Mon clash avec Laurie Willommet
Verts plus sexys que le PS? Elle m'explique pourquoi je fais fausse route

Après nos révélations concernant le départ de l'ex-président du Parti socialiste de Vevey (VD) pour les Verts, la municipale Laurie Willommet a vu rouge. Interview franche, avec en toile de fond le déclin du parti à la rose et la progression de son allié écologiste.
Publié: 19.04.2022 à 17:24 heures
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Dernière mise à jour: 19.04.2022 à 18:28 heures
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Laurie Willommet, municipale socialiste de la ville de Vevey (VD).
Photo: DR
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Antoine HürlimannResponsable de l'actualité de L'illustré

DING! Une fenêtre Messenger apparaît sur l’écran de mon ordinateur. Le message est corsé: «Si mon ton peut paraître agressif, c’est bien parce que je suis une fois de plus déçue par le journalisme qui cherche à faire les gros titres plutôt que de s’approcher de la réalité.»

Bam! Bam! Bam! Laurie Willommet, municipale socialiste veveysanne (exécutif), n’a pas aimé l’article que j’ai écrit sur la démission de son ex-président Cédric Cramatte, et elle me le fait savoir. Moins d’une année après son entrée en fonction, celui-ci a annoncé qu’il partait voir si l’herbe était plus verte chez les écologistes. Ce n’est pas anecdotique, même au sein d’une petite section. Élection après élection, la tendance se dessine: le Parti socialiste pique du nez tandis que les Verts grimpent en grignotant les sièges de leurs alliés. Une réalité cannibale qui explique certains transfuges?

Contrairement à certaines gorges chaudes de droite et du parti à la rose, l’étoile montante qui doit faire oublier l’affaire Girardin goûte peu à cette théorie. Et pointe du doigt «des erreurs» dans mon sujet. J’en reconnais une, que j’ai depuis corrigée: j’avais assuré que le départ de Cédric Cramatte pour les Verts avait été annoncé lors d’une assemblée générale extraordinaire. En réalité, il s’agissait d’une assemblée générale ordinaire. Mea maxima culpa. Pour le reste, un peu de dialectique a été nécessaire. Interview cash.

Laurie Willommet, comment pouvez-vous sincèrement estimer que le départ de Cédric Cramatte pour les Verts est un non-sujet?
Pour deux raisons. Premièrement, ce départ n’était pas la thématique principale de notre assemblée générale. Nous devions acter la fusion des sections socialistes de Vevey et de Corsier-sur-Vevey, pour joindre nos forces. Une nouvelle dynamique incarnée par un nouveau président, Cédric Bussy, et son équipe. Ensuite, Cédric Cramatte a fait les choses de façon transparente. Après une année de présidence, c’est malheureux qu’il ne se retrouve plus au sein du Parti socialiste. Nous ne pouvons que le déplorer, d’autant plus que le Parti socialiste est le premier parti à avoir défendu l’environnement. Avant même que les Verts soient créés. Mais c’est son choix personnel et nous le respectons.

Donc, pour vous, un président socialiste qui ne fait même pas une année avant de démissionner et de rejoindre les Verts, c’est quelque chose de tout à fait normal?
Normal n’est pas le terme adéquat. Mais Cédric Cramatte était membre du parti depuis 2006 et s’était notamment beaucoup investi à Lausanne par le passé. Il faut comprendre que cette décision ne va pas bouleverser la section veveysanne. Nous sommes dans une phase de reconstruction. Nous travaillons dur et nous y arriverons. Et puis, nous sommes dans une petite section qui comprend 50 membres. Ce n’est pas comme si c’était le président du Parti socialiste lausannois qui était parti chez les Verts. Les conséquences et le symbole ne sont pas les mêmes. C’est donc, une fois encore, un non-sujet.

Attendez. Si on prend un peu de hauteur, le PS dégringole et les Verts progressent en grignotant ses sièges. C’est purement factuel. Hors discours et communication politique, cela doit vous inquiéter, non?
J’ai l’impression que les choses se stabilisent gentiment. Il n’y a pas plus d’inquiétude que cela. Au Parti socialiste, nous avons une colonne vertébrale, un historique. Nous savons où sont nos valeurs. Nous savons vers quoi nous allons. Et nous sommes convaincus que la population connaît aussi les convictions qui nous animeront toujours. Nous n’allons pas nous écrouler, même si nous sommes — la presse le dit assez — dans une phase où nous sommes plutôt en train de perdre des sièges au niveau national et cantonal.

