Vingt points. Vingt propositions sur lesquelles l’Ukraine et la Russie doivent encore tomber d’accord pour entrouvrir la possibilité d’un cessez-le-feu, puis d’une éventuelle paix pour mettre fin au conflit déclenché par Vladimir Poutine le 24 février 2022. Volodymyr Zelensky a choisi de révéler cette nouvelle mouture du plan concocté par les Américains lors des dernières journées de négociations à Miami (Floride). Est-ce bien le plan validé par Donald Trump? Est-il acceptable pour Poutine? Tout cela reste à confirmer car le président ukrainien est un habile communicant. On peut, en revanche, y voir déjà ces cinq lueurs d’espoir.
Après la réaffirmation, d’emblée, de la souveraineté de l’Ukraine, le document présenté par Volodymyr Zelensky ce 24 décembre comporte des mots bien plus clairs qu’auparavant. Il s’agit «d’un accord de non-agression total et inconditionnel entre la Russie et l’Ukraine». Il prévoit que, «pour maintenir une paix durable, un mécanisme de surveillance sera établi pour contrôler la ligne de contact par l’intermédiaire d’un suivi aérien sans équipage, afin d’assurer un signalement rapide des violations et de résoudre les différends».
Il acte «un effectif de 800'000 personnes en temps de paix» pour l’armée ukrainienne. Et il stipule que «les Etats-Unis, l’OTAN et les Etats européens signataires fourniront à l’Ukraine des garanties de sécurité calquées sur l’article 5» de l’Alliance atlantique. Tout cela est nouveau.
L’Ukraine a cédé, même si plusieurs points demeurent en suspens. La preuve? Le plan prévoit que «dans les régions de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson, la ligne de déploiement des troupes à la date du présent accord est de facto reconnue comme la ligne de contact». Autre aspect décisif: «Des forces internationales seront déployées le long de la ligne de contact pour surveiller le respect du présent accord.» En contrepartie, «la Fédération de Russie devra retirer ses troupes des régions de Dnipropetrovsk, Mykolaïv, Soumy et Kharkiv» et, «après s’être entendues sur de futurs arrangements territoriaux, la Fédération de Russie et l’Ukraine s’engagent toutes deux à ne pas modifier ces dispositions par la force». La Crimée, annexée en 2014 par la Russie, n’est pas mentionnée. sans surprise, l’engagement est pris d’organiser des élections au plus vite en Ukraine, double exigence russe et américaine.
Ce document, a priori issu des pourparlers russo-ukrainiens de ces derniers jours à Miami (Floride), avec la médiation des Etats-Unis, désigne une menace: celle de la Russie. Exemple: «Si la Russie envahit l’Ukraine, en plus d’une réponse militaire coordonnée, toutes les sanctions mondiales contre ce pays seront rétablies.» Autre exemple: «Si la Russie ouvre le feu sur l’Ukraine, les garanties de sécurité entreront en vigueur.» Il est bien sûr précisé que ces garanties de sécurité seront «nulles et non avenues» si Kiev provoque ou attaque son grand voisin. Mais Moscou est bel et bien considéré comme l’adversaire. «La Russie formalisera une politique de non-agression envers l’Europe et l’Ukraine dans toutes les lois et documents requis pour la ratification», précise le texte.
Aucune mention n’est faite, dans ce document, du renoncement de l’Ukraine à une future adhésion à l’Alliance atlantique, ce qui est pourtant une revendication prioritaire de la Russie. On peut donc penser que le Kremlin, dont la réponse est attendue sous peu, voudra réintroduire une clause qui le précise. N’empêche: l’OTAN est impliquée dans ce projet d’accord, puisqu’il est précisé que «les Etats-Unis, l’OTAN et les Etats européens signataires fourniront à l’Ukraine des garanties de sécurité calquées sur l’article 5».
Quel article 5? Celui du Traité de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord, bien sûr, qui établit le principe de défense collective en ces termes: une attaque armée contre un membre de l’OTAN est considérée comme une attaque contre tous les membres, et déclenche l’obligation pour chacun d’eux de lui venir en aide. Cette assistance peut ou non impliquer l’usage de la force armée et peut inclure toute action que les Alliés jugent nécessaire pour rétablir et maintenir la sécurité de la zone de l’Atlantique Nord. Pour l’UE, le plan révélé par Zelensky prévoit que «l’Ukraine deviendra membre de l’Union européenne dans un délai précisément défini, et l’Ukraine bénéficiera à court terme d’un accès privilégié au marché européen.»
Ce document est bien l’embryon d’un accord de paix. Le volet de la reconstruction de l’Ukraine est en effet très détaillé. Il prévoit «un solide programme mondial de développement pour l’Ukraine, à définir dans un accord distinct sur l’investissement et la prospérité future; la création d’un Fonds de développement de l’Ukraine», ainsi que le déploiement d’efforts conjoints «pour reconstruire les zones touchées par la guerre, afin de restaurer, rebâtir et moderniser les villes et les quartiers résidentiels» – ce qui intéresse au premier chef l’ancien promoteur immobilier Donald Trump.
Point important: «un groupe de travail de haut niveau sera créé, prévoyant la nomination d’un dirigeant financier mondial en qualité d’administrateur, chargé d’organiser la mise en œuvre du plan stratégique de reconstruction et de maximiser les perspectives de développement futur.» Et les avoirs russes gelés par les pays européens? Ils sont bien là: «les Etats-Unis et les pays européens créeront un fonds d’investissement en capital et de subventions d’un montant cible de 200 milliards de dollars pour un financement transparent et efficace en Ukraine.»