Interlaken Express – Sur les traces de Sherlock Holmes à Meiringen
Ce train panoramique traverse la région enchanteresse du centre géographique de la Suisse. Quels paysages! Au pays des trains, une ligne de chemin de fer se devait de relier Lucerne et Interlaken, deux villes séparées d’une cinquantaine de kilomètres à vol d’oiseau. D’autres trains de montagne sont certes plus spectaculaires encore, mais celui-là semble traverser un vrai décor de maquette. La ligne ferroviaire mesure 74km pour un trajet de 1h49. Piano, piano. Il faut dire que l’étroit col du Brünig (1008m) constitue un obstacle de choix.
Parti des rives du lac des Quatre-Cantons, le train rejoint d’abord le lac de Sarnen, puis grimpe sur une voie unique vers celui de Lungern. Pour autant que l’on soit assis à droite à partir d’Alpnachstad, on savoure du regard les environs. De majestueux sommets, tels que le Wilerhorn, surplombent la vallée. Une fois le col du Brünig franchi, la descente sur l’autre versant permet d’admirer la vallée de l’Aar bordée de hautes falaises d’où jaillissent de multiples cascades. Le train bifurque ensuite vers Meiringen, puis repart dans l’autre sens à destination de Brienz, longeant son lac aux eaux turquoise – le plus profond de Suisse.
Bon à savoir: Une halte à Alpnachstad permet d’emprunter le train à crémaillère le plus raide du monde, qui gravit le mont Pilate. Meiringen aussi vaut le détour, ne serait-ce que parce que l’auteur de Sherlock Holmes, Sir Arthur Conan Doyle, y fait disparaître son héros dans les chutes d’eau du Reichenbach. Un funiculaire historique permet de les admirer.
Chemins de fer du Jura – Traverser les Franches-Montagnes sans se presser
Quand on arrive à Glovelier (JU) depuis Delémont, le petit train rouge des Chemins de fer du Jura (CJ), nés en 1944 de la fusion de quatre compagnies différentes, attend patiemment. Il atteindra La Chaux-de-Fonds, sa destination finale, en 1h16. Le même trajet, soit 51km, prend trois quarts d’heure en voiture. Sauf que le rail permet d’apprécier pleinement le paysage, ses forêts, ses fermes isolées, ses pâturages où vaches et chevaux paissent entre les sapins. Ici, été comme hiver, lenteur rime avec bonheur.
Parti de Glovelier, le train s’arrête soudain au milieu de nulle part. Problème technique? Non, le conducteur doit seulement changer de cabine et de sens, sans quoi le plateau franc-montagnard, situé à 1000 m d’altitude, serait inaccessible. Le petit train rouge fera ensuite notamment halte à Saignelégier, puis au Noirmont – où se déroulera les 11, 12 et 13 septembre prochain la 33e édition du festival Le Chant du Gros. Du Noirmont, on peut aussi prendre la correspondance pour Tavannes (BE), où se trouve le siège social des CJ.
La plupart des arrêts se font sur demande, un plus apprécié des amateurs de ski de fond à la saison froide. Une fois parvenu à l’entrée de La Chaux-de-Fonds, le train prend des airs de tram, traversant la cité horlogère jusqu’à la gare CFF, son terminus.
Bon à savoir: Les CJ organisent depuis plusieurs années une activité insolite sur la ligne, au départ de Glovelier: une attaque façon Far West en train à vapeur. Au moment d’écrire ces lignes, il restait encore quelques places pour le samedi 30 août et le dimanche 7 septembre.
GoldenPass – A travers le Simmental et les vignes vaudoises
Avec ses wagons panoramiques, cette ligne réputée relie Montreux à Interlaken (BE) à travers des paysages de carte postale. Inauguré en juillet 1905, le tronçon Montreux-Zweisimmen fut le premier entièrement électrifié de Suisse. La ligne sera baptisée GoldenPass en 1916, une fois Interlaken atteinte. Soixante ans plus tard, elle innove en introduisant un wagon panoramique. La ligne compte trois GoldenPass distincts (lire ci-dessous), une spécificité qui ne facilite pas la réservation de son siège, vivement recommandée en période de forte affluence.