Pour arrêter cette hémorragie, le Parti socialiste doit se remettre en question et changer de ligne?
Nous ne devons pas changer de ligne, elle est claire. Mais nous devons certainement mieux communiquer. L’analyse des résultats des dernières élections cantonales nous permettra sûrement de nous remettre en question, de voir comment mieux communiquer. Sur ce que fait le Parti socialiste depuis toujours mais aussi sur ce qu’il prévoit de faire.

Donc les mauvais résultats s’expliquent uniquement par la communication? Ce n’est pas parce que le parti a priorisé des thématiques sociétales — comme la défense des minorités de genre, religieuses, etc. — au détriment de certaines thématiques sociales, qui concernent directement plus de monde?
Il ne me semble pas que nous mettions plus en avant les causes sociétales. Nous continuons de nous battre contre les inégalités sociales et pour l’égalité des chances. Pour tous, sans privilège. C’est une boussole qui reste. Mais nous avons peut-être davantage communiqué ces derniers temps au sujet des causes sociétales, sans pour autant moins nous engager pour les causes sociales. Parce que ce sont des combats importants, essentiels. Parce qu’il y a toujours des discriminations qui sont intolérables. Le Parti socialiste est le parti du féminisme, le premier parti qui se bat pour l’égalité des genres. Mais c’est aussi la formation qui s’est battue pour qu’il y ait des aides pendant la crise Covid. Nous sommes sur tous les fronts.

Revenons-en à la situation de la section veveysanne. Vous incarnez la relève. Après une année de coprésidence, alors que vous n’aviez qu’une petite expérience politique derrière vous, vous avez été brillamment élue à la Municipalité en mars 2021. Ne voulez-vous pas aller trop vite? Faire cicatriser l’affaire Girardin prendra du temps…
Non, je ne pense pas. Nous prenons le temps qu’il faut pour faire les choses et j’estime que nous les faisons bien. À Vevey, nous sommes le seul parti qui a progressé — +6% — entre les élections communales et cantonales. Effectivement, nous n’avons pas obtenu de siège au Grand Conseil et nous aurions pu espérer que je fasse un meilleur résultat. Mais, cette fois, nous n’avons pas eu de vote sanction: trois candidates et candidats font un très bon score. Notre dynamisme est positif. Et notre campagne a été une réussite, même la droite nous a félicités. Mais nous n’avons pas d’objectif chiffré, nous avons des objectifs globaux: améliorer le recrutement, le soutien aux membres, la stabilité du parti et retrouver le contact avec la population.

Comparer les élections cantonales et communales, c’est un peu comparer des pommes et des poires. Quand la population envoie des représentants au parlement cantonal, cela ne traduit pas la même confiance qu’au niveau local. Non?
Mon élection montre quand même que la population voulait un renouvellement au sein du Parti socialiste et qu’elle lui fait toujours confiance. Sinon, je n’aurais pas obtenu le même score. Évidemment, comme vous le dites, les élections cantonales et communales, ce n’est pas la même chose. Mais notre progression montre que le vote sanction est derrière nous. C’est grâce au travail de notre groupe, à ses personnalités très investies dans le tissu culturel et local.

Il va maintenant, plus que jamais, vous falloir de la stabilité. Pourriez-vous, comme Cédric Cramatte, claquer la porte du Parti socialiste?
Non, absolument pas! Je suis là pour durer, c’est sûr. Sans aucune hésitation. Je me suis inscrite à la section veveysanne début 2019. C’était déjà le fruit d’une longue réflexion. Ensuite, je me suis engagée à la Municipalité. Et, vous savez, je ne m’engage jamais à moitié. Notre situation peut être parfois compliquée mais je suis très heureuse de pouvoir faire partie de la reconstruction de notre section.

Aujourd’hui, en tant que municipale, vous avez pris vos marques?
Oui. Je l’ai fait très rapidement, d’ailleurs. C’est une fierté et une responsabilité de représenter le Parti socialiste au sein de cette Municipalité. Et je crois profondément que c’est très important que nous y soyons. Cela nous permet d’amener toutes les questions et problématiques qui nous sont chères. Je pense avoir trouvé ma place et j’imagine que cela se voit de l’extérieur.


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