Les Etats-Unis sont restés intransigeants. La Suisse ne pourra pas leur imposer de prix fixe pour l'achat des 36 avions de combat F-35A. Les coûts totaux excéderont donc bien les six milliards de francs prévus. La Suisse s'incline devant plus puissant qu'elle, a affirmé le conseiller fédéral Martin Pfister.
Au cours des dernières semaines, des «discussions intensives» ont eu lieu avec des représentants de haut rang de la Maison-Blanche au sujet du prix fixe pour l'acquisition du nouvel avion de combat F-35A. Le conseiller fédéral Martin Pfister, chef du Département de la défense (DDPS), a également eu un entretien téléphonique avec son homologue américain Pete Hegseth.
Les Etats-Unis campent sur ses positions
Ce dernier était très bien informé du dossier, il a été amical, mais très clair, a relaté le Zougois lors d'une conférence de presse mercredi à Berne. Les Etats-Unis ne sont pas disposés à changer de position. «La Suisse considère toujours que le contrat conclu avec Washington contient un prix fixe», a soutenu Martin Pfister. «Mais l'autre partie ne l'accepte pas et l'autre partie est plus puissante» que la Suisse.
La Suisse doit donc accepter qu'elle ne pourra pas imposer de prix fixe, comme elle l'entendait. Le prix par lot de production correspondra à la valeur négociée entre le gouvernement américain et le constructeur Lockheed Martin.
Cela dépendra largement de l’évolution future de l'inflation aux Etats-Unis, de l'évolution des prix des matières premières sur les marchés mondiaux et d'autres facteurs tels que les hausses de prix résultant des droits de douane imposés par les Etats-Unis à l'échelle mondiale.
Prix final inconnu
Conséquence: à l'heure actuelle, il n'est donc toujours pas possible de déterminer le coût total exact de l'acquisition. Cela se traduit par la fourchette de coûts supplémentaires potentiels déjà annoncée fin juin, comprise entre 650 millions et 1,3 milliard de francs suisses.
Pas question toutefois de renoncer à ces avions. Le Conseil fédéral tient au F-35A, plus avancé que ses concurrents sur le plan technologique, a insisté Martin Pfister. Il en va de la sécurité aérienne du pays.
Moins d'avions?
Différentes options sont désormais sur la table. Le Conseil fédéral a chargé le DDPS de lui soumettre d'ici à fin novembre une proposition concernant la suite de la procédure.
Premièrement, la Suisse pourrait acheter moins d'avions que les 36 jets initialement prévus. Interrogé plus en détail à ce sujet, Martin Pfister n'a pas pu donner de détails. «Nous ne savons pas encore combien d'appareils en moins cela représenterait, pour ne pas dépasser les six milliards. Ni combien de jets au minimum sont nécessaires pour assurer la sécurité aérienne de la Suisse», a-t-il dit.
Possible crédit supplémentaire
Une autre option serait d'envisager une compensation partielle en passant par une réduction des affaires compensatoires (dites «off-set»). Il faudrait adapter l'accord conclu avec le constructeur américain Lockheed Martin. Enfin, un crédit parlementaire supplémentaire serait également une possibilité. Un «mix» de ces options est aussi envisageable, selon le ministre de la défense.
Le DDPS doit dans le même temps examiner si les exigences actuelles en matière de défense aérienne correspondent toujours aux bases sur lesquelles reposait l'évaluation du F-35A, en particulier le rapport «Avenir de la défense aérienne» publié en 2017, a précisé Martin Pfister. Un groupe de travail a été mis sur pied.
Pas de «scandale»
Les autorités suisses, dont sa prédécesseure Viola Amherd, n'ont pas commis de faute lors des négociations sur l'achat des F-35A, a encore défendu Martin Pfister. Il n'y a «pas de scandale». «On a essayé de faire au mieux pour avoir un prix garanti.»
Depuis l'annonce du dépassement probable du crédit de six milliards, la classe politique suisse est divisée. Le Parlement va quoiqu'il arrive se pencher de plus près sur la question du prix d'achat. La commission de gestion du National a annoncé une enquête.
L'achat de nouveaux avions de combat a été validé d'extrême justesse devant le peuple il y a cinq ans, avec seulement 8500 voix d’écart (50,1% de oui). La gauche avait lancé une initiative pour stopper l'achat de F-35A, mais le texte n'a jamais été soumis au vote. Les contrats de vente ont été signés avant.
Le centriste a encore affirmé que le dossier des F-35 n'était pas lié aux négociations à venir sur les droits de douane de 39% annoncés par Donald Trump. Pour l'instant, «il n'est pas clair que cela pourrait avoir une influence.» On ne peut rien exclure, mais cela dépendra des réflexions politiques et stratégiques à venir