En partant d’Interlaken, la voie longe d’abord le lac de Thoune jusqu’à Spiez, puis traverse la vallée verdoyante du Simmental, ses célèbres vaches et ses chalets en bois. A Zweisimmen, l’écartement des rails change pour permettre au train de grimper jusqu’à 1269 m d’altitude, avant de redescendre vers Gstaad. Il rejoint ensuite Château-d’Œx, puis en descendant se faufile entre les parois rocheuses avant que le Léman n’apparaisse. Peu avant l’arrivée à Montreux, le train enchaîne les virages serrés à travers les vignes. Un pur moment de grâce.
Bon à savoir: Il existe trois GoldenPass. Le GoldenPass Panoramic est le plus fréquent(é). Le GoldenPass Belle Epoque s’amuse à remonter le temps deux fois par jour. Le GoldenPass Express, inauguré fin 2022, circule quatre fois par jour. Doté de bogies à écartement variable, il est le seul à pouvoir parcourir la ligne de bout en bout sans changement. Sa 1re classe spacieuse propose des sièges pivotants. La réservation est obligatoire et payante.
Rothorn de Brienz – A bord du dernier train de montagne à vapeur du pays
Plus de 130 ans après son inauguration, ce petit train à crémaillère, poussé par une locomotive semblant tout droit sortie d’un catalogue Märklin, fascine. Au départ de Brienz, l’ascension, de 7,6km, représente 1676m de dénivelé, avalés en vingt minutes par le dernier train de montagne à vapeur du pays. Huit locomotives à vapeur circulent sur cette ligne, les deux plus anciennes datant de la création de la ligne en 1891-1892. Attention, en cas de forte affluence, elles sont remplacées par des locomotives diesels, ce qui change le voyage.
Les places situées à gauche sont celles qui offrent la plus belle vue. Lors de la traversée des tunnels de Schwarzfluh et de Planalpfluh, on peut admirer le lac de Brienz en contrebas grâce aux lucarnes creusées dans la roche. A Planalp, station intermédiaire, la locomotive refait le plein d’eau, puis l’ascension reprend. A l’arrivée, on rejoint à pied le sommet du Rothorn (2348 m), offrant un panorama hallucinant à 360°. Pas moins de 693 sommets alpins sont visibles.
Près de 700 ouvriers, des Italiens surtout, ont sué sang et eau pour construire cette ligne en seize mois, inaugurée le 16 juin 1892. Sauvée in extremis du démantèlement en 1958, elle n’a jamais été électrifiée. L’an dernier, de violents orages l’ont sérieusement endommagée.
Bon à savoir: En service de juin à octobre, le train du Rothorn est très prisé. Il est donc vivement conseillé de réserver un billet avec garantie de siège. L’ascension est offerte à celles et ceux qui l’empruntent le jour de leur anniversaire.
Gornergrat – Un décor de rêve où domine le Cervin, majestueux
Situé à 3098m d’altitude, le Gornergrat, chemin de fer historique au départ de Zermatt, cumule les superlatifs. Depuis son ouverture en 1898, ce train à crémaillère, électrifié dès l’origine, est assiégé par une clientèle cosmopolite. Durant la montée, le Cervin est visible en permanence sur la droite. Au terminus, on peut observer 28 autres sommets de plus de 4000m, dont la Pointe-Dufour (4634m), et plusieurs glaciers (en péril).
Le paysage paraît irréel. Le billet offre la possibilité de faire une halte en grimpant pour ensuite remonter dans un train suivant. Ainsi, depuis l’arrêt Rotenboden, un court sentier mène au lac de Riffel, célèbre pour le reflet du Cervin à sa surface quand le vent est absent. Une fois parvenu à Gornergrat, la destination, on peut séjourner dans l’hôtel le plus haut d’Europe.
On précisera que, bien avant l’inauguration de la ligne le 20 août 1898, les touristes y montaient déjà, à pied, en quatre heures. La construction du train fut très contestée par les gens du coin, à tel point que ce fut le Conseil fédéral qui l’autorisa.
Bon à savoir: L’écrivain américain Mark Twain, auteur des «Aventures de Tom Sawyer», écrivit à propos du Gornergrat en 1878, subjugué: «Nulle part ailleurs il n’existe une telle exposition de grandeur et de beauté.» Durant les périodes de forte affluence, il est conseillé d’acquérir un billet Priority Boarding, permettant un accès prioritaire au train et donc la certitude de pouvoir s’asseoir à droite pour jouir pleinement du paysage.
