«C'est l'un de nos modèles»
La Suisse fascine l'AfD selon un rapport officiel

Un rapport du service allemand de protection de la Constitution révèle la fascination de l'AfD pour la Suisse. Des membres du parti louent le système politique suisse et sa définition de l'extrémisme, suscitant des inquiétudes en Suisse et en Allemagne.
Publié: 14:02 heures
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La chef du parti de L'Alternative pour l'Allemagne (AfD), Alice Weidel.
Photo: Keystone
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Céline Zahno

«Hoi Alice et grüezi mitenand.» C’est presque sur un ton amical que l’ancien conseiller fédéral UDC Ueli Maurer a commencé son message vidéo diffusé en février, lors d’un meeting de campagne en soutien à la cheffe de l’AfD, Alice Weidel.

Une sympathie réciproque: plusieurs membres de l’AfD ont déjà laissé transparaître leur attachement à la Suisse. «La Suisse est l’un de nos modèles», a un jour déclaré Björn Höcke, président du groupe parlementaire de l’AfD au Landtag de Thuringe, dans une interview accordée à Blick. Alice Weidel elle-même apprécie le pays, puisqu'elle vit avec sa famille à Einsiedeln, dans le canton de Schwytz.

L'expertise juridique fait l'éloge de la Suisse

Une analyse du service allemand de protection de la Constitution montre aujourd’hui à quel point la Suisse fascine certains membres de l’AfD. Ce document – qui a par ailleurs servi de base à l’autorité pour classer l’AfD comme «extrémiste de droite avéré» – compte pas moins de 1108 pages.

On retrouve par exemple Joachim Paul, député AfD au parlement régional de Rhénanie-Palatinat, qui évoque la Suisse dans une vidéo Instagram publiée en février 2024. Il y explique pourquoi, selon lui, la Junge Alternative (JA) ne devrait pas être considérée comme un mouvement extrémiste. Pour rappel, la JA, ancienne branche jeunesse de l’AfD, a été classée dès avril 2023 par l’Office de protection de la Constitution comme une organisation d’extrême droite avérée.

Dans son argumentation, Joachim Paul prend la Suisse en exemple. «Si vous regardez vers le Rhin, vers sa source, vous verrez une démocratie bien plus ancienne que la République fédérale: la Suisse», déclare-t-il. Il met en avant le fait que, selon lui, les institutions helvétiques ne censurent que les personnes ayant recours à la violence pour imposer leurs objectifs politiques. Toute autre forme d’engagement idéologique ne serait pas, selon lui, du ressort des autorités.

À ses yeux, la Suisse représente donc un modèle non seulement pour sa démocratie directe, mais aussi pour sa manière de définir et de traiter l’extrémisme. «Ce n’est pas seulement en matière de démocratie directe que la Suisse peut être un modèle, mais aussi sur ce point précis», conclut Joachim Paul.
De fait, en Suisse, l’extrémisme de droite n’est pris en compte dans les statistiques du renseignement que lorsqu’il y a appel ou usage de la violence. Une simple appartenance idéologique ou politique n’est pas suffisante.

Un modèle de démocratie directe

Lena Kotré, députée AfD au Landtag de Brandebourg, ne manque pas non plus d’éloges envers la Confédération. Lors d’une réunion du groupe d’extrême droite Junge Tat, organisée en Suisse en décembre 2024, elle a déclaré que la démocratie directe fonctionnait «merveilleusement bien en Suisse».

Mais, selon elle, l’introduction de la démocratie directe en Allemagne pourrait aussi soulever des inquiétudes – notamment en raison de la présence de migrants musulmans qui, à ses yeux, pourraient former une majorité lors des votations. Le Verfassungsschutz (Office allemand de protection de la Constitution) en conclut que Lena Kotré accorde aux immigrés musulmans un statut juridique inférieur et s’oppose ainsi au principe fondamental de la dignité humaine.

Dans son programme électoral, l’AfD réclame également une extension de la démocratie directe à la manière suisse. Le parti souhaite par exemple organiser plus fréquemment des référendums et introduire un système d’initiatives populaires.

Une menace pour la Suisse?

Ce rapport d’expertise devrait donner lieu à une longue bataille judiciaire. Le parti conteste en effet cette classification. Dans l’attente d’une décision de justice, le Verfassungsschutz a provisoirement suspendu l’étiquetage de l’AfD comme parti d’extrême droite. En Allemagne, le débat fait rage: ce rapport doit-il ou non conduire à une interdiction du parti?

En Suisse aussi, cette classification a provoqué des remous. La conseillère nationale socialiste Linda De Ventura a interpellé le Conseil fédéral: elle souhaite savoir comment ce dernier évalue l’influence de l’AfD sur la politique suisse et ce qu’il pense du fait qu’Alice Weidel séjourne presque en permanence en Suisse. Linda De Ventura met en garde: la sécurité intérieure de la Suisse pourrait, selon elle, en être menacée.

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