Il ne doit jamais être simple de négocier avec Donald Trump, mais cette semaine, la tâche sera particulièrement exigeante. Le ministre de l'Economie Guy Parmelin doit aujourd'hui porter sur ses épaules les négociations douanières avec Washington. Après que sa collègue du Conseil fédéral Karin Keller-Sutter se soit heurtée au président américain la semaine dernière, c'est au Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) de trouver rapidement un arrangement avec l'instable Donald Trump.
Mais comment y parvenir? Pour l'heure, rien ne laisse penser qu'une solution sera trouvée d'ici au 7 août. Même si le Conseil fédéral a fait savoir ce lundi qu'il souhaitait poursuivre les négociations «même après le 7 août si nécessaire». Car la menace de droits de douane de 39% sur les exportations vers les Etats-Unis pèserait lourdement sur l'économie suisse. C'est aussi pour cette raison que le gouvernement annonce vouloir «soumettre une offre encore plus attractive» aux Américains. C'est maintenant à Guy Parmelin de la présenter.
Keller-Sutter et Parmelin: deux élus que tout oppose
Alors que Keller-Sutter a fait preuve d'optimisme ces dernières semaines, le viticulteur vaudois a adopté un autre ton: «Pour soulager le cas échéant les entreprises, il faut envisager l'introduction du chômage partiel, comme pendant la pandémie», a déclaré Guy Parmelin ce week-end. Il signale ainsi la menace aiguë que représente la décision des douanes.
Par ailleurs, beaucoup de choses différencient ces deux personnalités politiques. Keller-Sutter est considérée comme une politicienne de pouvoir rusée qui, en tant que traductrice, peut parfaitement tenir des conférences dans les langues les plus diverses. Lui, est considéré par beaucoup comme un simple viticulteur qui a fait ses classes au Parlement à la dure.
Lorsqu'il a été élu nouveau conseiller fédéral de l'Union démocratique du centre (UDC) le 9 décembre 2015, certains Suisses alémaniques ont dû apprendre son nom. Sous la coupole fédérale, Guy Parmelin ne s'était jusqu'ici pas particulièrement fait remarquer. Il avait tout au mieux la réputation d'être aimable et facile à vivre.
Un travailleur silencieux, discret mais aussi un peu maladroit, surtout dans le maniement des langues étrangères. Sa déclaration «I can English understand», faite alors qu'il était candidat au Conseil fédéral, lui a même valu l'attention du «New York Times». Aujourd'hui, l'économie espère à nouveau des gros titres en provenance des Etats-Unis, mais cette fois-ci d'une nature plus réjouissante.
A l'UDC, on est optimiste quant à la capacité de Parmelin à redresser la barre dans le litige douanier: «Il doit maintenant réparer les pots cassés, et il peut le faire», déclare Roland Rino Büchel, conseiller national UDC et ancien président de la Commission de politique extérieure. Le conseiller fédéral UDC possède pour cela les qualités que l'on attribuait volontiers aux Suisses compétents dans les récents discours du 1er août: modeste, terre à terre et pragmatique.
De viticulteur à homme d'Etat
Guy Parmelin n'a jamais été considéré comme un grand innovateur dans ses départements. Son dédain pour les grandes mises en scène politiques s'est avérée être un trait de caractère bienfaisant et le distingue nettement de Trump, que la Suisse doit cependant impressionner d'une manière ou d'une autre désormais.
Mais c'est peut-être au sein de son premier métier qu'il pourra tirer son épingle du jeu. En effet, Donald Trump tient l'agriculture en haute estime. Reste à savoir si la vision qu'il en a le rapproche ou le sépare de la Suisse. En tant que négociateur, Guy Parmelin a pu signer plusieurs accords de libre-échange au cours des dernières années, dont un avec la Malaisie en juillet. Peu après, il a conclu un accord avec les pays sud-américains du Mercosur, l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay, le Paraguay et la Bolivie. Une décision accueillie par les applaudissements des milieux économiques.
Ces dernières années, aucun autre conseiller fédéral UDC ne s'est autant transformé en homme d'Etat que lui. Cela a été particulièrement frappant pendant la pandémie de Covid-19, surtout si on le compare avec la position de son collègue ultra-conservateur Ueli Maurer. La Suisse subissait la deuxième vague de plein fouet lorsque Parmelin a pris la présidence de la Confédération en janvier 2021. Tandis qu'Ueli Maurer pestait contre toute forme de mesure sanitaire, Guy Parmelin se plaçait en protecteur du ministre de la Santé de l'époque, Alain Berset.
Tous les regards se tournent vers lui
On se souviendra aussi de la fois où Parmelin a reçu à Genève, en juin 2021, le président américain de l'époque Joe Biden et le président russe Vladimir Poutine. Le viticulteur s'était soudain exprimé, à la surprise générale, d'égal à égal avec les deux hommes politiques les plus puissants du monde. Entre-temps, il avait pris des leçons d'anglais et appris en particulier le vocabulaire économique.
On espère désormais qu'il trouvera les mots justes pour faire changer Donald Trump d'avis. Si cela ne devait pas être le cas, le Seco se montre ouvert, comme lors de la pandémie, à accorder des aides aux entreprises concernées et la possibilité d'un chômage partiel. Encore une fois, le viticulteur avancerait à contre-courant de son parti.