15 féminicides en Suisse cette année
Violences sexistes: «Les hommes doivent comprendre qu'ils font partie de la solution»

En Suisse, 15 femmes ont déjà été tuées par des hommes cette année. Dans leur nouveau livre, les journalistes Miriam Suter et Natalia Widla mettent en lumière les causes et les auteurs de la violence masculine envers les femmes.
Publié: 11.10.2024 à 17:15 heures
|
Dernière mise à jour: 11.10.2024 à 17:20 heures
La journaliste Miriam Suter a coécrit un livre sur les auteurs de féminicides.
Photo: Ayşe Yavaş
1/2
RMS_Portrait_AUTOR_252.JPG
Sara Belgeri

Le cas de Gisèle Pélicot secoue actuellement le monde entier. Pendant près d'une décennie, cette Française de 72 ans a été régulièrement mise sous sédatif par son mari de l'époque, qui l'a violée avec des dizaines d'autres hommes. Lui et plus de 50 individus sont jugés à Avignon dans un procès suivi dans le monde entier.

Début septembre, la coureuse olympique ougandaise Rebecca Cheptegei a été aspergée d'essence et incendiée par son partenaire. Elle est décédée des suites de ses blessures à l'âge de 33 ans. 

15 féminicides cette année

Des hommes qui violent. Des hommes qui tuent. En Suisse aussi. Quatorze hommes ont tué des femmes dans notre pays au cours des neuf premiers mois de l'année en cours, selon le projet de recherche «Stop Femizid».

Ainsi, en septembre, les détails d'un féminicide commis en février à Binningen (BL) ont été révélés: un mari aurait étranglé et démembré sa femme. Elle est morte à l'âge de 38 ans. Un autre cas s'est ajouté le week-end dernier: un homme a poignardé son épouse devant l'entrée de sa maison à Bülach (ZH).

Selon les chiffres de l'Office fédéral de la statistique, 20 femmes et jeunes filles ont été tuées l'année dernière. À cela s'ajoutent 42 tentatives d'assassinat de femmes. En Suisse, une à deux femmes sont donc assassinées chaque mois. La violence sexualisée est en augmentation. Les auteurs sont généralement des maris, des partenaires ou des ex-partenaires.

Mais pourquoi les hommes sont-ils majoritairement les auteurs de telles atrocités? Les journalistes Miriam Suter et Natalia Widla se sont penchées sur ces questions dans leur livre qui vient de paraître «Niemals aus Liebe. Männergewalt an Frauen (Jamais par amour. La violence des hommes envers les femmes)».

Focalisation sur les auteurs de violences

Ce n'est pas la première fois qu'elles travaillent ensemble: dans le livre «As-tu dit non?», paru en 2023, elles ont écrit sur la manière dont le système judiciaire suisse traite les victimes de violences sexuelles. «A l'époque, nous nous étions concentrés sur les personnes concernées, explique Miriam Suter. Mais pour empêcher de tels actes, nous devons comprendre pourquoi ils se produisent et qui sont les auteurs.»

Violences contre les femmes: besoin d'aide?

Vous, ou l'une de vos proches, êtes victime de violences de la part d'un partenaire ou d'un proche? Voici les ressources auxquelles vous pouvez faire appel.

En cas de situation urgente ou dangereuse, ne jamais hésiter à contacter la police au 117 et/ou l'ambulance au 144.

Pour l'aide au victimes, plusieurs structures sont à votre disposition en Suisse romande, et au niveau national.

Vous, ou l'une de vos proches, êtes victime de violences de la part d'un partenaire ou d'un proche? Voici les ressources auxquelles vous pouvez faire appel.

En cas de situation urgente ou dangereuse, ne jamais hésiter à contacter la police au 117 et/ou l'ambulance au 144.

Pour l'aide au victimes, plusieurs structures sont à votre disposition en Suisse romande, et au niveau national.

Pour mettre en lumière le profil des auteurs dans leur deuxième livre, les deux femmes ont assisté à des procès, visionné la vidéo de revendication d'un auteur et rencontré des proches de victimes de féminicides.

L'auteur unique n'existe pas

Elles ont aussi parlé avec des spécialistes de la justice, de la politique ou de la psychologie. Elles se sont même entretenues avec le conseiller fédéral Beat Jans, mais aussi avec Nahlah Saimeh, spécialiste du diagnostic médico-légal, avec l'avocate des victimes Lea Herzig ou avec le psychologue et activiste masculin Markus Theunert. Le livre contient des procès-verbaux d'audiences. Des victimes comme des auteurs y prennent la parole. 

Il est évident qu'il n'existe pas un unique profil d'auteur. La plupart d'entre eux sont jaloux, ont un comportement de contrôle prononcé et une conception patriarcale de leur rôle. Souvent, des ruptures biographiques conduisent également à des actes de violence.

Ainsi, des hommes qui n'ont jamais été violents auparavant peuvent devenir des auteurs de féminicides. Il n'y a donc pas un seul facteur qui fait d'un homme un agresseur. Miriam Suter déclare à ce sujet: «Nous vivons dans un monde très hostile aux victimes et aux femmes, dans lequel les hommes ont le sentiment que les femmes leur appartiennent. La violence envers les femmes est donc très fermement favorisée.»

Davantage d'argent pour la protection des femmes

Le livre met par ailleurs en lumière différents lieux d'accueil pour les auteurs de violences, comme les centres de conseil et de thérapie et les programmes d'apprentissage. Plusieurs spécialistes qui s'expriment soulignent que le travail avec les auteurs de violences est une protection des victimes. Miriam Suter va dans le même sens: «Nous devons commencer par les auteurs, après tout, c'est d'eux que vient la violence.» Selon elle, il s'agit de la meilleure prévention possible. 

Le livre se termine par des recommandations sur la manière de prévenir la violence des hommes envers les femmes. La Confédération et les cantons doivent notamment investir davantage d'argent dans la protection des femmes. «Sans moyens supplémentaires et sans davantage de refuges, les maisons d'accueil pour femmes continueront à être surpeuplées. Et cela coûte des vies», alerte Miriam Suter.

Mais l'un des points les plus importants, selon elle, est le changement de mentalité qui doit être commun et sociétal. «Nous avons besoin des hommes», affirme-t-elle. Elle décrit l'image du procès actuel de Gisèle Pélicot: sur le banc des accusés, il n'y a que des hommes, alors que devant le tribunal, il n'y a presque que des femmes qui soutiennent la victime. Elle demande que les hommes collaborent activement en parlant entre eux de ces questions et en se demandant mutuellement des comptes. «Les hommes doivent prendre conscience qu'ils font partie de la solution.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la