Des rentes réduites davantage
Elisabeth Baume-Schneider en guerre contre les retraites anticipées

Avec sa réforme de l'AVS, la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider veut rendre les retraites anticipées moins attrayantes. Elle envisage aussi ce qui s'annonce comme une détérioration dans l'AVS: les rentes pourraient être réduites encore davantage.
1/5
La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider veut rendre le versement anticipé de la rente AVS moins attirant.
Photo: Philippe Rossier
RMS_Portrait_AUTOR_1047.JPG
Ruedi Studer

La carotte et le bâton! Voilà comment la ministre des Affaires sociales Elisabeth Baume-Schneider (PS) veut faire travailler les Suisses plus longtemps. Avec la prochaine grande réforme de l'AVS en 2030, elle veut nous inciter à rester volontairement dans la vie active après l'âge de la retraite. 

Pourquoi la carotte et le bâton? Car pour que les seniors continuent de travailler après 65 ans, ils doivent y trouver un avantage, par exemple en touchant une franchise plus élevée. Et en contrepartie, Elisabeth Baume-Schneider déclare la guerre aux retraites anticipées. Elle met l'accent sur les caisses de pension: dans le deuxième pilier, l'âge minimum doit passer de 58 à 63 ans, comme dans l'AVS.

La retraite anticipée se dégrade

Mais Elisabeth Baume-Schneider veut aussi serrer la vis sur le premier pilier. A l'heure actuelle, si vous prenez votre retraite un an plus tôt, vous recevez une rente AVS réduite de 6,8% à vie. Et si vous partez deux ans plus taux, votre rente est même réduite de 13,6%.

Ce système devrait rester le même, ce qui signifie que la situation va se détériorer. En effet, puisque la somme de la rente anticipée est réduite selon votre année de départ, le taux de réduction devrait baisser si votre espérance de vie augmente, car l'«avance sur rente» peut être amortie sur une période plus longue.

Une amélioration supprimée

Les taux de réduction en vigueur depuis 1997 sont trop élevés. C'est pourquoi, lors de la réforme de l'AVS-21, approuvée par le peuple, le Conseil fédéral a voulu les ajuster. D'après ses calculs de l'époque, un taux de réduction de 4% pour une année d'anticipation et de 7,7% pour deux ans étaient acceptables pour l'assurance. D'ailleurs, pour les personnes à faible revenu, les réductions devaient être encore plus faibles. Mais le Parlement a décidé qu'il fallait attendre l'année 2027 pour mettre en place cet ajustement.

Or, le Conseil fédéral veut à présent renoncer complètement à cet ajustement, selon les documents internes de la consultation des offices sur l'AVS 2030, que Blick a consulté.

«Cette adaptation rendrait la retraite anticipée plus attrayante et le report moins intéressant», écrit l'Office fédéral des assurances sociales compétent dans une note à ce sujet. «Or, les objectifs de la présente révision sont de réduire les incitations à la retraite anticipée et, à l'inverse, à encourager l'activité professionnelle au-delà de 65 ans.» En fait, les suppléments de rente devraient aussi être réduits en cas d'ajournement de l'AVS.

Moins de retraites anticipées

Elisabeth Baume-Schneider veut donc attendre pour adapter les taux de réduction avec la réforme de l'AVS de 2030. Mais pas pour les réduire, pour les augmenter! Elle veut renverser les principes actuariels «pour rendre la retraite anticipée moins attrayante à l'avenir et rendre l'ajournement de la retraite plus intéressant». Il est «nécessaire de fixer les taux sur la base de principes incitatifs».

Elle saisit ainsi la perche que le Conseil des Etats lui a tendue lors de la session d'été. En effet, dans une motion adoptée à l'unanimité, la Chambre haute demandait que le taux de réduction actuel de 6,8% par an soit maintenu, voire augmenté. En parallèle, le supplément doit être encore plus augmenté en cas de perception ultérieure de la rente. Le Conseil national a aussi donné son feu vert à ce projet lors de la session d'hiver, par 129 voix contre 62.

Pénurie de main d'œuvre qualifiée

Pour le conseiller aux Etats PLR Damian Müller (LU), la Suisse s'est trompée lors de la réforme de l'AVS-21. Baisser les taux de réduction et, par conséquent, rendre la préretraite volontaire encore plus attractive est incompréhensible. Surtout que les suppléments de rente auraient aussi été réduits en cas d'ajournement de l'AVS. «Par rapport à aujourd'hui, nous aurions même été pénalisés à l'avenir si nous avions travaillé volontairement plus longtemps!», s'exclame Damian Müller.

«Les retraites anticipées volontaires sont néfastes et renforcent la pression migratoire.» Au lieu de cela, il serait plus judicieux d'encourager la poursuite volontaire du travail pour lutter contre la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. «Personne n'est obligé de travailler plus longtemps. Mais si vous le faites volontairement, vous devriez être récompensé avec un supplément de rente décent.»

Le PS désapprouve

La gauche et les Vert-e-s désapprouvent. Le fait que les taux ne soient pas abaissés comme promis par la réforme de l'AVS-21 est «tout de même un peu douteux du point de vue de la politique démocratique», déclare la coprésidente du groupe PS Samira Marti. En même temps, l'échelonnement de la politique sociale n'a toujours pas été mis en œuvre.

«Au lieu de présenter des solutions, le Conseil fédéral prévoit un véritable changement de paradigme avec AVS 2030», poursuit Samira Marti. «Le groupe du PS s'oppose à ces augmentations de l'âge de la retraite en cachette.»

Consultation au printemps

Elisabeth Baume-Schneider ne précise pas encore à combien s'élèveront les taux de réduction à l'avenir. Toutefois, elle précise dans le fameux document de discussion qu'ils «devraient être différenciés en fonction du revenu». En d'autres termes, les taux de réduction seraient plus bas pour les personnes à faible revenu que pour les personnes à revenu élevé. L'impact financier de la mesure sur l'ensemble des coûts de l'AVS n'est pas encore clair. 

Au printemps prochain, Elisabeth Baume-Schneider veut mettre la réforme de l'AVS 2030 en consultation. Ce n'est qu'alors que nous connaitrons le sort que la conseillère fédérale socialiste réserve aux préretraités potentiels.

Articles les plus lus