L'acquisition de nouveaux avions de combat F-35 du constructeur américain Lockheed Martin coûtera jusqu'à 1,3 milliard de francs de plus que prévu initialement. Le Conseil fédéral n'a pas réussi à trouver un accord avec les Etats-Unis par la voie diplomatique, a révélé mercredi le ministre de la Défense Martin Pfister devant les médias. Blick répond aux questions les plus urgentes à ce sujet.
Aurait-on pu anticiper cette situation plus tôt?
Le Conseil fédéral a publié mercredi deux expertises qu'il avait fait réaliser sur la question des prix fixes. Ces expertises concluent effectivement que les Etats-Unis ont promis un prix fixe.
Toutefois, l'un ou l'autre passage aurait dû mettre la puce à l'oreille. Dans l'expertise du cabinet d'avocats zurichois Homburger de novembre 2023, on peut lire qu'il est «essentiel» que le prix fixe soit également inclus dans les contrats entre les Etats-Unis et le fabricant, c'est-à-dire Lockheed Martin. Problème: à l'époque, ce contrat n'avait pas encore été signé... Seul un droit de regard sur ces contrats a été accordé à la Suisse.
L'expertise du cabinet juridique américain Arnold & Porter recommandait également à la Suisse de consulter les contrats entre les Etats-Unis et Lockheed Martin afin de vérifier qu'il s'agissait bien de contrats à prix fixe. Il notait également qu'il n'était «pas clair» si la Suisse pouvait faire respecter le protocole d'accord en cas de litige, étant donné que le contrat ne prévoyait qu'une solution diplomatique. Et l'on peut également lire dans les expertises que les Etats-Unis n'acceptent pas de pertes dans le cadre de tels contrats.
Les Etats-Unis ont-ils trompé la Suisse ?
Apparemment, les négociateurs suisses étaient fermement convaincus qu'un prix fixe avait été négocié. Cela semblait également plausible pour les expertises américaines.
La question centrale demeure: les Etats-Unis prévoyaient-ils déjà, lors de la conclusion du contrat, de ne pas appliquer le prix fixe? Ils parlent d'un malentendu, mais impossible de savoir d'où il provient, car on ignore ce qui a été négocié lors des entretiens entre les USA et la Suisse.
La Suisse cède-t-elle à la pression des Etats-Unis?
Complètement. La Suisse n'a pas la possibilité d'imposer ses intérêts, et donc son prix. Le conseiller fédéral Martin Pfister l'admet d'ailleurs sans détour: «Nous sommes toujours convaincus qu'il y avait un prix fixe dans le contrat.» Toutefois, l'autre partie n'est pas d'accord – et les Etats-Unis sont plus puissants que la Suisse.
Y'a-t-il un rapport avec le litige douanier?
Il n'y a apparemment pas de lien avec les affaires douanières, a déclaré le conseiller fédéral Martin Pfister. Il est néanmoins possible que la Suisse n'ait pas voulu irriter davantage les Etats-Unis dans le contexte des négociations douanières en cours.
Que va-t-il se passer maintenant?
Le Conseil fédéral est tout simplement impuissant face aux exigences des Etats-Unis. Pour le ministre de la Défense, pas question de renoncer maintenant. «D'un point de vue militaire, les avions de combat sont absolument nécessaires», a déclaré Martin Pfister. Sinon, la Suisse ne serait plus protégée à partir de 2030. Et une nouvelle acquisition pourrait être encore plus coûteuse.
Toutefois, le Conseil fédéral examine plusieurs options jusqu'en novembre. Trois possibilités sont actuellement sur la table. La Suisse pourrait acheter moins d'avions pour rester dans le cadre des coûts de 6 milliards de francs, que le peuple a approuvé en 2020.
Deuxièmement, les coûteuses contreparties pour l'industrie suisse de l'armement pourraient être réduites. Ou troisièmement, la Suisse pourrait payer davantage. Le Conseil fédéral devrait alors demander au Parlement un crédit supplémentaire de près de 1,3 milliard de francs.
Que disent les partis politiques?
Le Parti socialiste (PS) et les Vert-e-s demandent un nouveau vote sur les avions de combat F-35. Cette acquisition «après de fausses promesses» ne doit pas être simplement imposée par la petite porte, déclare la coprésidente du PS Mattea Meyer. Dans un sondage non représentatif, deux tiers des quelque 4000 lecteurs de Blick estiment, eux aussi, qu'il faut organiser une nouvelle votation populaire.
De leur côté, les Vert-e-s ont réitéré leur exigence d'un arrêt immédiat de l'acquisition de l'avion de combat F-35. Le parti reproche au Conseil fédéral d'avoir trébuché sur le «mythe du cas particulier suisse», comme il l'avait déjà fait dans le cadre des droits de douane américains contre la Suisse.
Le Parti libéral-radical (PLR) et le Centre estiment, eux, que le Conseil fédéral a raison de vouloir maintenir l'achat des avions de combat F-35. «Ceux qui torpillent la décision du peuple en faveur de nouveaux avions de combat jouent avec la sécurité de la Suisse», écrit le PLR.