Mercredi 6 août, Donald Trump s'est dit persuadé qu'une rencontre avec Poutine et Zelensky était possible «tout bientôt». Une déclaration qui survient après des semaines d'annonces fracassantes. Le président américain a d'abord donné 50 jours à Vladimir Poutine pour entamer des négociations de paix, avant de raccourcir considérablement ce délai à dix jours.
Pour faire respecter cet ultimatum, Trump a en outre brandi la menace de sanctions secondaires, c'est-à-dire de mesures punitives contre les pays qui continueraient à acheter du gaz et du pétrole à la Russie. En parallèle, il a également agité des menaces militaires: deux sous-marins nucléaires américains ont été déployés à proximité de la Russie. Bref, le président américain veut montrer qu'il ne plaisante pas. Mais faut-il le prendre au sérieux pour autant?
Le plan de Trump est clair, mais risqué. Ses sanctions secondaires menacent non seulement la Russie, mais aussi les pays qui font affaire avec Moscou, notamment l'Inde et la Chine, principaux acheteurs de pétrole russe. Trump a ainsi pris publiquement l'Inde à partie en lui imposant des droits de douane de 50%. La raison? New Dehli achète du pétrole brut russe à prix réduit et le revend à un prix que Trump estime trop élevé.
Le Kremlin reste (trop) calme
Du côté de Moscou, on ne montre aucun signe de nervosité. Bien au contraire, Poutine n'a même pas commenté les menaces de Trump, laissant plutôt l'ex-président Dmitri Medvedev brandir la menace d'une escalade nucléaire sur X. Selon le Kremlin, Trump «est émotif», «ne doit pas être pris au sérieux», et «n'est pas prêt à agir de manière rationnelle».
De plus, l'élite économique de Moscou ne croit pas à ces sanctions, écrit le journaliste russe Mikhail Zygar dans le «New York Times». Elle est persuadée que Trump ne tentera rien qui puisse faire grimper le prix du pétrole et donc celui de l'essence aux Etats-Unis. Il faut dire que la Chine, l'Inde, la Turquie – autant de pays étroitement liés à Moscou – ne comptent pas se plier aux exigences de Trump. Or, ce dernier ne peut pas se permettre de déclencher un conflit ouvert avec ces trois pays.
Moscou n'est malgré tout pas en bonne posture: en Russie, les entreprises font face à des taux d'intérêt exorbitants, les investissements stagnent et la banque centrale prévoit une croissance infime, décrit Mikhail Zygar. Mais le Kremlin persiste à croire que tous ces signes n'ont pas d'importance et l'élite est persuadée d'avoir appris à survivre dans l'isolement, voire à prospérer.
Une amitié brisée
Cette semaine s'annonce tout de même explosive, d'autant que la relation entre Trump et Poutine s'est sensiblement détériorée. Au début de son deuxième mandat, le président américain misait encore sur une politique de détente, bloquant les résolutions contre la Russie et se montrant très indulgent envers le Kremlin. Mais depuis les violentes frappes aériennes russes sur Kiev – la dernière ayant fait plus de 30 morts – le président américain a changé de ton.
Trump a jugé la stratégie de Poutine «répugnante» et l'a accusé de raconter des «conneries» lors des négociations, des mots qui contrastent fortement avec le ton amical adopté par Trump il y a seulement quelques mois. Le Kremlin semble s'amuser de ces provocations, car l'accord qu'exige Trump est exactement ce que Poutine refuse. Le président russe ne veut pas négocier, il veut gagner.
Marcel Berni, de l'Académie militaire de l'EPFZ, déclare: «Je ne pense pas que la Russie soit très émue» par la colère de Trump. «Poutine considère qu'il a un avantage militaire et n'est pas intéressé par un cessez-le-feu. Moscou espère avoir l'Occident à l'usure».
Deux scénarios pour vendredi
Il est pour l'instant difficile de prédire ce qui se passera ce vendredi 8 mai, mais deux scénarios se dessinent, selon Marcel Berni. Dans le premier, «Trump se laisse à nouveau amadouer, peut-être même intimider, par Poutine et prolonge son ultimatum». Les experts qualifient ce type de retournements de situations de «moments soufflés»: «Trump finit toujours par se dégonfler».
Dans le deuxième scénario, Trump passe à l'action, comme il l'a fait lors de l'attaque contre le programme nucléaire iranien. Il impose de lourdes sanctions secondaires, accepte de nouveaux bouleversements économiques et risque des tensions politiques avec des pays comme l'Inde et la Chine. Mais quelle serait l'efficacité réelle de nouvelles sanctions? «Au mieux, il faudrait des mois pour que le Kremlin en ressente les effets», affirme Marcel Berni.
Ce vendredi 8 août ne sera donc pas un tournant majeur pour l'Ukraine, mais il aura tout de même une signification symbolique: Trump s'en tiendra-t-il à la politique du spectacle ou prendra-t-il les choses au sérieux et mettra en jeu ce qui lui importe le plus: le contrôle de sa propre mise en scène.