Ce mercredi, nous arrivons à Sainte-Croix, village d'origine de Jean-Pierre*, Vaudois de 75 ans, figure de la politique locale. Le corps de l'homme a été retrouvé mutilé par un pêcheur, le 2 novembre à Fédry, petit village de Haute-Saône (F).
Il a été enlevé, torturé puis assassiné. La suspecte numéro un est son ex-locataire, une Française de 39 ans. Elle a été arrêtée à la douane de l'Auberson le 2 novembre et est actuellement en détention provisoire dans le canton de Vaud. Présumée innocente, elle tentait de fuir vers la Côte d'Ivoire, son pays d'origine.
Deux incendies hautement suspects
A Saint-Croix, la police a barricadé l'accès au lieu de résidence du défunt et de son ex-locataire depuis 10h25, afin de poursuivre l'enquête. Des médias locaux, mais également français, sont présents en nombre et font le pied de grue sur place, avec appareils photos et caméras TV.
L'ex-locataire, qui louait un des dix appartements du lotissement, est donc soupçonnée du meurtre de son propriétaire. Ce dernier était porté disparu depuis 31 octobre, avant que son corps ne soit découvert. Le Ministère public ne le confirme pas pour l'instant, mais selon des sources au village, le meurtre se serait déroulé dans l'appartement de la suspecte et aurait été précédé de torture. La Française est soupçonnée d'avoir mis le feu, autour du 23 octobre, à une maison dont la victime était propriétaire, avant d'incendier, le 2 novembre, son propre logement.
Effacer toutes les traces
Sur place, un voisin qui habite en contrebas du lotissement, et qui n'est pas derrière le barrage de police, nous reçoit ce mercredi au seuil de sa porte et se confie. «Initialement, quand la maison de la victime a brûlé fin octobre, j'ai pensé que c'était un accident, ou la météo. Mais quand, ensuite, l'appartement de la locataire a brûlé, il semblait que le ou les auteurs du crime aient voulu effacer toutes les preuves du meurtre. On y avait trouvé des traces d'eau de Javel auparavant, signe d'une volonté de nettoyer en profondeur, mais on dirait que l'option a été de tout brûler sur la scène de crime afin qu'aucune trace ne reste.»
L'auteure présumée du crime aurait procédé ainsi avant de prendre la fuite. Un scénario qui n'implique pas forcément qu'elle ait agi seule. Un proche de Jean-Pierre, ancien policier, estime également que la femme a été aidée.
Connu, mais pas forcément apprécié
Ce témoin nous indique avoir déjà parlé à la police de sûreté de Sainte-Croix. Concernant le défunt, il nous confie que cette personnalité, «un chic copain», était active en politique, «connue, mais pas forcément appréciée.» Mais il note surtout la cruauté inimaginable de l'acte dont est suspectée l'ex-locataire: «Elle aurait tiré un coup de feu, on aurait pu supporter, mais de savoir qu'il y a eu une telle barbarie, c'est incompréhensible.»
Le cadavre du Vaudois a en effet été retrouvé dans un état méconnaissable. Sectionné à plusieurs endroits, sur la taille, et dans le cou, brûlé sur une partie du dos, il aurait été blessé 28 fois.
Litige propriétaire-locataire
Son ami, le policier à la retraite, a confié à Blick mercredi matin que le propriétaire était fâché avec sa locataire. Il la considérait «folle» et l'avait mise dehors.
Actuellement, la suspecte nierait toute implication dans la mort du septuagénaire. Mais un couteau à la pointe cassée, dont le morceau manquant semble correspondre parfaitement à l’objet métallique découvert dans la colonne vertébrale de la victime, a été trouvé dans sa voiture. La police y a également trouvé de la chaux, la substance qui paraissait recouvrir le corps mutilé lorsqu'il a été découvert. D'après l'enquête, d'importantes lésions sur le corps de la victime ont été causées après sa mort, «notamment la section du tronc», selon l'autopsie. Le défunt aurait ensuite été transporté en voiture en France où il a été abandonné au bord de la Saône.
L’instruction française démontre aussi que la présumée coupable s’est rendue, quelque jours auparavant, dans une armurerie. Elle y a acheté un fusil à pompe «de type gomme-cogne», une arme tirant des projectiles de caoutchouc.
Du jamais vu depuis 1800
Le maire de Fédry, que Blick a interrogé sur les détails de la découverte du corps, et que avons contacté pour cet article, évoque la «consternation et l'incompréhension» qui règnent dans son village: «Jamais auparavant, de mémoire des anciens, ce village n'avait été témoin d'un tel crime. La dernière scène, me dit-on, remonte aux années 1800», ajoute l'édile, également ancien militaire.
Pour le conseiller national UDC Yvan Pahud, natif et syndic de Sainte-Croix, c'est la même consternation. «Pour une petite communauté comme la nôtre, qui est gros village où tout le monde se connaît, la population est en état de choc, surtout quand on connaît les personnes – le défunt était une personnalité. On pense pouvoir lire cela dans les pires polars, mais jamais on ne peut s’imaginer qu’un crime pareil peut se dérouler près de chez soi. Toute notre sympathie va à la famille, nous sommes à disposition de ses proches s’ils ont besoin de quoi que ce soit.»