Il prêche en Suisse et fait de la politique pour le parti Altenvativ für Deutschland (AfD) en Allemagne. La double vie du pasteur thurgovien Gottfried Spieth a déjà fait couler beaucoup d'encre: en juin 2024, il a été élu au Parlement de la ville de Francfort-sur-l'Oder tout en étant le pasteur de Diessenhofen (TG).
En effet, Gottfried Spieth a une résidence secondaire dans la ville allemande du Brandebourg à la frontière polonaise. Dans cette région, l'AfD est la première force parlementaire avec 13 sièges sur 46. Toutefois, le pasteur a déclaré au «Thurgauer Zeitung» qu'il n'avait «rien à voir avec l'extrême droite».
La paroisse entre deux feux
L'engagement politique du pasteur thurgovien contrarie la présidente de l'église de Diessenhofen, Jael Mascherin. «Nous ne soutenons pas du tout cette initiative», a-t-elle déclaré au «Thurgauer Zeitung». Selon elle, l'AfD est classé en Allemagne comme un parti d'extrême droite et antisémite. «L'Eglise ne défend pas ces valeurs.»
Malgré ses réticences, la double vie du pasteur n'est pas interdite et les dirigeants de l'Eglise ont les mains liées, d'autant plus que Gottfired Spieth est un bon pasteur. «Nous l'apprécions car ses sermons sont apolitiques.»
Mais selon une enquête du «Schaffhauser AZ», le pasteur Spieth a diffusé des théories racistes sur les réseaux sociaux. Même si depuis le profil en question a été supprimé, Blick a pu consulter des captures d'écran des publications. Il semble que le pasteur n'ait pas osé publier ces textes sous son vrai nom, mais sous le pseudo de «Spieth Gottfried Gerhard», qui n'est autre que son frère, décédé depuis longtemps. Le pasteur a reconnu qu'il était bel et bien à l'origine de ce profil, et ces publications valent le détour.
«Le troisième Reich était un mélange complexe et ne peut pas être totalement réduit à un dénominateur criminel (...)», dit l'une des publications. Dans un autre post, l'auteur remet en question l'utilisation du mot «tuerie de masse»: «Les Alliés pouvaient se permettre pendant la Deuxième Guerre mondiale de stigmatiser le troisième Reich avec de tels termes maximaux, car ils pouvaient agir en position de force supérieure».
Concernant la nomination d'Adolf Hitler comme chancelier du Reich en 1933, Gottfired Spieth écrit: «C'était du pragmatisme démocratique». Selon lui, les soldats de la Wehrmacht nazie qui ont combattu lors de la bataille de Stalingrad entre 1942 et 1943 étaient «trop civilisés et efféminés».
«Une vision du monde d'extrême droite»
Le pasteur commente aussi des questions de génétique. Selon lui, l'ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, aurait porté préjudice au «pool génétique» des Allemands, en acceptant un trop grand nombre de réfugiés en Allemagne. Concernant le succès de l'équipe nationale allemande de football masculin, il écrit: «Les ethnobiologistes et les spécialistes des questions raciales trouveront ici des réponses encore meilleures que les miennes. Mais apparemment, un certain mélange de gènes est même productif».
La politologue autrichienne Natascha Strobl a analysé les publications du pasteur Spieth. Elle en arrive à la conclusion suivante: «Gottfried Spieth remplit à peu près tous les critères d'une vision du monde d'extrême droite consolidée».
Retraite en vue
Interrogé sur ses publications, l'intéressé se défend et dit n'y voir aucun racisme, d'antisémitisme ou d'idées d'extrême droite. Ces posts sir Facebook ne sont pas des «opinions au sens strict», mais des «flashs et des déclarations avec lesquelles je voulais sonder les limites de ce qui peut être dit par les citoyens».
Cette affaire personnelle – gênante pour l'Eglise – devrait bientôt être réglée: Gottfried Spieth prendra sa retraite en décembre, deux mois plus tôt que prévu, du moins c'est que l'Eglise dit lui avoir suggéré. Le pasteur a lui-même déclaré à la RTS que ses deux fonctions ne pourraient plus être conciliées à long terme, surtout à Diessenhofen: «La paroisse est tout simplement trop diversifiée, trop bigarrée».