Combien les médecins pourront-ils facturer? Dès l'an prochain, c'est le nouveau système tarifaire Tardoc qui fixera les règles. Une réforme loin de faire l'unanimité. Les chirurgiens, en particulier, se disent très insatisfaits des nouvelles indemnisations prévues.
Michele Genoni, président de la Fédération suisse de tous les médecins spécialistes pratiquant la chirurgie et les interventions invasives (FMCH), l'avait déjà dit sans détours en octobre dans Blick: «Avec le nouveau système de rémunération, nous risquons le chaos!» L'association des chirurgiens a désormais saisi la justice et vient d'obtenir un premier succès partiel dans son combat.
Recours pour douze forfaits
Le cœur du conflit reste les forfaits ambulatoires censés être introduits dès l'année prochaine. Selon les médecins, ils créent de mauvaises incitations dans les traitements, ne sont tout simplement pas économiquement viables et ne respectent donc pas le cadre légal.
Le Tribunal administratif fédéral est entré en matière sur un recours de la FMCH visant douze forfaits précis. Il s'agit notamment d'indemnisations pour des interventions au niveau du cou ou pour des appendicectomies. Concrètement, ces éléments du nouveau système de facturation ne s'appliquent pas pour l'instant.
«Le recours au tribunal est notre ultime moyen», explique Michele Genoni, président de la FMCH. Ni L'OTMA, l'Organisation tarifs médicaux ambulatoires, ni la ministre de la Santé Elisabeth Baume-Schneider n'auraient réagi aux propositions formulées par la fédération des chirurgiens. «Nous n'attaquons pas l'ensemble du système tarifaire, mais uniquement ses dérives les plus extrêmes.»
Le Conseil fédéral ne réagit pas
Selon Michele Genoni, les forfaits contestés ne reflètent pas suffisamment la réalité médicale ni la complexité des prestations. «On met dans le même panier des interventions simples et des situations potentiellement mortelles.» Cela conduit, selon lui, à un sous-financement ou à un surfinancement systématique.
A terme, l'ensemble du système de santé pourrait en subir les conséquences. Une indemnisation trop faible risquerait d'entraîner une baisse de la qualité des soins et des absences prolongées pour les patients. A l'inverse, un surpaiement des interventions ferait grimper inutilement les primes d'assurance maladie.
Les médecins ciblent désormais le Conseil fédéral: dès le mois d'avril, celui-ci aurait reconnu que les structures tarifaires présentaient des défauts et devaient être corrigées après leur entrée en vigueur. En validant malgré tout le système, il aurait donc sciemment introduit un dispositif en partie contraire à la loi, affirme la FMCH.
La Confédération pas compétente?
Du côté de la Confédération, l'initiative des chirurgiens ne suscite guère d'enthousiasme. Il y a deux mois, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) indiquait à Blick que le Conseil fédéral ne disposait pas de la compétence nécessaire pour intervenir sur les tarifs.
L'OFSP s'est toutefois permis une mise au point mesurée: «L'assurance-maladie obligatoire n'a pas pour objectif de garantir un certain niveau de revenu aux fournisseurs de prestations.»
Les chirurgiens se défendent depuis longtemps contre l'accusation de ne penser qu'à leur portefeuille. Un constat demeure: les écarts de revenus sont particulièrement marqués chez les médecins indépendants.
Communication opaque
Parallèlement, la FMCH ne ménage pas ses critiques à l'encontre de l'organisation tarifaire OTMA. Celle-ci manquerait de ressources et serait dominée par des économistes issus des hôpitaux et des assurances, plutôt que par des spécialistes médicaux.
«La balance penche depuis longtemps du mauvais côté entre les chirurgiens et l'OTMA», estime la vice-présidente de la FMCH, Charlotte Meier Buenzli. Elle déplore l'absence de plan de projet et une communication jugée opaque. «Une collaboration saine suppose un dialogue d'égal à égal.»
Afin d'éviter des lacunes de facturation liées à la procédure judiciaire, elle réclame aussi une mesure transitoire: les douze cas concernés ne devraient pas être facturés sous forme de forfaits ambulatoires, mais comme des prestations individuelles selon le Tardoc.
Cette solution devrait s'appliquer jusqu'à la révision des forfaits, estiment les médecins. Indépendamment de l'issue du recours, l'OTMA prévoit déjà une révision du système pour 2027. Reste à savoir si celle-ci répondra aux attentes des chirurgiens.