Très peu d'étrangers travaillent pour l'Etat
«L'administration fédérale est une cage dorée pour les Suisses»

Alors que rien ne fonctionne dans l'économie sans spécialistes étrangers, la proportion d'étrangers est très faible à la Confédération. Les représentants de l'économie mettent en garde contre un fossé dangereux entre l'Etat et l'économie privée. Que fait la Suisse?
Publié: 05:31 heures
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Dernière mise à jour: 06:39 heures
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Très peu d'étrangers travaillent à la Confédération – seuls 5% d'entre eux n'ont pas de passeport suisse.
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Sven Altermatt

Ce sont deux mondes qui s'affrontent: dans l'économie, la main-d'œuvre étrangère est indispensable, mais dans l'administration fédérale en revanche, elle est presque invisible. A la Confédération, seule une personne sur vingt n'a pas de passeport suisse.

La proportion d'étrangers stagne depuis des années à environ 5%, comme le confirme l'Office fédéral du personnel sur demande de Blick. Dans l'ensemble de la population active, elle est de 34%.

La Confédération, un employeur de «Suisses»

Outre le personnel académique, l'administration fédérale emploie également des employés de bureau, des artisans et des spécialistes techniques. Il n'existe plus depuis longtemps de «préférence nationale» pour le personnel fédéral.

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Nous n'utilisons toujours pas suffisamment le potentiel des personnes issues de l'immigration dans la fonction publique
Natalie Pawlik, déléguée à l'intégration
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Le passeport suisse n'est obligatoire que dans les domaines où la souveraineté est engagée, comme l'armée, les gardes-frontières ou les représentations diplomatiques. Et pourtant, avec ses quelque 43'000 employés, la Confédération reste l'un des plus grands employeurs «suisses».

L'Allemagne contre-attaque

En Allemagne aussi, la faible proportion d'étrangers dans la fonction publique suscite le débat. Mais le gouvernement du chancelier Friedrich Merz (CDU) veut prendre le contre-pied dans le cadre d'une «offensive de la main-d'œuvre qualifiée».

«Nous n'utilisons toujours pas suffisamment le potentiel des personnes issues de l'immigration dans la fonction publique», a récemment déclaré la déléguée à l'intégration Natalie Pawlik. «Nous devons changer cela.»

La Confédération comme «cage dorée»

En Suisse, les critiques viennent d'un côté inattendu. Pour les représentants de l'économie, le fait que si peu d'étrangers travaillent encore à la Confédération est aussi la conséquence des «conditions de travail privilégiées».

Rudolf Minsch est économiste en chef de l'association faîtière Economiesuisse. On pourrait le formuler de manière pointue, dit-il: «L'administration fédérale est une cage dorée pour les Suisses.»

Un fossé croissant

Rudolf Minsch observe un fossé croissant entre l'administration et l'économie privée. Face à la conjoncture et aux crises, les entreprises sont contraintes de maintenir leurs coûts à un bas niveau pour rester compétitives. Il n'est donc pas toujours possible de faire de grands bonds en avant en matière de salaires.

Il en va autrement à la Confédération: «Les salaires y augmentent constamment et la croissance du personnel se poursuit.» Pour l'Etat, il est «facile de recruter des spécialistes en Suisse qui pourraient sinon travailler dans l'économie privée», explique Rudolf Minsch. Dans le secteur privé, on est bien plus contraint de recruter du personnel étranger.

La fluctuation des cadres entre l'Etat et le monde économique diminue également, ce qui entraîne une perte de compréhension mutuelle pour la réalité de l'autre. «Une fois que l'on travaille à la Confédération, on y reste volontiers», dit Rudolf Minsch. D'où le terme de «cage dorée». Ou, comme l'a dit un jour la «Sonntagszeitung»: «une sorte de réserve de hauts salaires pour les Suisses.»

L'image que donne l'Etat

La faible proportion d'étrangers au sein de la Confédération donne-t-elle aussi une image à l'extérieur? Le chercheur en migration Ganga Jey Aratnam a déclaré en octobre à Blick que beaucoup de gens n'étaient pas conscients à quel point la Suisse était devenue un pays d'immigration. Alors que la population devient de plus en plus diversifiée, cela ne se voit guère dans la politique et l'administration, où les autochtones continuent de dominer.

L'Office fédéral du personnel lui-même cite plusieurs raisons pour expliquer la «proportion comparativement élevée de Suisses». Le fait que certaines fonctions ne puissent être exercées que par des citoyens suisses joue encore un rôle. Les «exigences en matière de connaissances linguistiques» pourraient également être un facteur – de nombreux postes nécessitent deux langues nationales. En outre, «le domaine d'activité et la branche» doivent être pris en compte, car la Confédération ne propose pas d'emplois dans la gastronomie ou la santé.

Que fait la Confédération?

L'Allemagne veut attirer de manière ciblée davantage d'étrangers dans la fonction publique. Et la Suisse? L'Office du personnel dément tout projet en ce sens. Les postes à la Confédération doivent en principe être mis au concours publiquement et sont ouverts à tous – avec les restrictions mentionnées –, explique un porte-parole.

Selon l'Office du personnel, «rien n'indique que la question de la nationalité empêche les candidats de postuler chez nous». L'office indique en outre qu'il ne recueille pas d'informations sur le contexte migratoire. Seule la nationalité est prise en compte.

Et pourtant, la Confédération veut de la diversité dans son personnel. Il s'agit par exemple de «promouvoir une bonne collaboration au sein d'équipes multiculturelles et de profiter d'autres points de vue», explique l'Office du personnel.

Certains politiques demandent un «gel des étrangers»

Il n'existe toutefois pas d'initiatives ou de campagnes ciblées «pour attirer spécifiquement des collaborateurs de nationalité étrangère ou issus de l'immigration». Selon les directives du Conseil fédéral, l'accent est mis sur trois domaines: «le genre, les langues et la proportion de personnes handicapées.»

En Allemagne, la demande d'un plus grand nombre d'immigrés dans la fonction publique a suscité la critique de politiciens conservateurs. Et en Suisse, certains politiciens visaient déjà le contraire depuis des années, malgré la faible proportion d'étrangers à la Confédération. L'ancien président de l'UDC Toni Brunner avait même exigé un jour, dans les colonnes de Blick, «un gel des étrangers» à la Confédération.

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