La Suisse et les Etats-Unis... c'est une histoire compliquée. Et cela ne date pas du deuxième mandat de Donald Trump. Bien que le coup de massue tarifaire ouvre un nouveau chapitre, un bref regard sur le passé nous prouve que la Suisse et le pays de l'Oncle Sam ont plusieurs fois croisé le fer.
2008: La crise financière, UBS et le secret bancaire
L'exemple qui est sans doute encore ancré dans la plupart des esprits aujourd'hui concerne la place financière suisse. Il y a onze ans, le secret bancaire est tombé, et notamment à cause des Etats-Unis. Lors du grand krach financier de 2008, UBS s'est retrouvée dans le collimateur des autorités américaines. Elle aurait permis à ses clients de dissimuler leur fortune aux autorités fiscales étasuniennes, en toute légalité selon le droit suisse.
Mais l'Oncle Sam ne voulait rien savoir, et a exigé qu'UBS lui fournisse la liste des fraudeurs fiscaux. Au départ, la Suisse n'a pas bronché. Elle était depuis longtemps sous pression internationale, en raison de sa place financière secrète. «Vous vous casserez les dents sur ce secret bancaire», avait alors scandé le conseiller fédéral du Parti libéral-radical (PLR) de l'époque, Hans-Rudolf Merz
Mais la pression d'outre-Atlantique s'est avérée trop forte: en 2009, les enquêteurs américains ont pris pour cible dix autres établissements financiers suisses, au point de menacer dangereusement leur place sur la scène économique internationale. Après de nombreuses discussions animées au Parlement fédéral, ainsi que la signature d'un accord international, le fameux secret bancaire a définitivement disparu en 2014.
1998: Les avoirs juifs
Dans les années 1990, combien d'économies de familles juives se trouvaient sur des comptes bancaires suisses? Cette question épineuse a traversé l'Atlantique, car de nombreux Juifs avaient fui vers les Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale.
La Suisse a été prise de court mais a fini par se ressaisir, notamment grâce à l'aide historique de la conseillère fédérale socialiste de l'époque, Ruth Dreifuss, elle-même juive. La Suisse a créé la Taskforce «Suisse – Seconde Guerre mondiale» autour du diplomate Thomas Borer, chargé de traquer les avoirs juifs.
Pourtant, tous les membres du gouvernement ne soutenaient pas cette cause. Le conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz (PLR) a même accusé les représentants d'intérêts américains de faire du chantage à la Suisse. La place financière suisse s'est, elle aussi, longtemps opposée aux exigences des Etats-Unis, avant de finalement plier en 1998: les grandes banques UBS et Credit Suisse ont alors versé 1,25 milliard de dollars aux survivants de l'Holocauste.
1951: Les sanctions du bloc de l'Est
La neutralité suisse a toujours été un équilibre fragile, notamment durant la guerre froide. Après la Seconde Guerre mondiale, l’économie helvétique entretenait activement des échanges commerciaux avec les deux blocs. Mais les Etats-Unis ne l'entendaient pas de cette oreille.
En 1951, la Suisse a dû se rallier entièrement aux sanctions de l'OTAN contre les pays du bloc de l'Est, au risque de se voir imposer des sanctions américaines. Après le coup de semonce de l'Ouest, la Suisse a renoncé à ses relations lucratives avec le camp opposé.
1930: Le premier coup de massue tarifaire
Les 39% de Donald Trump ne sont pas le premier choc douanier auquel l'économie suisse doit faire face. Dans les années 1920 déjà, les Etats-Unis se sont isolés du reste du monde, avec des conséquences désastreuses.
Entre 1922 et 1930, ils ont augmenté leurs droits de douane de 17 à 60%. La protection de leur propre marché n'a pas seulement affaibli leur conjoncture, elle a également provoqué une forte contraction de l'économie mondiale. En Suisse, l'industrie horlogère a été particulièrement touchée par les droits de douane américains. De nombreux hommes et femmes politiques ont alors appelé au boycott des produits américains.
En 1936, la Confédération a finalement réussi à conclure un accord commercial avec les USA. Un contrat qui a certes survécu à la Seconde Guerre mondiale, mais qui n'a pas tenu bien longtemps: lorsque le marché américain a été inondé de montres suisses après 1945, le gouvernement américain en a eu assez. Washington a exigé de compléter l'accord avec une clause permettant de rétablir des droits de douane plus élevés, faute de quoi l'ensemble du contrat serait résilié. Comme souvent par la suite, la Suisse s'est docilement inclinée devant sa grande sœur américaine.