Nestlé a été doublement secoué en septembre: l'ancien CEO Laurent Freixe a été licencié avec effet immédiat après seulement un an à la tête du groupe. Une enquête interne menée au siège de Vevey (VD) a révélé une «relation amoureuse non divulguée avec une collaboratrice directement subordonnée» – une violation du Code de conduite chez Nestlé. L'ancien chef de Nespresso, Philipp Navratil, a pris la relève avec effet immédiat – et a déjà annoncé ce mercredi un vaste plan d'économies et une suppression massive d'emplois.
Mi-septembre, nouveau coup de tonnerre: le président du conseil d'administration de Nestlé, Paul Bulcke, a démissionné plus tôt que prévu. Le Belgo-Suisse, déjà sous pression après le départ de deux directeurs généraux en moins d'un an, a fini par jeter l'éponge. Depuis le 1er octobre, la présidence du conseil est assurée par l'Espagnol Pablo Isla, 58 ans.
Pourquoi Nestlé traverse-t-il crise après crise?
Une instabilité chronique à la tête du groupe
Trois dirigeants depuis août 2024: difficile de trouver une ligne claire. A l'époque, Mark Schneider avait dû quitter ses fonctions après des années de baisse du cours de l'action et sans le renouveau espéré du groupe. Mark Schneider voulait moderniser Nestlé, miser sur des produits plus sains, plus durables, plus «verts»: alternatives végétales, objectifs climatiques, un KitKat vegan… Mais l'opposition interne a grandi, tandis que les marchés perdaient patience. «Deux ans plus tôt, il était considéré comme le meilleur manager du secteur, puis soudain, plus rien ne fonctionnait», rappelait alors Bruno Monteyne, analyste du cabinet Bernstein.
Son successeur, le Français Laurent Freixe, a tourné le dos à la stratégie de durabilité de Schneider pour se recentrer sur le cœur de métier. Ses douze mois à la tête du groupe n'ont toutefois pas suffi à redresser la barre. Son départ précipité, pour cause d'affaire personnelle, empêche de tirer un vrai bilan. C'est également l'avis de Jean-Philippe Bertschy, analyste chez Vontobel: «Il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur la stratégie présentée en novembre», a-t-il déclaré en septembre à Blick. La mise en œuvre au cours du deuxième semestre sera décisive.
C'est désormais au tour de Philipp Navratil, 48 ans, de s'y atteler. Fidèle du groupe depuis 24 ans, il n'a rejoint la direction qu'en 2024, après un an passé à la tête de Nespresso. «Sa première priorité sera de renouer le contact avec toutes les parties prenantes et de regagner la confiance des investisseurs», explique Jean-Philippe Bertschy. «Le plus grand défi sera de rétablir une croissance durable tout en réussissant la restructuration stratégique.»
Une action en chute libre
Nestlé a longtemps été considérée comme une valeur refuge en période d'incertitude – un titre que l'on achète quand la bourse est dans la tourmente. Mais le titre du groupe mondial vaudois ne l'est plus depuis longtemps. Depuis le pic de la pandémie (127 francs), l'action a perdu plus de 40% de sa valeur. Entre-temps, l'action Nestlé coûtait encore 71 francs fin septembre, son plus bas niveau depuis neuf ans.
Fait piquant: alors que des concurrents comme Danone ou Unilever ont connu en 2024 une progression boursière parfois à deux chiffres, Nestlé a subi une perte à deux chiffres! Les ventes ont stagné après la pandémie. «Puis est arrivée la guerre en Ukraine, qui a entraîné une forte hausse des coûts des matières premières», explique Jean-Philippe Bertschy. De nombreux consommateurs se sont alors tournés vers des marques de distributeurs moins chères. Nestlé a alors relevé ses prix – trop fortement. Les parts de marché se sont effritées. Les attentes du marché n'ont régulièrement pas été atteintes. Les analystes ont revu leurs prévisions à la baisse. Un cercle vicieux s'est mis en place.
La stratégie actuelle reste centrée sur les grandes marques du groupe: Nescafé, Kitkat, Maggi, Purina ou Nespresso! Elles doivent être renforcées et développées de manière ciblée. La stratégie de Nestlé présentée en novembre dernier reste inchangée. «L'accent est désormais entièrement mis sur sa mise en œuvre. Néanmoins, Philipp Navratil pourrait apporter sa propre touche dans les mois à venir», a déclaré Jean-Philippe Bertschy en septembre. C'est désormais chose faite pour Navratil avec les suppressions de postes et le nouveau plan d'économies.
Des scandales à répétition
Le scandale le plus retentissant de ces dernières années s'est joué en France. Début 2023, une enquête journalistique et l'ONG Foodwatch ont révélé que Nestlé Waters, avec un partenaire local, avait utilisé pendant des années des procédés de filtration interdits pour «purifier» ses eaux minérales Perrier, Vittel et Contrex, violant ainsi la réglementation européenne. L'affaire est devant la justice et pourrait coûter cher au groupe.
Un an plus tôt, au printemps 2022, Nestlé avait été éclaboussé par un scandale alimentaire en France: des pizzas surgelées Buitoni contaminées à la bactérie E. coli avaient provoqué des dizaines de cas d'intoxication, dont la mort de deux enfants. L'usine de Caudry (Nord) a depuis été fermée.
Enfin, le maintien partiel de ses activités en Russie après l'invasion de l'Ukraine a suscité une vive indignation. Contrairement à nombre d'entreprises occidentales, Nestlé n'a pas quitté complètement le marché russe, continuant à vendre des produits de base comme les céréales et les aliments pour bébés. Une décision dénoncée jusqu'au sommet de l'Etat ukrainien: le président Volodymyr Zelensky lui-même avait accusé Nestlé de «financer la guerre» en restant sur place.