GrütschalpMürren – Longer les falaises abruptes de Lauterbrunnen
Aussi court que spectaculaire, ce petit train jaune arpente une ligne de 4,3 km seulement qui longe les falaises bordant la vallée de Lauterbrunnen, paradis ou enfer des base jumpers. Pour rejoindre la gare de Grütschalp, située à 700m au-dessus de la vallée, deux options: le téléphérique au départ de Lauterbrunnen ou la marche, sportive. Depuis Mürren, un autre téléphérique descend à Stechelberg, d’où l’on rejoindra Lauterbrunnen en car postal. Pour celles et ceux qui ne viennent pas dans le coin pour défier la mort, l’intérêt réside dans ce tronçon ferroviaire unique.
Le paysage est un spectacle en soi, dominé par trois sommets mythiques et emblématiques de l’Oberland bernois: l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau. Seule une rangée de sapins les dissimule un court instant. La voie ferrée offre une vue plongeante sur la vallée en contrebas jusqu’à Wengen.
Située à 1400m d’altitude, la ligne, électrifiée dès sa construction, est en service depuis le 14 août 1891. Elle a transformé Mürren, station d’abord réputée l’été, en pôle touristique l’hiver aussi dès 1903. On ajoutera que les wagons aujourd’hui en service ont remplacé l’an dernier les précédents qui dataient des années 1960.
Bon à savoir: Pour jouir pleinement du paysage exceptionnel, il est recommandé de s’asseoir à gauche au départ de Grütschalp, mais préparez-vous à jouer des coudes. L’été en effet, par beau temps, les gens s’y bousculent. Un chemin pédestre longe la voie ferrée de bout en bout. Temps de parcours: une heure et demie.
Centovalli Express – Serpenter entre les collines de Locarno à Domodossola
L’un des trains les plus célèbres du pays, reliant Locarno (TI) à Domodossola, en Italie. Le Centovalli serpente entre les vallées, souvent à flanc de coteau, dévoilant villages et paysages préservés. Un trajet de 52km au total, presque hors du temps. A Locarno, depuis fin 1990, il démarre en mode souterrain, revenant en surface à Ponte Brolla, où les rivières Maggia et Melezza se rejoignent. La voie ferrée suit le cours de la Melezza sur la droite de la vallée du même nom, longeant vignobles et villages sur sa gauche.
Peu avant Intragna, village dominé par le plus haut clocher du Tessin, un pont ferroviaire et, au second plan, un village perché sur une colline captent l’attention. Le train s’enfonce ensuite dans la vallée qui se resserre, entre forêts épaisses et chutes d’eau. Avant d’atteindre la commune frontalière de Camedo, le Centovalli emprunte l’impressionnant viaduc en acier de Ruinacci, perché à 55m au-dessus du sol.
L’entrée en Italie est plus accidentée en termes de paysage, marquée par la longue ascension vers Santa Maria Maggiore (831m), point culminant de la ligne, puis il descend vers Domodossola. Sa construction a constitué un défi colossal. Imaginez: 83 viaducs et 31 tunnels! Une folie. La ligne complète, jusqu’au cœur de Locarno, a été ouverte en 1927.
Bon à savoir: Pour profiter du paysage enchanteur, le mieux est de s’asseoir à gauche en Suisse et à droite en Italie. Même si la moitié de la ligne se trouve en Italie, les abonnements suisses sont valables pour le trajet entier.
Monte Generoso – Le train à crémaillère du géant orange
Une fois n’est pas coutume, embarquons à Capolago-Riva San Vitale à bord d’anciens mais valeureux wagons prêts à gravir l’une des montagnes les plus élevées du Tessin. Les fenêtres s’ouvrent: un vrai plus pour profiter de l’air frais et faire crépiter l’appareil photo. Le début de la montée offre une vue à droite sur la plaine et ses champs de panneaux solaires. Le train continue son ascension. Le regard porte vers l’Italie. A Bellavista, on aperçoit le lac de Lugano à gauche, en bas.
Ce train à crémaillère est le plus méridional de Suisse. Inaugurée le 4 juillet 1890, la ligne fera plusieurs fois faillite avant qu’un mécène, en l’occurrence le fondateur de la Migros, Gottlieb Duttweiler, ne la rachète en 1941. Electrifiée en 1982, elle appartient toujours aujourd’hui au géant orange. Une locomotive à vapeur – la plus ancienne du pays – est parfois sortie de son hangar pour des courses spéciales.
