C'est une véritable première dans le dossier de Gaza: des représentants de tous les partis à Berne seront co-signataires d'une motion, initiée par une représentante du Centre, Isabelle Chappuis, et déposée ce 24 septembre au Conseil national, pour exiger le respect du droit humanitaire et l'entrée de l'aide à Gaza avec rapidité et sans entrave.
Outre Isabelle Chappuis (Centre/VD), les représentants de la droite comptent Céline Amaudruz (UDC/GE), Beat Flach (Vert'Libéraux AG), Hans Peter Portman (PLR/Zurich), ainsi que Nick Gugger (Parti évangelique EVP/ZH). A gauche, les co-signataires comptent Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) et Sibel Arslan (Vert-e-s/BS).
«Si j’ai souhaité rédiger et déposer cette motion – et si j’ai pris soin d’aller chercher des collègues de tous les partis pour la soutenir (et de peser chaque mot) – c’est parce que nous ne pouvons plus détourner le regard, nous confie Isabelle Chappuis. Trois raisons essentielles justifient cette motion, ajoute la conseillère nationale: l’humanité, la sécurité, et la neutralité.»
La motion s'intitule «Respect du droit international humanitaire (à Gaza)». Elle rappelle à la Suisse ses obligations humanitaires et constate que «depuis le 2 mars, l'aide humanitaire vers Gaza est suspendue, privant la population de nourriture, d'eau, de carburant et de médicaments», provoquant «malnutrition aiguë et décès». Et que depuis le 22 août, l'ONU a déclaré la bande de Gaza en situation de famine, touchant un demi-million de civils dont des enfants, tandis que plus de 1 million de civils sont déclarés en situation d'urgence, au moment l'organisation signalait que 6000 camions de vivres étaient bloqués à l’extérieur.
Accès rapide et sans entrave
La motion demande que le Conseil fédéral, en application des 4 Conventions de Genève, fasse «respecter le droit international humanitaire et, fort de sa neutralité et de ses bons offices, dépose une résolution urgente auprès de l'Assemblée générale des Nations Unies – ou s'engage activement si une autre partie déposait une résolution similaire, en vue d'ouvrir un accès humanitaire rapide et sans entrave à la bande de Gaza, ainsi que le plein accès à toutes les personnes détenues, y compris les otages».
Le 18 mars, «l’intensification des opérations militaires a aggravé la situation, poursuit la motion: destruction d’infrastructures civiles et déplacements massifs, confinant la population dans des espaces toujours plus réduits». La motion multipartite conclut que «l’ampleur des souffrances, résultant des violations du droit international humanitaire par l’ensemble des parties, ne peut plus être tolérée» et que la Suisse «doit faire respecter le droit en toutes circonstances».
Images insoutenables
«Depuis le 7 octobre 2023, nous sommes abreuvés d’images absolument insoutenables, confie Isabelle Chappuis. Je suis mère de trois enfants et je ne peux plus voir des enfants littéralement mourir de faim, je ne peux plus imaginer des otages encore détenus et utilisés comme boucliers humains, tout ça sachant que des convois humanitaires sont là, mais bloqués à la frontière.»
En outre, ajoute l'élue du Centre, «il y a un enjeu de sécurité que nous ne pouvons ignorer. Nous assistons à un glissement dangereux: ce qui était inacceptable devient progressivement normal. Quand la famine, la torture ou la détention arbitraire se banalisent, quand la barbarie devient la routine, la barrière contre l'inhumanité s'effondre – et ça c'est dangereux.»
Neutralité active à jouer
Si certains droits ne sont plus perçus comme universels, «cela nourrit la polarisation, l'extrémisme et donc l'instabilité, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur de nos frontières. Défendre le droit humanitaire à Gaza, c'est défendre notre propre sécurité».
Enfin, Isabelle Chappuis évoque l'idée de la neutralité active. «La neutralité suisse ne signifie pas immobilisme. Elle signifie agir selon le droit, pas selon la force. Notre motion est neutre car elle ne vise pas un camp mais exige que toutes les parties respectent le droit. Elle demande à la fois l'aide humanitaire pour les civils palestiniens et l'accès aux otages israéliens.»
«Pour la Suisse, rester discrète pourrait être perçu comme une complicité par omission, craint la politicienne vaudoise Cette motion envoie un signal clair: la Suisse n'accepte pas que le droit soit violé. Nous espérons qu'elle contribuera à créer un effet d'entraînement diplomatique, en renforçant d'autres initiatives au niveau international.»