«Un cadeau à l'industrie pétrochimique».
Un texte en plastique contre la pollution? Les ambitions fondent à Genève

Le président des négociations pour un accord international contre la pollution plastique a présenté ce mercredi à Genève un projet de texte beaucoup moins ambitieux que prévu. A la carte, aucun objectif de réduction de la production.
Publié: 17:21 heures
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Dernière mise à jour: 19:40 heures
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Luis Vayas Valdivieso a dévoilé une nouvelle version du texte, nettement moins ambitieuse.
Photo: keystone-sda.ch
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ATS Agence télégraphique suisse

Les Etats ont entamé dans la douleur la dernière ligne droite des négociations à Genève pour un accord international contre la pollution plastique. Le président des négociations a dévoilé mercredi après-midi un nouveau projet de texte moins ambitieux, provoquant la colère de nombreux pays.

«Nous sommes à un point critique» dans les discussions, a affirmé Luis Vayas Valdivieso devant les représentants des plus de 170 Etats qui négocient. «Nous n'avons pas avancé à la vitesse requise», a-t-il déploré, alors que les pourparlers doivent se terminer jeudi au terme de plus d'une semaine de négociations.

En cause notamment, les pays pétroliers, dont l'Arabie saoudite, l'Iran ou la Russie, auxquels se sont encore joints désormais les Etats-Unis, bloquent toujours toute avancée sur la question de la réduction de la production. En conséquence, face «à la volonté» de tous les pays de repartir avec un accord de Genève, le président a décidé de lancer un nouveau projet de texte qui ne prévoit plus que les Etats fixent à terme un objectif mondial sur cette question.

Or, les pays ambitieux, dont la Suisse, font d'un effort sur «tout le cycle» du plastique une condition pour atteindre un arrangement efficace. L'approche du président a provoqué une réaction virulente de la Colombie qui a dénoncé un texte «déséquilibré» et, sous les applaudissements, a rejeté ces propositions pour poursuivre les discussions.

D'autres Etats ont partagé cette opinion, alors que les pays pétroliers ont eux ciblé leur attitude en plénière. Cette situation a provoqué des heures de discussion sur le format pour la suite négociations.

Rösti arrivé à Genève

«Le texte proposé n'est pas acceptable et n'honore pas le minimum requis» face aux défis, a déploré le ministre danois Magnus Heunicke, dont le pays préside l'UE et qui négocie pour les Vingt-Sept avec la commissaire européenne à l'environnement Jessika Roswall. La Suisse a aussi considéré en plénière qu'il «restait déséquilibré». A son arrivée mercredi soir, le conseiller fédéral Albert Rösti a dit à Keystone-ATS qu'il «espère jusqu'à la fin» un accord mais il attend un nouveau projet de texte de la part du président. «C'est difficile», a-t-il admis.

Sans le scénario d'un vote plutôt que d'un consensus, un traité ne sera pas «opérationnel», a estimé de son côté la ministre française Agnès Pannier-Runacher.

Parmi les autres changements dans le texte, les propositions, notamment de la Suisse, pour établir une liste de produits chimiques dangereux et d'additifs à interdire, ne sont plus vraiment reflétées. Une responsable de Greenpeace Suisse, Joëlle Hérin, a ciblé «un cadeau à l'industrie pétrochimique». qui ignore «la cause» des problèmes, «l'expansion incessante de la production de plastique».

De nombreux acteurs ont déploré l'absence d'un article sur les effets pour la santé. Un représentant de la société civile avait averti auparavant qu'il fallait s'attendre à des contenus «plus resserrés».

Nombreuses divergences en multiplication

Dès mardi soir, une source diplomatique, tout en restant «combattive», déplorait que «rien n'avance» au bout d'une semaine de pourparlers. Même l'arrivée de dizaines de ministres et de hauts responsables pour tenter de donner une approche plus politique n'y fait rien jusqu'à présent. Ils ont été rejoints mercredi soir par le conseiller fédéral Albert Rösti qui restera également jeudi.

Officiellement, les ministres ont discuté informellement de questions comme les possibilités d'investissements dans l'économie circulaire dans un futur accord. En coulisses, les bilatérales se multiplient.

De plus en plus de représentants d'ONG peinent à cacher leur inquiétude. Par rapport au projet de texte au début de cette nouvelle série de négociations, le nombre de divergences avait été multiplié par quatre, s'approchant de 1500, avant la nouvelle approche de M. Valdivieso.

En près de 25 ans, la consommation de plastique a plus que doublé et s'établissait, selon les estimations pour 2024, à 500 millions de tonnes, dont près de 400 millions finissent en déchets. Si la situation n'est pas stabilisée, elle sera multipliée encore par trois d'ici 2060, au-delà de 1,2 milliard de tonnes. Tout comme les déchets, à plus d'un milliard de tonnes.

Selon Greenpeace, la Suisse arrive en deuxième position dans le classement des pays avec la proportion de population à risque la plus élevée. Plus de 10% des habitants, soit 973'000 personnes, se trouvent à moins de 10 km d'un site de production lié au plastique. Et des experts estiment les coûts annuels de santé liés à la pollution plastique dans le monde à au moins 1500 milliards de dollars.

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