mettant pour cela en avant son intervention pour faire cesser les guerres. L'accord sur son plan de paix à Gaza relance sa candidature. Au regard des précédents lauréats, elle doit être examinée.
Publié: 20:01 heures
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Dernière mise à jour: 22:39 heures
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Donald Trump le réclame à cor et à cri: il veut le prix Nobel de la paix.
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils ont obtenu le prix Nobel de la paix. Ils sont américains. Et leurs mérites, pour justifier cette récompense internationale suprême, peuvent être discutés. Ils se nomment Théodore Roosevelt, Henry Kissinger et Barack Obama. Ils se sont tous rendus à Oslo pour recevoir la fameuse médaille des mains du Comité Nobel norvégien. Alors, pourquoi ne pas donner cette récompense, qui sera annoncée ce vendredi 10 octobre, à Donald J. Trump?

Attention à ne pas refaire l’histoire. Le prix Nobel, attribué pour la première fois en 1901 au Suisse Henry Dunant et au Français Frédéric Passy, pour leur rôle respectif dans la création du Comité international de la Croix Rouge et du Congrès universel pour la paix, est tributaire des événements. Il a souvent récompensé des personnalités politiques qui, après avoir fait la guerre, ont signé des accords de paix historiques.

Sadate et Begin

Ce fut le cas, par exemple, pour l’Egyptien Anouar el-Sadate et l’Israélien Menahem Begin en 1978, après les accords de Camp David négociés par le président Jimmy Carter, lauréat en 2002, 25 ans plus tard. Restent les faits, les bilans, et l’impact mondial de ce prix pas comme les autres, souvent décerné à des défenseurs des droits de l’homme en lutte contre des régimes autoritaires, voire contre une grande puissance, comme le Dalaï-Lama tibétain face à la Chine (Nobel 1989).

Prenons simplement, pour comparer les mérites respectifs des lauréats, ces trois exemples. Car tous trois sont pertinents à évoquer pour évaluer les mérites de Donald Trump après la signature du plan de paix pour Gaza. En sachant que les candidatures (officielles ou officieuses) pour le Nobel de la paix norvégien – les autres prix sont décernés par le Comité Nobel suédois, la nationalité d’Alfred Nobel, l’inventeur entre autres de la dynamite – sont d’ordinaire closes autour du printemps précédant l’attribution du prix.

Le cas Roosevelt

Premier exemple avec Théodore Roosevelt (1858-1919), qui dirigea les Etats-Unis entre 1901 et 1909, après avoir été le vice-président du locataire préféré de Trump: William Mc Kinley, mort assassiné. Ce président-là, oncle d’Eleanor Roosevelt qui épousa son homonyme Franklin D. Roosevelt, fut d’abord un «conquistador». Il joua un rôle décisif dans le déclenchement de la guerre hispano-américaine de 1898, qui vit les Etats-Unis faire main basse sur Cuba et les Philippines. Il commanda le régiment de cavalerie des Rough Riders, dont les exploits cachèrent quelques crimes de guerre. Le Nobel de la Paix lui fut attribué en 1906 pour son intervention réussie, afin de terminer la guerre russo-japonaise. Peut-on le qualifier d’homme de paix? A voir.

Deuxième exemple, encore plus controversé, avec le diplomate Henry Kissinger (décédé en novembre 2023), récompensé en 1973 par un prix Nobel de la paix partagé avec le dirigeant Vietnamien Le Duc Tho, qui le refusa. Les deux hommes avaient négocié les accords de paix de Paris entraînant le désengagement militaire américain du sud Vietnam. La paix fut-elle au rendez-vous? Non. La guerre se poursuivit encore deux ans.

L’ombre du Vietnam

Les Etats-Unis conservèrent jusqu’au bout des forces spéciales pour soutenir leur allié sud-vietnamien. Pire: Henry Kissinger, en 1973, vint à Oslo recevoir son prix quelques semaines après avoir donné son feu vert au Général chilien Pinochet pour l’assaut du palais présidentiel de la Monedad, qui coûta la vie au président élu Salvador Allende. Deux ans plus tard, en 1975, il ferme les yeux sur l’invasion indonésienne du Timor-Oriental. Un homme de paix? Pour le moins discutable…

Le troisième exemple est celui qui rend furieux Donald Trump et qui explique largement son obsession pour le Nobel de la paix. En octobre 2009, les jurés norvégiens décident, à la surprise générale, de récompenser Barack Obama, président démocrate élu l’année précédente. L’objectif est de récompenser ses premiers efforts (il vient à peine d’arriver à la Maison Blanche) en faveur du désarmement nucléaire, et son soutien à «la diplomatie internationale et à la coopération entre les peuples». Obama lui-même se dira surpris de ce Nobel obtenu sans véritable résultat. On connaît la suite: quels sont les accords de paix négociés par le premier président noir des Etats-Unis? Aucun. Au contraire. Barack Obama est le président américain qui aura fait la guerre le plus longtemps.

Trump ou pas Trump?

Alors, Trump ou pas Trump pour le Nobel? Il faut bien sûr prendre d’autres considérations en compte. Les atteintes à l’Etat de droit aux Etats-Unis pèsent lourd. Le langage de l’actuel locataire de la Maison Blanche, qui promet d’éradiquer et d’emprisonner ses adversaires politiques, n’est pas celui que jurés Nobel apprécie.

On peut donc douter de leur empressement à lui décerner cette récompense que l’intéressé réclame à cor et à cri. A moins qu’à Oslo aussi, la raison d’Etat pèse lourd dans les décisions, pour ménager la susceptibilité du dirigeant le plus puissant de la planète.

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