«Le chaos menace!», gronde Michele Genoni. Le président de l’association faîtière des sociétés de disciplines médicales chirurgicales et invasives (FMCH) s'insurge face au nouveau système de tarification de la santé en Suisse qui entrera en vigueur l'année prochaine. A l'instar de ses quelque 9000 collègues de la FMCH, il a du mal à avaler la pilule.
A partir du 1er janvier 2026, les prestations médicales ambulatoires seront indemnisées selon de nouveaux forfaits. Un changement qui fait tousser les chirurgiens suisses. Les interventions complexes ne couvriront souvent pas leurs coûts, tandis que les opérations simples seront beaucoup mieux rémunérées. «Si les politiques ne changent pas la donne, nous irons devant le juge», prévient Michele Genoni.
Absence de couverture des coûts pour les interventions
Un exemple illustre la colère des spécialistes luttent avec autant de véhémence contre cette réforme: pour un oto-rhino-laryngologiste, une simple intervention de 60 minutes sur l'œsophage coûtera à l'avenir le même prix que l'ablation d'une tumeur vasculaire de grande taille, une opération extrêmement exigeante sur le plan technique et qui dure environ deux à trois heures. Au lieu de 220 francs pour la courte intervention et de 1300 francs pour la longue, les deux seront facturées 800 francs.
«De tels cas se présenteront à l'avenir dans tous les domaines où travaillent les spécialistes», explique le président de la FMCH, que cela concerne la chirurgie faciale ou la gynécologie. Et cela pourrait conduire à une dynamique dévastatrice. En raison de l'absence de couverture des coûts, certains médecins privés ne seraient plus en mesure de réaliser les opérations les plus complexes. «Au lieu de cela, les patientes et les patients sont envoyés à l'hôpital.» En raison de l’infrastructure plus coûteuse, cela entraînerait des dépenses de santé plus élevées et des temps d’attente allongés, assure Michele Genoni.
Des risques pour l'anesthésie
La question de l'anesthésie réveille aussi les craintes des spécialistes. La sécurité des patients pourrait pâtir du passage à la facturation forfaitaire. Jusqu'à présent, les chirurgiens et les anesthésistes pouvaient détailler leurs prestations séparément à l'assurance maladie. Mais, dans le nouveau modèle, toute l'intervention est regroupée dans une seule et unique facture, celle du chirurgien.
Comme les prestations sont ensuite versées de manière forfaitaire, les chirurgiens et les anesthésistes devront s'entendre sur la répartition de l'argent. «Le risque est que certains médecins privilégient les anesthésistes les moins chers plutôt que les plus compétents», explique Charlotte Meier Buenzli, vice-présidente de la FMCH.
Les enfants en feront les frais
Avec le nouveau système de tarification, les forfaits ambulatoires stipuleront qu'une seule intervention peut être réalisée par anesthésie, accompagnée de tous les examens complémentaires le même jour. Cela pose notamment un problème pour les enfants, qui doivent par exemple être placés sous anesthésie générale pour passer une IRM afin d'éviter que les images ne soient floues. Impossible ensuite d'enchaîner avec une opération. Le traitement devra s'étaler sur plusieurs jours, augmentant encore les coûts.
La FMCH estime que la responsabilité du «chaos tarifaire» incombe à l'Organisation des tarifs médicaux ambulatoires (OTMA), une association regroupant les hôpitaux suisses, les assureurs-maladie et l’Association professionnelle des médecins en Suisse (FMH). Les cantons y sont également représentés: le directeur de la santé bernois Pierre-Alain Schnegg (UDC) est le président du conseil d'administration.
Selon les chirurgiens, cette mesure va à l'encontre des efforts déployés par le Conseil fédéral pour privilégier les interventions ambulatoires par rapport aux traitements stationnaires. Le peuple s'est également prononcé en ce sens l'année dernière en acceptant le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS).
Silence politique
En avril déjà, l'association des chirurgiens avait adressé une lettre au conseiller d'Etat Pierre-Alain Schnegg, afin de clarifier les interventions qui, selon l'ordonnance sur les prestations, doivent être effectuées en ambulatoire pour être remboursées. Sinon, la sécurité des soins risque d'être compromise. «Nous n'avons jamais reçu de réponse», déclare encore Michele Genoni.
Selon le président de la FMCH, les hôpitaux et les grandes cliniques peuvent certes amortir les coûts supplémentaires. «Mais un petit établissement de soins ne réalisera probablement pas d'interventions si elles sont à perte. L'ensemble de l'association se montre solidaire», assure Michele Genoni. Avant d'ajouter: «Nous soutiendrons tous les médecins qui souhaitent s'opposer à ces nouveaux tarifs.»
Pour cela, les médecins peuvent s'adresser directement au Tribunal administratif fédéral. Le système tarifaire ambulatoire relève de la responsabilité du Conseil fédéral. La FMCH espère que le tribunal conclura que certains forfaits sont effectivement illégaux. Elle espère aussi que la ministre de la Santé Elisabeth Baume-Schneider reprenne finalement la main sur le dossier. «La balle est actuellement dans le camp du Conseil fédéral», conclut Michele Genoni.