Un accord était sur le bureau de Donald Trump, négocié, approuvé par les ministres et prêt à être signé. Mais la Suisse n'a pas reçu de signature, seulement un chiffre de 39%. Ces droits de douane exorbitants créent la débâcle au Conseil fédéral et montrent que la diplomatie traditionnelle a ses limites.
Dans l'univers de Trump, ce ne sont pas les accords bien ficelés ou les usages diplomatiques qui comptent, mais les relations et les contacts personnels, et Berne semble avoir mis du temps à le comprendre. Dans les négociations en cours sur les droits de douane, le Conseil fédéral s'appuie désormais sur les représentants des secteurs économiques suisses, qui ont un «accès différent» à Washington, selon la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter. Le gouvernement affirme que la Suisse a besoin de personnes capables d'atteindre le Bureau ovale et de gagner l'attention de Trump pour le persuader de baisser les droits de douane.
A Washington, il y a toute une industrie pour cela: des cabinets de lobbying qui ouvrent des portes, défendent des causes et influencent les présidents. Les pays du monde entier font appel à eux, et la Suisse aussi y a pensé. La secrétaire d'Etat du Seco Helene Budliger Artieda a évoqué l'idée de faire appel à une société de lobbying américaine pour les questions douanières, peu après l'annonce de Trump en avril. Mais Berne a refusé cette idée, convaincue qu'elle n'avait pas besoin d'une aide professionnelle externe.
Les critiques s'accumulent
Blick a interpellé le Seco sur ce point et a reçu une réponse du Département fédéral de l'économie (DEFR), mais le service de presse est resté discret. Lors d'un entretien téléphonique, un porte-parole déclare: «Nous ne ferons aucun commentaire à ce sujet.» A une demande d'interview envoyée par courriel, le DEFR répond en une phrase: «Le Conseil fédéral et les départements concernés n'ont engagé aucun cabinet de lobbying en lien avec les questions douanières et n'envisagent pas de le faire.»
Il est fort probable que le DEFR ne souhaite pas commenter davantage ce sujet à cause de son explosivité politique. Depuis sa visite de dernière minute cette semaine, le Conseil fédéral est criblé de critiques: il a cru pendant trop longtemps qu'un accord était en préparation, il s'est trop appuyé sur les canaux officiels et les procédures réglementées, alors que Trump bafoue ces éléments.
Cet épisode de tarif douanier est d'autant plus surprenant que dans un autre dossier, le Conseil fédéral a fait appel à un cabinet de lobbying américain. Au début de l'année, Washington a menacé de restreindre l'accès aux puces d'intelligence artificielle. Le Conseil fédéral a alors mandaté un cabinet d'avocats américain renommé pour veiller à ce que la Suisse obtienne à nouveau l'accès aux puces informatiques. Le contrat stipulait explicitement que les lobbyistes pouvaient aussi conseiller le gouvernement fédéral sur «d'autres questions», notamment «concernant les droits de douane ou d'autres questions commerciales», mais il est clair que le Conseil fédéral a renoncé à ces services.
La mission de Washington en cours
Entre-temps, la secrétaire d'Etat Helena Budliger Artieda est rentrée en Suisse, selon le Seco. Avec une petite délégation, elle a tenté d'utiliser tous les canaux possibles à Washington, même ceux non couverts par le protocole diplomatique. Elle a été soutenue par Gabriel Lüchinger, l'envoyé spécial du Conseil fédéral pour les Etats-Unis, qui dispose d'un vaste réseau de contacts dans le domaine de la sécurité. Gabriel Lüchinger connaît notamment l'envoyé spécial américain Steve Witkoff, ami de longue date et partenaire de golf de Trump.
Le Conseil fédéral tente d'explorer de nouvelles pistes diplomatiques aux Etats-Unis, mais n'épuise pas toutes ses options. Il reste toujours la possibilité de faire appel à un cabinet de lobbying américain.