Tancé par un audit très sévère sur sa manière de gérer son Département de la formation, de la culture et des sports (DFCS), Martial Courtet désirait s’extraire «des débats de cour d’école» à l’occasion d’un entretien exclusif durant lequel il ferait face à tous les reproches, en vue du second tour des élections au Gouvernement jurassien, ce 9 novembre. C’est du moins ce que promettait à Blick Matthieu Wildhaber, conseiller du ministre sortant et chroniqueur à «La Matinale» de la RTS. Mais, peu après sa danse du ventre, l’homme a rétropédalé la veille de l’entretien pourtant dûment agendé: «Avec l’évolution de cette dernière ligne droite [...], il y a trop de tension, selon [Martial Courtet]. Cela ne ferait qu’accentuer la polémique.»
Comment expliquer cette soudaine annulation? Par les quelques questions confrontantes que nous avions consenti à adresser en amont à l’élu? Ou est-ce la récente agitation suscitée par la participation controversée d’un invité de marque pour le moins inattendu à son ultime rassemblement électoral qui lui a fait reconsidérer ses plans? Quoi qu’il en soit, cette rétractation aussi peu courageuse que calculée démontre que l’enseignant de formation a décidé de ne plus rien laisser au hasard.
Arrivé en troisième position au premier tour, celui qui joue désormais la carte du candidat antisystème pourrait bien «faire une Maudet» en étant réélu malgré le désaveu de ses pairs. Et, surtout, d’importantes limites documentées par un auditeur qui, après avoir pointé son management autoritaire et le climat de peur que son comportement problématique engendrait au sein de l’administration, lui recommandait carrément de réorienter sa carrière professionnelle.
Au-delà de cette comparaison entre les deux bêtes politiques romandes qui vaut ce qu’elle vaut, Pierre Maudet est justement l’intervenant surprise à l’affiche du dernier rendez-vous de la campagne de Martial Courtet. Le célèbre conseiller d’Etat genevois – dont l’intervention ne doit pas être interprétée comme un soutien, nous souffle-t-on – viendra parler de la notion de collégialité. Rappelons à toutes fins utiles, comme l’ont fait nos confrères de «Forum», que le politicien du bout du Léman a été en totale rupture avec ses collègues, chargé par un audit sur son management problématique, condamné pénalement pour acceptation d’un avantage, banni par le Parti libéral-radical (PLR), puis réélu en fondant son propre mouvement, Libertés et justice sociale (LJS).
Un antisystème de salon
Verra-t-on un scénario similaire se produire en territoire jurassien? Avec les tendances se dégageant des urnes, difficile de ne pas ressentir le souffle d’un vent contestataire, contre le système et les médias. Une thèse que vient également accréditer l’excellent résultat de l’Union démocratique du centre (UDC), souligne «24 heures» dans une analyse. Le candidat, Fred-Henri Schnegg, qui n’est autre que le frère du conseiller d’Etat bernois Pierre Alain Schnegg, termine provisoirement à la sixième place. A quelques centaines de voix seulement d’un fauteuil gouvernemental qui serait une première historique pour la formation conservatrice dans le plus jeune des cantons suisses.
Il est néanmoins légitime de s’interroger: Martial Courtet, un protestataire? De circonstance, peut-être. Mais certainement pas d’ADN. D’extraction modeste, ce passionné de bières artisanales, fils d’un père électricien et d’une mère aide-concierge, a gravi méthodiquement un à un les échelons jusqu’à devenir l’un des grands espoirs du Parti démocrate-chrétien (le PDC, renommé Le Centre). Catholique affirmé et père divorcé de quatre enfants, il peut s’appuyer sur un joli CV dans sa quête pour conserver le pouvoir: master en sciences de l’environnement, projets humanitaires au Cameroun et au Pérou, gestion d’un café ou encore présidence du club de basket de Boncourt. Un parcours riche, varié et institutionnel teinté depuis peu du vernis craquelé de l’anti-establishment. Une stratégie qui n’aurait eu aucune chance encore récemment mais qui, de nos jours, peut porter ses fruits. Pas besoin d’aller jusque de l’autre côté de l’Atlantique, dans les terres du chantre des taxes douanières à la chevelure jaunâtre, pour s’en convaincre.
Il appartient désormais aux citoyennes et aux citoyens jurassiens de se prononcer en leur âme et conscience. Les questions que nous voulions poser au ministre restent, pour leur part, en suspens. En voici deux, que le quasi-quinquagénaire avait pu découvrir avant de se défiler: a-t-il le sentiment d’être un bourreau, comme certains ont pu le dire? Travaille-t-il toujours au service de la collectivité ou uniquement pour le compte de son ego? Aujourd’hui silencieux, soulignons qu’après avoir reconnu des erreurs, il s’était engagé dans la presse à travailler sur ses sérieuses lacunes, posant ainsi la base d’une nécessaire remise en question. Alléluia!
Cet article a été publié initialement dans le n°45 de «L'illustré», paru en kiosque le 6 novembre 2025.
Cet article a été publié initialement dans le n°45 de «L'illustré», paru en kiosque le 6 novembre 2025.