Peu avant le terminus, une curiosité architecturale capte le regard: un bâtiment insolite baptisé Fiore di pietra (Fleur de pierre) conçu par l’architecte Mario Botta, le régional de l’étape. Au sommet, le panorama alpin à 360° est impressionnant.
Bon à savoir: Depuis Lugano, il est possible de rejoindre Capolago en bateau, mais seul le premier bateau du jour assure la correspondance avec le train à crémaillère. Le trajet aller-retour est gratuit le jour de votre anniversaire. Au sommet du Monte Generoso, on se retrouve littéralement à cheval entre la Suisse et l’Italie, comme l’indiquent des bornes en pierre.
Jungfraujoch – Voir défiler les cascades qui ont inspiré Tolkien
Rejoindre la plus haute gare ferroviaire d’Europe, perchée à 3454m d’altitude, représente une expérience inoubliable. De quoi révéler l’instagrameur qui sommeille en vous.
Au départ d’Interlaken Ost, trois tronçons successifs, exploités par les Chemins de fer de la Jungfrau, mettront deux heures et des poussières pour rejoindre le col de la Jungfrau, transperçant l’Eiger puis surplombant le glacier d’Aletsch avant de gagner le sommet via la Kleine Scheidegg. Deux itinéraires sont possibles, la voie ferrée formant une boucle. A vous de voir si vous choisissez de privilégier Grindelwald en montant à l’arrière du train du BOB (Chemin de fer de l’Oberland bernois) ou alors Lauterbrunnen et vous vous installez à l’avant. Si c’est votre première fois, osez la vallée de Lauterbrunnen et les 72 cascades – une pure merveille – qui la bordent.
Depuis Lauterbrunnen, le chemin de fer à crémaillère le plus long du monde grimpe vers la Kleine Scheidegg (2061m) via Wengen. Une fois sur place, il faut changer de train, que ce soit pour poursuivre jusqu’au Jungfraujoch ou descendre vers Grindelwald. On grimpe! L’ascension s’effectue en 26 minutes, la plupart du temps dans un tunnel – une merveille d’ingénierie suisse.
Bon à savoir: La vallée de Lauterbrunnen a inspiré à Tolkien, auteur du «Seigneur des anneaux», pour le royaume de Fondcombe, cher aux elfes. Il a fallu seize ans de travail acharné pour construire le chemin de fer de la Jungfrau et son tunnel de 7,3 km, inauguré le 1er août 1912. Trente ouvriers y ont perdu la vie.
Ligne de l’Engadine – Epouser le relief doux des Grisons en pente douce
Moins connue que d’autres itinéraires des Chemins de fer rhétiques, à l’image du Bernina Express, cette ligne au départ de Pontresina (GR) suit d’abord le cours de la rivière Flaz avant de remonter doucement vers l’une des plus jolies vallées de haute altitude de Suisse, où coule l’Inn qui aboutit dans le Danube.
On chemine entre Haute et Basse-Engadine, où le paysage est enchanteur en toute saison. Une liaison directe est assurée entre Pontresina et Scuol-Tarasp, séparées de 57 km, mais on peut aussi partir de Saint-Moritz et changer de train à Samedan. Ici, la nature est reine et l’air revigorant. Epousant le relief doux de deux vallées, la voie ferrée est d’abord bordée de collines dont le profil va en s’accidentant, surtout après le village de Bever, où la ligne de l’Albula bifurque vers Coire.
Omniprésents, les sapins sont rois. Près de Zernez, sur la gauche, l’imposant Piz Linard focalise l’attention. Avant et après le long tunnel de Tasna, l’œil se fixe sur le magnifique château de Tarasp, juché sur son rocher, et bientôt c’est l’arrivée à Scuol. On peut souligner que la construction de cette ligne ferroviaire, électrifiée dès l’origine en 1913, a nécessité quelque 2500 ouvriers, venus d’Italie principalement. 25 de ces forçats anonymes y ont laissé la vie.
Bon à savoir: Punt Muragl, premier arrêt au départ de Pontresina, mérite le détour. On y emprunte le spectaculaire funiculaire du Muottas Muragl grimpant à 2456 m, d’où le panorama sur la Haute-Engadine est tout simplement fantastique.