La Suisse, bientôt «complice de crimes de guerre»?
Ignazio Cassis a ignoré ses propres experts en droit international

Des spécialistes du droit international ont mis en garde le conseiller fédéral Ignazio Cassis contre la Gaza Humanitarian Foundation: la Suisse pourrait se rendre coupable de «complicité de crimes de guerre».
Publié: 14:59 heures
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La situation dans la bande de Gaza est catastrophique.
Photo: AFP
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Raphael Rauch

Pendant des jours, Ignazio Cassis a défendu la controversée Gaza Humanitarian Foundation (GHF). Le ministre des Affaires étrangères a appelé à plusieurs reprises à donner une chance à l'organisation. Cette fondation est une organisation privée d'anciens soldats et agents des services secrets américains qui distribuent de la nourriture dans la bande de Gaza. La GHF devait aider à lutter contre la famine dans la zone de domination du Hamas, en lieu et place de l'UNRWA, l'agence d'aide de l'ONU, rejetée par Israël.

Politisation de l'aide humanitaire

De nombreux pays arabes et occidentaux ont cependant constaté que la fondation politise l'aide humanitaire, une pratique inadmissible. Lorsque 22 Etats européens ont critiqué la GHF dans une lettre, Ignazio Cassis a refusé de la signer – et s'est justifié début juin à la RTS comme suit. «Cette lettre accuse une fondation qui aurait peut-être pu faire quelque chose de bien. Il faut regarder ce qu'elle fait et ne pas la condamner d'emblée avant qu'Israël n'ait la possibilité de faire quelque chose.»

Ce qu'il n'a pas dit, c'est qu'une analyse de ses propres experts a abouti à une conclusion totalement différente. Selon le droit international, Israël est tenu, en tant que puissance occupante, de fournir une aide humanitaire dans la bande de Gaza. Si Jérusalem déléguait cette tâche à la GHF, cela serait contraire au droit international. Plus encore: Berne, en pilotant l'organisation basée à Genève, pourrait se rendre coupable de «complicité de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité». Les intentions de la GHF seraient «incompatibles avec les obligations de la Suisse en vertu du droit international humanitaire».

Interdiction d'utiliser la faim comme arme de guerre

Concrètement, les experts en droit international du DFAE ont critiqué le fait qu'Israël, en faisant appel à la GHF, enfreignait plusieurs règles du droit international humanitaire. La puissance occupante viole par exemple l'interdiction d'utiliser la faim comme arme de guerre ou le déplacement de force la population civile. La Suisse pourrait donc se rendre complice. «Tout soutien à la restructuration proposée par Israël pourrait entraîner un risque de responsabilité pénale internationale pour complicité de crimes de guerre, voire de crimes contre l'humanité», peut-on lire dans l'expertise secrète du DFAE, que Blick a pu consulter grâce à la loi sur la transparence. Le chef du DFAE n'a pas voulu dire pour quelle raison Ignazio Cassis a balayé les doutes de ses experts en droit international.

La fondation controversée, dont le siège principal se trouve dans le Delaware (USA), est certes toujours active, mais plus depuis le sol suisse. Sa succursale genevoise ne remplit pas différentes bases légales: elle ne dispose pas d'un conseil de fondation domicilié en Suisse ni d'une relation bancaire suisse. Peu après l'intervention de l'Autorité fédérale de surveillance des fondations (ESA) fin mai, la GHF a fait savoir qu'elle n'avait jamais été active en Suisse et qu'elle souhaitait fermer sa succursale genevoise.

«Fondation effectivement dissoute»

«Le 14 août 2025, l'ESA a ordonné la suppression de l'antenne genevoise de la Gaza Humanitarian Foundation GHF», annonce l'autorité de surveillance des fondations. «Le 15 septembre 2025, le délai d'opposition a expiré. La fondation est donc effectivement dissoute. La radiation de l'inscription au registre du commerce incombe à l'Office du registre du commerce du canton de Genève.»

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