La Suisse romande pas épargnée
Ces cantons sont les plus lourdement frappés par les 39% de droits de douane

Les nouveaux droits de douane américains sont entrés en vigueur jeudi, faisant peser une lourde menace sur l’emploi dans certains cantons suisses, si bien que les autorités doivent à présent parer à l'urgence. Voici notre grand aperçu des cantons les plus touchés.
Publié: 07:01 heures
Partager
Écouter
1/10
Les droits de douane américains vont durement toucher certains cantons suisses.
Photo: keystone-sda.ch
RMS_Portrait_AUTOR_377.JPG
Martin Schmidt

De puis 6h ce jeudi, de nombreux produits suisses prisés aux Etats-Unis sont frappés par un droit de douane de 39%. Parmi eux figurent les capsules Nespresso, les bonbons Ricola, les montres Breitling, Swatch et Rolex, ainsi que le fromage Gruyère. 

Ce cataclysme tarifaire a été officialisé juste après le retour de la délégation suisse, partie à Washington mardi dans l'espoir d'obtenir un nouvel accord avec Donald Trump. Après un entretien avec le Secrétaire d'Etat américain Marco Rubio, Karin Keller-Sutter et Guy Parmelin sont rentrés bredouille en Suisse mercredi soir. Aucun compromis n'a pu être trouvé pour éviter ces 39%.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Certaines régions suisses risquent d’être plus durement touchées que d’autres par ces taxes douanières. Le canton de Nidwald s’annonce comme l’un des plus exposés, puisqu’environ un franc sur deux issus de ses exportations provient du marché américain. Cela s’explique en grande partie par la présence de son principal employeur, Pilatus Flugzeugwerke, basé à Stans.

Les branches les plus touchées

Les avions de Pilatus sont très convoités outre-Atlantique. «L’entreprise sera fortement touchée par des droits de douane américains élevés», souligne Othmar Filliger, conseiller d’Etat nidwaldien en charge du Département de l’économie. Selon lui, un taux de 39% représente une «barrière commerciale très élevée» et «un énorme défi» pour l’économie du canton. Le gouvernement cantonal envisage déjà de soutenir les entreprises concernées en mettant en place du chômage partiel si la situation l’exige.

Pilatus dispose bien d’une usine d’assemblage final à Broomfield, dans l’Etat du Colorado, ce qui pourrait atténuer partiellement l’impact des taxes. Mais l’essentiel de la valeur ajoutée est produite à Stans, où près de 3000 personnes sont employées. L’inquiétude y est palpable, alors que tout espoir d'un nouvel accord avec les Etats-Unis s'est désormais envolé.

L’exemple de Pilatus illustre bien le paradoxe actuel. Le label «Swiss made», synonyme de qualité, devient subitement un désavantage commercial. «Les plus touchés seront les fabricants de machines, d’appareils électroniques, d’instruments de précision, ainsi que les horlogers positionnés sur les segments de prix moyen et inférieur qui exportent massivement vers les Etats-Unis», explique Hans Gersbach, codirecteur du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) à l’EPFZ.

«Une vague de licenciements»

Les grands noms de l’horlogerie suisse sont principalement établis dans les cantons de Vaud, Genève, du Jura, de Neuchâtel, de Schaffhouse et de Berne. C’est là que sont fabriquées les montres Rolex, Vacheron Constantin, Patek Philippe, Jaeger-LeCoultre, Audemars Piguet, Tissot ou encore Omega. Les marques haut de gamme disposent de marges confortables, et leur clientèle est généralement moins sensible aux variations de prix. En revanche, une hausse importante des prix sur les marques plus abordables risque de détourner rapidement de nombreux acheteurs.

Martin Hirzel, président de Swissmem, tire la sonnette d’alarme dans les colonnes de Blick: «Je m’attends à une vague de licenciements.» L’association représente les branches des machines, des équipements électriques et des métaux. Le canton de Saint-Gall, bastion de la fabrication d’instruments de précision, pourrait être particulièrement affecté. Près d’un cinquième des exportations du canton sont destinées au marché américain. Les cantons de Zurich, d’Argovie et ceux de Suisse centrale sont également fortement impliqués dans la construction de machines.

Le canton pharmaceutique de Bâle-Ville exporte pour plus de 20 milliards de produits vers les Etats-Unis.
Photo: STEFAN BOHRER

L’Argovie, à elle seule, assure près d’un quart des exportations suisses vers les Etats-Unis. Dieter Egli, président du Conseil d'Etat, observe la situation de près. «Il y a bien sûr un risque que les affaires américaines s’effondrent pour certaines entreprises exportatrices. En général, une entreprise ne peut ni compenser ce genre de choc, ni répercuter des surcoûts de près de 40% sur ses clients», explique-t-il.

Un suspense palpable à Bâle-Ville

La majorité des exportations vers les Etats-Unis concernent surtout le secteur pharmaceutique, pour l'instant exempté des droits de douane. Mais Donald Trump a à nouveau menacé mardi d’imposer des taxes douanières sévères à cette industrie à long terme. Ce serait un coup dur pour Bâle-Ville, canton-phare de la pharma. En 2024, plus de 20 milliards de francs de biens ont été exportés vers les Etats-Unis depuis cette région.

Dieter Egli affirme rester en contact étroit avec les associations économiques du canton. Les autorités envisagent également de recourir au chômage partiel. «C’est un outil important pour préserver les emplois», affirme le conseiller d'Etat. Mais à moyen terme, les entreprises devront diversifier leurs marchés, une tâche complexe dans un contexte de concurrence mondiale. Et même les secteurs qui ne sont pas directement tournés vers les Etats-Unis finiront par ressentir les effets de cette évolution commerciale.

Une récession menace

Selon les calculs du KOF, l’économie suisse pourrait se contracter d’au moins 0,3% sous l’effet des nouvelles taxes douanières américaines. Et le choc pourrait être encore plus sévère. «Les droits de douane nuisent aux relations commerciales entre les entreprises suisses et américaines, et dans bien des cas, y mettent complètement fin. Si les chaînes d’approvisionnement s’effondrent et doivent être reconstruites, cela pourrait provoquer une chute du PIB allant jusqu’au double», estime Hans Gersbach. Une telle baisse de 0,6% représenterait une perte d’environ 600 francs par habitant.

Mais le scénario pourrait empirer encore. Si les produits pharmaceutiques suisses venaient à être taxés à leur tour à hauteur de 39%, la contraction économique atteindrait au minimum 0,7%. «Dans ce cas, il existe un risque réel que la Suisse entre en récession», avertit Hans Gersbach.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la