La Suisse a un besoin urgent de logements supplémentaires. La population a d’ailleurs décidé en 2013 de la manière d’y parvenir: densifier plutôt que s’étendre. Mais la mise en œuvre reste laborieuse.
Les Suisses ont en effet approuvé la densification, mais ils ne veulent pas l'avoir devant chez eux. Peter Salzmann, lui, pense autrement. La densification ne lui fait pas peur. Avec son projet de construction, il veut montrer ce qui est possible aujourd’hui dans de nombreuses régions.
Avec son épouse Claudia, il habite une maison centenaire à Starrkirch-Wil (SO), avec un vaste terrain et un petit vignoble. «Nous avons tellement d’espace. Nous voulons que les autres en profitent aussi», explique-t-il. Pour lui, la densification est une nécessité.
Plus de logements pour les autres
En Suisse, l’espace habitable se raréfie et l’accès à la propriété devient de plus en plus difficile. «Ici, sur le Plateau, la situation n’est certes pas encore aussi dramatique qu’à Zurich ou dans d’autres villes, reconnaît Peter Salzmann. Mais nous voulons contribuer à résoudre ce problème.»
A l’heure de préparer leur retraite, le couple s’est interrogé: «Etait-il vraiment juste de vivre ainsi?» Dans leur maison individuelle avec grand jardin – 1300 mètres carrés au total – et leur chienne Xavia, ils profitent depuis longtemps de cet espace. Mais avec l’âge, le besoin de le réduire s’est imposé: moins de terrain, moins d’entretien. Les Salzmann se sont donc demandé que faire de leur maison et de la parcelle constructible.
Calculer le potentiel de densification
Peter Salzmann s’est tourné vers l’agence d’architectes Die Raumpioniere. Son cofondateur Atilla Färber, spécialiste de la densification, a développé un logiciel permettant de calculer le potentiel constructif d’une maison ou d’une ville entière.
«Notre mission est de sensibiliser les propriétaires privés et de populariser la densification», explique Atilla Färber. La Suisse compte environ 1,1 million de maisons individuelles, dont 450'000 appartiennent à la génération du baby-boom. La plupart ne logent qu’une ou deux personnes: des milliers de pièces restent donc vides.
De nombreux logements constructibles
Le logiciel de l'agence d'architectes estime si une extension est rentable et tient compte de nombreux paramètres importants: zone de construction, degré d’utilisation, potentiel du terrain, mais aussi âge et état des bâtiments. Les maisons présentant du potentiel sont généralement vieilles de plus de 50 ans, situées dans des zones constructibles, résidentielles, mixtes ou centrales, et donc sur des parcelles sous-exploitées. A Winterthour (ZH), par exemple, cela permettrait de loger 10'300 habitants supplémentaires. A Zoug, seulement 1400.
Dans l’agglomération de Saint-Gall, Die Raumpioniere estime qu’il serait possible de créer des logements pour 4500 personnes de plus. Dans la campagne schaffhousoise, l’extension des maisons individuelles et immeubles collectifs logerait 2000 habitants supplémentaires.
Informer les propriétaires
«Nous voulons mettre notre savoir-faire à disposition des propriétaires de maisons individuelles», poursuit Atilla Färber. Chacun peut faire calculer gratuitement le potentiel de son bien sur le site Internet de l’agence. Les Salzmann ont commandé une étude de faisabilité. Convaincus par les résultats, ils ont franchi le pas. Comme ils ne souhaitaient pas porter le projet eux-mêmes, ils ont vendu leur terrain à l'agence. Le couple préfère taire les détails financiers.
Leur maison, rénovée et modernisée, restera en place. Mais le jardin accueillera bientôt deux maisona mitoyennea de 4 pièces et demi. Et sur les 400 m2 du vignoble, une autre maison plus petite sera construite pour les Salzmann. Le chantier commencera en novembre.
«Il faut savoir lâcher prise»
Peter Salzmann sait que de nombreux propriétaires sont confrontés au même dilemme. Le couple doit dire adieu à la maison où il a vécu vingt ans. «Il faut savoir lâcher prise, c’est souvent sous-estimé», confie-t-il.
La disparition du vignoble marque aussi la fin d’un chapitre de leur vie. Et c'est aussi un défi émotionnel. «Parler de densification est facile, mais le mettre en pratique ne l’est pas pour tout le monde», conclut Peter Salzmann.