Elus, fonctionnaires et ambassadeurs
Ignazio Cassis conspué jusqu'au sein de son DFAE après son interview sur Gaza

Le conseiller fédéral Ignazio Cassis est étouffé de critiques sur son positionnement sur les crimes d'Israël à Gaza. Une lettre signée par 250 fonctionnaires du DFAE exige une condamnation plus ferme. De quoi ajouter aux reproches d'élus, d'ONGs et d'ambassadeurs.
Publié: 06.06.2025 à 13:38 heures
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Le conseiller fédéral Ignazio Cassis est de plus en plus isolé et critiqué dans son positionnement sur les actions d'Israël à Gaza.
Photo: keystone-sda.ch
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Léo MichoudJournaliste Blick

Depuis quelques jours, le conseiller fédéral Ignazio Cassis (PLR/TI) est assailli de critiques et de courriers d’indignation. Ce ne sont plus seulement des militants propalestiniens et des ONGs qui conspuent le patron de la politique extérieur suisse.

Ce jeudi 5 juin, la RTS dévoile une lettre interne à son Département des affaires étrangères (DFAE). Au moins 250 fonctionnaires et diplomates ont signé le texte qui exige une condamnation claire et ferme des crimes d’Israël à Gaza. «Nous ne pensions pas qu’il pouvait aller si loin dans sa reprise des arguments en faveur du gouvernement israélien», a par exemple dit à la RTS une source interne au DFAE.

Une interview contredite

Cette fronde est à ajouter à la – désormais – longue liste des tourmenteurs du libéral-radical, qui comprend déjà des dizaines de parlementaires, 56 ex-ambassadeurs de son département et des anciens conseillers fédéraux, surtout côté romand. Un moment reste particulièrement en travers de la gorge de tout ce monde: l’interview accordée le 3 juin à la RTS.

La raison? Lui qui prétend tenir «une position équilibrée» et lâchant que les actes à Gaza «doivent être condamnés des deux côtés» peinerait à cacher une ligne pro-israélienne peu assumée. «Si le Hamas rendait les otages à Israël, il y aurait déjà un cessez-le-feu», affirme le conseiller fédéral. Ses opposants lui rétorquent que cet Israël qui a mis fin au dernier accord de cessez-le-feu.

S’agissant des tirs sur des Palestiniens pendant les distributions d’aide des derniers jours, le Tessinois a évoqué «une guerre de l’information»: «Il y a eu des coups de fusil. Qui a tiré où, on ne le saura jamais. On ne peut croire ni l’un ni l’autre côté», a-t-il estimé mardi. Pourtant, l’armée israélienne a elle-même admis avoir tiré sur des «suspects», une information relayée par CNN ou la BBC.

Qui pilote l’aide humanitaire?

Son absence de remise en question de l’aide humanitaire contrôlée par Israël en accord avec les USA – la controversée Fondation humanitaire de Gaza – est également critiquée. Il s’agit pour le PLR de donner une chance à cette ONG basée à Genève sans lui faire de «procès d’intention». Raison pour laquelle la Suisse ne fait pas partie des plus de 20 pays qui réclament un pilotage de l’aide par l’ONU et les ONGs humanitaires, a expliqué le conseiller fédéral.

Durant les distributions de nourriture, l’armée israélienne a tiré sur des Palestiniens, faisant plusieurs centaines de blessés et des dizaines de morts. Après des mois de silence, la prise de parole d’Ignazio Cassis n’a donc pas convaincu grand monde. Notamment Médecins sans frontières (MSF), qui propose au politicien de lui expliquer la réalité du terrain.

Comment expliquer son mutisme, lui qui s’est montré très vocal sur l’invasion russe en Ukraine? Pour le syndic socialiste de Lausanne Grégoire Junod, interviewé ce vendredi par «L’illustré», il n’est «sans doute pas anodin» qu’Ignazio Cassis a été membre du groupe d’amitié Suisse-Israël lorsqu’il siégeait au Parlement – dont il a été vice-président entre 2011 et 2017.

Des soutiens au PLR

Dans les médias, des soutiens au ministre des Affaires étrangères se sont manifestés… dans les rangs de son propre parti. Philippe Nantermod (PLR/VS) rappelle les israéliens tués le 7 octobre 2023 et les otages morts par la suite entre les mains du Hamas. «Qu’est-ce que vous voulez faire? Vous voulez lancer des fleurs au Hamas et oublier les otages?», interroge le conseiller national valaisan à la RTS.

Le Valaisan trouve «son discours équilibré», tout en diplomatie, en retenue et dans le rappel des faits, exprime-t-il dans «Le Temps». Le conseiller aux Etats vaudois Pascal Broulis estime dans «Le Temps» qu'Ignazio Cassis «a joué son rôle de ministre des Affaires étrangères» en rappelant la neutralité helvétique.

Mais même dans ses rangs, des critiques pointent le bout de leur nez. Le président du groupe libéral-radical au Parlement, Damien Cottier (PLR/NE) attend «du gouvernement qu’il montre davantage son empathie». Le rôle particulier de la Suisse au vu de sa neutralité, mais qui ne doit pas omettre les «violations du droit humanitaire» et le besoin de la population de savoir quelles sont les actions concrètes de la Suisse à Gaza, indique le Neuchâtelois au «Temps».

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